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Comment sortir de la guerre russe en Ukraine ?

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“La guerre ne devait pas durer plus d’une semaine pour les dirigeants russes” d’apres Dimitri Minic, chercheur au centre Russie-NEI de l’IFRI. Enchaînant les déconvenues, la Russie a choisi ces dernières d’opérer un changement de stratégie. Il ne s’agit plus de “dénazifier” l’Ukraine mais désormais de maintenir le lien sacré entre le Donbass et la Russie – région disputée officieusement depuis 2014 dans un conflit qui avait déjà coûté la vie a 14000 personnes avant même le début de l’offensive russe et la reconnaissance de son indépendance par le Kremlin. En franchissant ce cap, Moscou a assumé de ne plus être une tierce partie mais bien officiellement un belligérant dans cette guerre jusque-là larvée.

La réaction des différents pays à l’ONU a permis en quelque sorte de faire un état des lieux géopolitique mondial. S’il y a une condamnation assez large de l’invasion russe, celle-ci est très peu suivie de conséquences. En dehors des Occidentaux, qui ont fait preuve d’une union peu commune, le reste du monde a largement refusé de prendre des sanctions contre la Russie (on parle d’une importante majorité nette de la population mondiale) et ce malgré les exactions documentées perpétrées par l’armée russe. Une dynamique qui souligne le retour du non-alignement de pays qui ne veulent pas être pris dans le dualisme Otan/Russie et au contraste avec l’unité qui a suivi les attentats du 11 Septembre 2001.

Dans ce contexte contrasté, le Président ukrainien Volodymyr Zelensky redouble dans ses demandes d’aide. “‘La résistance du port de Marioupol ne tient plus qu’au sacrifice d’un dernier carré de soldats ukrainiens dans un complexe industriel de la ville ; les bombardements de Kiev et de Kharkhiv ces dernières 48 heures en riposte à la perte du « Moskva » ont fait des victimes et des dégâts ; et surtout, il y a les préparatifs militaires russes qui inquiètent”, résume l’analyste Pierre Haski. Moscou a en effet réagi avec des frappes meurtriers à la perte de son navire amiral en Mer noire, coulé par des missiles de fabrication ukrainienne – pour ne rien arranger à l’humiliation

L’ère de la techno guérilla

Zelenski “presse le monde de lui envoyer les moyens de se battre, car lorsque la bataille aura commencé, il sera beaucoup plus difficile de réapprovisionner les forces sur le front”, précise l’éditorialiste. Car en plus du moral, les succès ukrainiens sont en grande partie dus à un usage méticuleux de moyens technologiques modernes dans une techno-guérilla qui est en train de redéfinir les stratégies militaires modernes. Cette stratégie a provoqué des pertes considérables dans le camp russe – entre 7 000 et 15 000 tués et entre 20 000 et 40 000 soldats hors de combat. Un bilan dû au fait que les combats urbains sont très coûteux en vies humaines. La supériorité numérique – que la Russie n’a plus – y est donc décisive.

“L’armée russe est en train de nous prouver qu’elle n’est pas la seconde armée du monde (…) On la pensait modernisée et efficace mais on constate qu’elle est revenue très rapidement aux tactiques de la seconde guerre mondiale c’est-à-dire des barrages d’artillerie massifs y compris contre les villes et les populations civiles” analyse Olivier Lepick, chercheur associé à la Fondation pour la Recherche Stratégique. Pour autant, avec la redéfinition contrainte des objectifs du Kremlin, la guerre est en passe de changer de type, laissant court à des affrontements plus traditionnels en terrain découverts ou l’avantage matériel russe devrait enfin pouvoir jouer à plein. Une évolution qui justifie sans doute la décision des Etats-Unis d’envoyer cette semaine des avions de chasse en Ukraine afin de rééquilibrer le rapport de force. 

Quelles issues à la guerre?

Quelle pourrait être la réaction de Moscou devant de nouvelles déconvenues en chaîne ? Elles pourraient pousser la Russie a avoir recours aux armes chimique: Nous savons d’ores et deja que des bombes au phosphore blanc ont été utilisées près de Kiev le 22 mars, comme en avait attesté Le Monde, et le 24 mars près de Louhansk, dans le Donbass. D’autres signaux inquiètent, comme les appels de certaines personnalités médiatiques russes à une “éradication totale des ukrainiens” et les mises en garde répétées du Kremlin aux livraisons d’armes occidentales. Pour autant, une escalade impliquant les occidentaux demeure improbable. “Si ligne rouge il y a, il s’agit du territoire de la Russie”, estime ainsi Bruno Tertrais, spécialiste de l’analyse géopolitique et stratégique, et directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique.

Au début d’une nouvelle offensive, nous n’en sommes malheureusement pas encore au temps de la diplomatie. Ill faut toutefois s’interroger sur les issues à cette guerre qui s’enlise, à l’image de la raspoutisa saisonnière. On peut paradoxalement se féliciter du fait que Moscou n’ait jamais précisé ses objectifs. La Russie voudra en toute logique présenter cette guerre, si meurtrière fut-elle, comme une grande victoire. “Poutine a besoin de présenter un résultat, et il pourrait affirmer qu’il a libéré l’Est de l’Ukraine – pour reprendre son vocabulaire” avançait Hubert Védrine dans un entretien accordé à l’IRIS. Il pourrait s’agir d’une sortie à cette guerre d’usure. Reste toutefois à déterminer la réaction de l’Ukraine au “fait accompli russe” : choisira-t-elle de continuer le combat jusqu’à la libération totale du pays ou de renoncer “la mort dans l’âme » a une partie de son territoire. 

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