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Israël reste neutre face à la guerre en Ukraine

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Depuis le début de la guerre, la position de l’Etat hébreu n’a pas beaucoup évolué. Il condamne l’intervention de la Russie, aide activement l’Ukraine sur le plan financier et humanitaire, mais s’obstine à ne pas envoyer d’armes. Alors, comment expliquer cette neutralité  ? Et jusqu’où l’horreur devra-t-elle aller pour que l’Etat hébreu prenne ses responsabilités  ? 

Ménager la chèvre et le chou

Les raisons de la neutralité d’Israël sont claires, et tiennent en grande partie aux importantes communautés juives présentent à la fois en Russie et en Ukraine. «  La guerre en Ukraine bouleverse en profondeur le monde juif russophone, car c’est une guerre entre deux pays qui constituent des maisons historiques du monde juif est-européen », explique Sarah Fainberg, enseignante en science politique à l’université de Tel-Aviv et auteure du livre  Les Discriminés. L’antisémitisme soviétique après Staline. «  L’Ukraine, depuis quelques années, était devenue une petite Jérusalem du monde européen, attirant des Israéliens et des juifs du monde entier, car c’était un des rares endroits où l’on faisait revivre une tradition juive datant d’avant la Shoah », ajoute la chercheuse.

«  On a tous peur. Celles et ceux qui ont des familles en Ukraine. Celles et ceux qui ont des familles en Russie. Si on doit évacuer les femmes et les enfants, cela se fera sous le feu et il faudra se coordonner avec les Russes  », abonde Alexander Grinberg, membre du Jerusalem Institute for Strategy and Security.

Mais outre les populations juives de part et d’autre de la frontière, la neutralité de Tel-Aviv s’explique aussi par une coopération militaire avec la Russie en Syrie. La neutralité israélienne résulte de «  l’accord tacite avec la Russie pour laisser l’armée de l’air israélienne bombarder des cibles iraniennes en Syrie  »  et de la  «  présence de grandes communautés juives à la fois en Ukraine et en Russie  », l’ancien ambassadeur israélien en France, Daniel Shek.

Lente évolution

Les massacres de civils en Ukraine ne suffisant apparemment pas, il aura fallu que Sergueï Lavrov parle des soi-disant origines juives d’Hitler pour qu’Israël sorte de ses gonds. «  Zelensky fait valoir cet argument  : comment le nazisme peut-il être présent alors qu’il est lui-même juif  ? De ce que je sais, Hitler avait aussi du sang juif, donc cela ne prouve rien. Cela fait longtemps qu’on entend les plus sages des juifs nous dire que les pires des antisémites sont juifs  », avait déclaré le ministre russe des Affaires étrangères le 1er mai dernier.  


«  Nous mettons tout en œuvre pour maintenir de bonnes relations avec la Russie, mais il y a une ligne rouge qui a été cette fois franchie. Le gouvernement russe doit s’excuser auprès de nous et du peuple juif  », avait immédiatement réagi son homologue israélien, Yaïr Lapid.

La population israélienne, en revanche, semble davantage se soucier du sort des Ukrainiens, et c’est elle qui pourrait faire sortir l’Etat hébreu de sa neutralité. «  Ces images d’une guerre d’ampleur se déroulant en Europe, avec des femmes et des enfants fuyant les bombes, ont touché la société israélienne au plus profond d’elle-même. C’est tout le traumatisme de l’Holocauste qui est ainsi remonté  », juge Yuli Khruchemko, une éducatrice pour enfant arrivée de Moscou en Israël en 1977.

«  Dans le système éducatif israélien, on parle souvent de la notion de “bystanders” pour désigner celles et ceux qui ont laissé faire la Shoah, sans y participer mais en regardant les juifs se faire tuer. Il est essentiel pour nous de ne pas nous retrouver dans une position similaire avec les Ukrainiens  », explique-t-elle. 

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