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Tentative de réforme du Conseil de sécurité de l’ONU

Flags of member nations flying at United Nations Headquarters. 30/Dec/2005. UN Photo/Joao Araujo Pinto. www.unmultimedia.org/photo/

Plusieurs chefs d’État ont soumis une proposition cette semaine à l’Assemblée générale des Nations unies pour demander un élargissement du Conseil de sécurité, et une suspension du droit de veto en cas de crime de masse. Mais le veto permettant lui-même d’empêcher toute réforme, il y a peu de chances que la réforme aboutisse. 

Conseil plus représentatif

« Je souhaite que nous engagions enfin la réforme du Conseil de sécurité », a déclaré Emmanuel Macron, mardi, lors l’Assemblée générale de l’ONU, à New York. Le P5, les membres permanents (Etats-Unis, Chine, Russie, Royaume-Uni, France), « ne sont plus les seuls à avoir leur mot à dire », estime le président français, qui demande que le Conseil de sécurité « soit plus représentatif, qu’il accueille de nouveaux membres permanents, qu’il soit capable de jouer tout son rôle en limitant son droit de veto en cas de crimes de masse ».

Une idée reprise par le président américain Joe Biden mercredi 21 septembre, lors de son passage à la tribune. Nous devons absolument « augmenter le nombre de membres permanents et non permanents », a insisté le locataire de la Maison blanche. Une position surprenante de la part des Américains, historiquement si attachés à leur droit de veto, mais qui s’explique par la situation en Ukraine. « Jusqu’à présent, les Américains n’avaient aucun avantage à une réforme, puisque le statut de membre permanent donne tous les avantages décisionnels, explique Xavier Philippe, professeur de droit international à Paris 1. Mais après sept mois de guerre en Ukraine, Washington s’impatiente de la présence gênante de la Russie et mesure enfin l’aspect bloquant du droit veto ».

Mais l’élargissement s’annonce difficile, tant des dissensions existent entre les candidats potentiels. Le Brésil et le Mexique, deux candidats au statut de membre permanent, refusent que l’autre y accède. Idem pour l’Inde et le Pakistan. Et l’Europe n’échappe pas non plus aux désaccords, comme lorsque l’Allemagne avait suggéré en 2018 que la France cède son siège à l’Union Européenne. « Qui peut sérieusement croire que la France, qui n’existe encore sur la scène internationale en tant que puissance que grâce à sa dissuasion nucléaire et à son siège permanent au Conseil de sécurité, soit prête à céder quoi que ce soit sur ce terrain à une Allemagne qui n’en finit pas de gagner en importance en Europe et dans le monde ? », avait réagi Romuald Sciora, chercheur à l’IRIS.

Les mésententes sont telles que pour l’instant tout élargissement semble impossible. « Aucune des propositions n’obtient l’appui unanime des membres permanents et ne serait à même de recueillir l’appui des deux tiers des États membres », résume Jean-François Thibault, professeur de relations internationales à l’Université de Moncton.

Suspension en cas de crime de masse

Outre l’élargissement du nombre de membres permanents, Emmanuel Macron a également demandé que leur droit de veto soit suspendu sur tout dossier impliquant des « crimes de masse ».

« Cette idée avait déjà été défendue par la France sous François Hollande », rappelle Roger Koudé, professeur de droit international à l’université catholique de Lyon. « Elle semble crédible, mais son impact est limité dans la mesure où les situations sur lesquelles le Conseil de sécurité est amené à se prononcer sont par définition les plus délicates, donc propices aux crimes de guerre ». Pour l’expert, le problème vient tout bonnement du droit de veto, qui serait devenu « un outil de clientélisme géopolitique ». « Si ce n’est pas pour défendre leurs propres intérêts, les membres permanents en usent pour défendre ceux de leurs partenaires », estime-t-il.

Mais ces considérations n’ont pour le moment pas lieu d’être, toute modification du droit de veto étant conditionné à l’approbation de la Russie. « Si l’idée de réforme fait l’unanimité, le contexte actuel n’est pas suffisamment stable et apaisé pour la mener », conclut Xavier Philippe.

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