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Les réfugiées ukrainiennes peinent à accéder à l’IVG

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Les Ukrainiennes pensaient être à l’abri une fois arrivées en Pologne, Roumanie et Hongrie, mais pour celles d’entre elles qui sont enceintes, le calvaire est loin d’être terminé. 

Quasiment impossible en Pologne

« Souvent, les réfugiées ukrainiennes qui ont subi un viol et ont besoin d’une IVG se contentent de nous dire au téléphone : j’ai une grossesse non désirée. Quelqu’un m’a fait quelque chose, pouvez-vous m’aider ?… », raconte Antonina Lewandowska, de la Federa, la Fondation pour les femmes et le planning familial en Pologne. Mais cette pudeur, bien que légitime, leur fait hélas souvent défaut, le viol étant l’une des conditions pouvant légitimer l’IVG (il ne le rend pas automatique pour autant).

« L’avortement en cas de viol ou d’inceste est certes légal en Pologne mais il faut dénoncer le viol à la police et le procureur doit d’établir un document en attestant. Ensuite, il faut espérer que le médecin au sein de l’hôpital public n’activera pas sa clause de conscience. Et vous n’avez que 12 semaines : autant dire que pour les réfugiées ukrainiennes, c’est peine perdue ou presque », déplore madame Lewandowska.

Bien que légales, seules quelques IVG sont pratiquées en Pologne chaque année, et nombre de Polonaises sont contraintes d’aller à l’étranger pour subir l’opération. « Avortement sans frontières a permis à 34 000 personnes en Pologne d’accéder à une IVG et nous allons aider beaucoup de femmes ukrainiennes (déjà 400), car malheureusement la Pologne ne fait rien quand il est question des droits reproductifs des femmes », témoigne Kinga Jelińska, de l’association Women Help Women. « Le système est oppressif, mais il y a beaucoup d’innovations et des organisations très utiles », nuance tout de même la jeune femme.

Guère mieux en Hongrie

« Les réfugiées ukrainiennes ont bel et bien accès à une IVG chirurgicale en Hongrie, au nom de la protection temporaire octroyée par l’UE. Mais nous essayons de rediriger les femmes nécessitant une IVG en Autriche, car l’IVG est une procédure traumatisante et longue en Hongrie. Il n’y a aucune coopération avec le gouvernement, qui pousse une rhétorique très chrétienne et essaie de réduire les ONG au silence », explique Ágnes Szalóki, de l’association Patent.

En Hongrie aussi, de nombreuses femmes traversent donc les frontières pour pratiquer une IVG. Le docteur Fiala, gynécologue à Vienne, affirme recevoir environ cinq patientes ukrainiennes par semaine. « On en avait pas du tout avant la guerre, car elles pouvaient avorter en Ukraine », mais désormais nous recevons celles réfugiées en Autriche. Elles viennent également de Hongrie et de Pologne, « où elles peuvent difficilement avorter », précise le docteur Fiala.

Question d’argent en Roumanie 

Aujourd’hui, près de 34 000 Ukrainiens bénéficient du mécanisme de protection temporaire européen en Roumanie. « Nous avons commencé par les héberger. Puis l’accès à la santé reproductive est devenu une priorité, raconte la sage-femme Irina Popescu-Mateescu. En théorie, le mécanisme permet d’accéder aux soins gratuitement, mais, dans la pratique, la situation est plus compliquée et varie selon chaque pays. » 

En Roumanie notamment, l’IVG est particulièrement difficile d’accès. « Le seul gynécologue qui pratiquait des avortements dans cet hôpital (l’hôpital public de Bucarest) a jeté l’éponge, déplore Andrada Cilibiu, de l’association Centrul Filia. Il a réalisé des milliers d’avortements à lui seul ces deux dernières années, et pour de nombreuses femmes venues des régions hors de la capitale. C’est dire à quel point l’IVG est devenue difficilement accessible. »

Dans la plupart des hôpitaux, « le secrétariat central nous dit que l’IVG n’y est pas pratiquée, alors que des médecins et internes dudit hôpital le font pourtant, explique Andrada Cilibiu. Finalement, tu peux avorter en Roumanie mais seulement si tu vis dans certaines villes, si tu connais quelqu’un qui connaît un docteur qui pratique l’avortement. Et si tu as de l’argent. Pour les réfugiées, c’est d’autant plus compliqué qu’elles n’ont pas de réseau ni les moyens, et ne parlent pas la langue ».

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