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L’armée française n’est pas prête pour la «haute intensité»

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Auditionnés en juillet par la nouvelle commission de défense de l’Assemblée nationale, les différents chefs d’état-major français (Marine nationale, armée de terre, armée de l’air et de l’Espace) en sont tous venus à la même conclusion. L’armée française manque de moyens pour mener une guerre de haute intensité.

Nous faisons le poids contre des combattants dits « insignifiants », dans une guerre asymétrique comme au Sahel, mais la haute intensité est une autre paire de manches. Il s’agit d’« un affrontement soutenu entre des masses de manœuvres agressives dont l’objectif est de vaincre la puissance de l’adversaire », définit l’armée de terre. 

Manque de moyens

Au sein de l’armée de terre, ce sont le manque de matériel et surtout de munitions qui se font sentir. Il faut absolument prendre acte de « l’excellent rapport d’information sur la préparation à la haute intensité, publié en début d’année par la commission, qui préconisait d’augmenter le potentiel des matériels terrestres, notamment par la constitution de stocks de pièces de rechange suffisants », a déclaré le chef d’état-major de l’armée de terre, le général Pierre Schill, devant les députés. Il est « nécessaire de réinvestir dans l’entretien programmé des matériels, de reconstituer des stocks pour améliorer les capacités de défense sol-air, les drones, les feux dans la profondeur, les systèmes d’information et de communication, le renseignement ou les moyens de franchissement».

Et pour l’armée de l’Air et de l’Espace non plus, la situation n’est pas très reluisante. Depuis 1996, une base aérienne a fermé tous les ans, et les effectifs ont chuté de 30% entre 2014 et 2019. Les avions de chasse, enfin, sont en nombre insuffisant ; de 750 en 1984, l’armée n’en dispose plus que 195 aujourd’hui. « Sans doute faudrait-il tendre vers un plancher de 225 avions afin de pouvoir remplir sereinement nos missions », estime le major général Frédéric Parisot.

Manque de navires

« Depuis 1945, la marine n’a jamais été aussi petite qu’aujourd’hui », déplore l’amiral Vandier, chef d’état-major de la marine nationale (CEMM). La marine manque donc de navires, mais aussi … d’avions. En effet, « la supériorité aérienne est essentielle car il est toujours plus facile de risquer un avion qu’un croiseur. Elle est effective lorsque l’on est capable d’envoyer un Rafale à 1000 nautique, 2000 kilomètres, d’un porte-avions pour menacer une flotte adverse, avec un risque mesuré, explique l’amiral Vandier. Les combats de frégates avec des missiles relèvent, quant à eux, du combat d’escrime : c’est le plus agile, le plus rapide et le mieux défendu qui l’emporte, mais il y a des coups à prendre ».

Le CEMM a donc profité de son audition pour rappeler l’intérêt tactique et stratégique du porte-avions. « Pourquoi les porte-avions ? Simplement parce que, dans ce retour du combat naval, comme c’est le cas à terre, on ne gagne pas une bataille sans supériorité aérienne. Dans les années 1990-2000, les porte-avions étaient des outils de projection de puissance vers la terre, dans des espaces peu militarisés, comme l’Afghanistan, le Mali ou l’Irak. Aujourd’hui, on se retrouve face à une densité de missiles et à une puissance de feu considérables, et pour pouvoir envisager de remporter un combat naval, il faut avoir la supériorité aérienne. Dans l’océan Indien, entre Djibouti et Bombay, celle-ci n’est possible qu’avec les porte-avions, tout le monde l’a compris », a insisté l’amiral Vandier.

Synthèse du CEMA

Quelle que soit la situation géostratégique dans laquelle nous nous trouvons, « la mission des armées, elle, demeure inchangée. Elle est de protéger la France et les Français », déclarait devant les députés le chef d’état-major des armées, Thierry Burkhard, le 13 juillet dernier. Nous devons donc poursuivre l’adaptation des termes de l’équation pour façonner l’armée dont la France a besoin. Rien de cela n’est une découverte, mais, depuis la guerre en Ukraine, nous constatons une véritable accélération. Il y a un enjeu immédiat pour rester en phase avec l’évolution de la conflictualité ».

Car « notre capacité à être une force expéditionnaire ne nous rend pas instantanément aptes à conduire une guerre de haute intensité », insiste le CEMA.

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