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Une orque dans la Seine

Orque, SeineOrque, Seine

Aperçue pour la première fois le 16 mai dernier entre Honfleur et Le Havre, la jeune « baleine tueuse », un mâle d’environ quatre mètres, n’a pas quitté la Seine depuis, et semble aujourd’hui très affaiblie. Son pronostic vital est engagé. 

En danger, mais « pas à l’agonie »

Selon Sébastien Jacquot, chargé de mission au GECC (Groupe d’Etudes des Cétacés du Cotentin), l’orque serait issue d’une population se trouvant « du côté de l’Irlande ». Cette espèce vivant généralement en groupe, plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer son isolement. L’individu aurait pu quitter les siens « par curiosité », ou pour « chasser, des phoques probablement », suggère Sébastien Jacquot. Mais Delphine Eloi, également du GECC, explique que son éloignement pourrait être dû à une maladie. « Il serait ainsi venu dans des eaux plus calmes pour se nourrir plus facilement », avance la chercheuse, ou aurait pu simplement être abandonné par les autres membres du groupe.

Toutefois, bien que très divertissante à première vue, la présence de l’orque dans la Seine n’a rien d’anodin, et n’annonce rien qui vaille pour l’animal. « Le pronostic vital est engagé. On est vraiment très très inquiets. Son état de santé est très dégradé», prévenait le vice-président du GECC, Gérard Mauger, mercredi dernier. D’autant que l’orque est « très probablement arrivée déjà affaiblie vers l’estuaire de la Seine », rappelle monsieur Mauger.

L’ « orque mâle, espèce protégée et sauvage », est « très affaiblie », a de son côté fait savoir la préfecture de Seine-Maritime dans un communiqué. L’animal n’est toutefois « pas à l’agonie », précise Alexandre Gannier, docteur en écologie marine et spécialiste des cétacés. Ce mâle adulte « est affaibli, il a probablement perdu quelques kilos, mais il semble avoir encore de la tonicité », explique le chercheur. 

Intervention humaine nécessaire

Mais qu’il soit à l’agonie ou non, les chercheurs ont toutes les raisons d’être inquiets, l’orque étant un animal marin ayant besoin d’eau mer. Cet animal « n’a naturellement pas vocation à évoluer séparé de son groupe, ni dans des cours d’eau douce. Il pourrait être blessé ou malade », a fait savoir la préfecture de Seine-Maritime. Nous recommandons donc « d’éviter tout rassemblement ou affluence à sa proximité, ce qui pourrait mettre cet animal sauvage en danger, mais surtout représente un risque pour les personnes », poursuit le communiqué.

Sans les minéraux présents dans l’eau de mer le système immunitaire de l’orque devrait s’affaiblir, pourtant l’animal ne semble pas attiré par le large, au contraire. «Elle fait des allers-retours. Elle va assez loin dans les terres, ce qui est assez surprenant », relate Sébastien Jacquot. Toutefois, ce n’est pas la première fois que la présence d’une orque est constatée en eaux douces. « En octobre 1931, une femelle de 4 mètres de long remonta la rivière Columbia, dans l’Oregon, sur plus de 100 milles et y séjourna près de 100 jours », peut-on lire dans l’encyclopédie Larousse. 

L’orque de la Seine est donc encore loin d’atteindre les 100 jours, et n’a d’ailleurs aucun intérêt à battre ce record. « Plus elle reste dans l’eau douce, plus ça va accélérer la dégradation de son état de santé. Elle est très loin de la mer. C’est vraiment compliqué de trouver des solutions pour essayer de l’inciter à reprendre le chemin de l’eau salée, prévientGérard Mauger. Son état de santé fait que c’est plus confortable pour elle d’être dans un fleuve parce que c’est moins agité. Elle dépense moins d’énergie, mais c’est plus compliqué pour se nourrir : il y a moins de proies qu’en mer. Et elle est toute seule alors que ce sont des animaux qui chassent en meute ».

Mais si rien n’est fait pour l’aider et qu’elle « reste en place comme cela pendant des semaines, elle va mourir », tranche Alexandre Gannier. Pour éviter cela, des professionnels pourraient « avec un canot semi-rigide, avec beaucoup de douceur, beaucoup de patience, gentiment suggérer à l’orque la direction à prendre pour sortir de ces méandres de la Seine », suggère Sébastien Vannier. 

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