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La contre-offensive ukrainienne change la donne

Les forces de Kiev ont reconquis près de 6000 km² de territoires dans l’est et le sud du pays, entraînant par endroits la déroute de l’armée russe. Cette succession de victoires redonne de l’espoir côté ukrainien, et inquiète côté russe, où les décisions de Vladimir Poutine sont de plus en plus remises en cause. 

« Kiev a totalement manipulé Moscou »

Un tel retournement « est inédit depuis 2014, quand les Ukrainiens avaient repris Sloviansk, Kramatorsk et d’autres localités du Donbass » note Simon Schlegel, chercheur pour le think tank International Crisis Group. Des victoires qui, selon le ministre de la Défense ukrainienne, Oleksiy Reznikov, vont « au-delà des espérances ».

« En faisant un ample usage des réseaux sociaux pour vanter et illustrer cette opération présentée comme sa priorité, Kiev a totalement manipulé Moscou », examine Joel Hickman, vice-directeur du programme sur la défense et la sécurité transatlantiques du Cepa. 

Et sans rien enlever au courage des soldats ukrainiens, le chercheur reconnaît également l’importance de l’aide apportée par les Occidentaux. Cette reconquête est « une preuve tangible que les armes livrées à l’Ukraine sont un élément décisif dans la capacité du pays à gagner la guerre », insiste Joel Hickman, qui précise que « la formation des soldats ukrainiens au maniement de ces équipements a elle-même été particulièrement probante: dans le cas des Himars, par exemple, six mois de formation étaient prévus, mais les Ukrainiens n’ont eu besoin que de deux semaines pour être au point ».

Toutefois, « il ne s’agit pas de considérer les gains des derniers jours comme une victoire irréversible », prévient le chercheur. En effet, « Moscou dispose de moyens d’intensifier encore davantage le conflit, des bombes à sous-munitions et autres armes nucléaires tactiques dont Vladimir Poutine pourrait faire usage ».

La tension monte en Russie

Car le chef du Kremlin, confronté à une montée des nationalistes russes, pourrait bien être contraint d’avoir recours à de telles armes s’il veut garder la face. Personne ne s’en prend pour l’heure directement à Vladimir Poutine, mais nombreux sont ceux à pointer ses conseillers du doigt.

Vladimir Poutine n’est pas responsable, ce sont « les personnes qui l’ont convaincu que l’opération serait rapide et que les Ukrainiens se disperseraient qui nous ont rendu un mauvais service », estime par exemple Boris Nadezhdin, ex-député à la Douma, qui affirme que « vaincre l’Ukraine avec les ressources que la Russie utilise actuellement, c’est absolument impossible ».

Un autre partisan de Vladimir Poutine, le président tchétchène Ramzan Kadyrov, fidèle parmi les fidèles, a également osé lever le ton contre l’administration russe. « Des erreurs ont été commises. Si aucun changement n’est apporté aujourd’hui ou demain à la stratégie de l’opération spéciale, je serai obligé d’aller voir les dirigeants du ministère de la Défense et les dirigeants du pays pour leur expliquer la situation réelle sur le terrain. Il aurait fallu expliquer officiellement pourquoi et dans quel but la Russie s’est retirée », a déclaré le président tchétchène, nuançant tout de même finalement son propos : « Je sais une chose. Nous atteindrons bientôt Odessa et la Russie va gagner ».

Quelques élus municipaux de Saint-Pétersbourg et Moscou ont tout de même osé s’en prendre directement à Vladimir Poutine, demandant sa destitution au motif que la guerre avec Ukraine « nuit à la sécurité de la Russie et de ses citoyens ». Certains de ces élus ont été arrêtés, mais relâchés ensuite avec une simple amende. Signe, peut-être, qu’ils disposaient d’alliés dans de plus hautes sphères du pouvoir. 

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