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Qarabag FK, la propagande par le foot

Le match de jeudi soir opposant le FC Nantes au Qarabag FK dans le cadre de la Ligue Europa a mis en lumière ce club azerbaïdjanais qui est devenu, au fil des ans, un véritable outil politique et de propagande pour les Azéris. 

Histoire « légendaire »

Fondé en 1951 dans la ville d’Agdam, dans le Haut-Karagagh, le Qarabag FK est dès sa naissance confronté à la dure réalité de cette région, gouvernée par l’Azerbaïdjan mais peuplée à plus de 90% d’Arméniens. Il se développe dans la douleur, et va même jusqu’à disparaître avant de renaître pour gagner son premier titre de champion en 1993 sous le nom de Qarabag FK. C’est d’ailleurs à cette période qu’il va constituer sa légende, durant la première guerre du Haut-Karabagh qui éclate en 1988.

En effet, lorsqu’en juillet 1993 les indépendantistes s’emparent d’Agdam, les joueurs du Qarabag FK n’abandonnent pas le championnat. Et même lorsqu’ils proposent d’abandonner leur maillot pour revêtir l’uniforme, l’armée les enjoint de rester à leur poste : « Je peux facilement trouver 11 soldats, mais 11 joueurs, je ne le peux pas », leur répond l’Etat major. 

Ensuite, lorsque la ville d’Agdam est tombée, les joueurs du Qarabag FK ont trouvé refuge à Bakou, et un bus de supporters a été financé par le club pour faire la liaison entre le Haut-Karabagh et la capitale.

Rapprochement avec le pouvoir

Début 2000, le président Heydar Aliyev, « a grandement financé le club en utilisant la société nationale de pétrole et de gaz naturel », explique Azad Balalas-Kazandjian, conseiller départemental des Bouches-du-Rhône et vice-président du Conseil de coordination des organisations arméniennes de France (CCAF). Une main mise politique que le nouveau président, Ilham Aliyev (le fils de son prédécesseur) a su perpétrer. 

Le Qarabag FK « est un club politique au sens premier du terme, estime Jean-Baptiste Guégan, expert en géopolitique du sport. Il devient peu à peu un porte-voix sportif du pouvoir azéri, qui considère rien que par le nom du club que le Haut-Karabagh lui appartient ». Un trait typique de la tradition post-soviétique, selon le spécialiste. Dans l’ex-URSS, « tu ne peux pas participer au pouvoir si tu n’es pas en rapport avec le sport, et tu ne peux pas être un acteur du sport si tu n’es pas lié au pouvoir … », assure-t-il. 

Aujourd’hui le Qarabag FK est « devenu plus qu’un club de foot, presque une association militante, insiste Jean-Baptiste Guégan. Ses joueurs sont devenus des agents d’influence d’un nouveau genre ».

Messages de haine

Et puisqu’il est intimement lié au pouvoir, le club diffuse la même haine des Arméniens que lui. En novembre 2020, le responsable de la communication du club, Nurlan Ibrahimov, avait par exemple appelé « à tuer tous les Arméniens, jeunes et vieux, sans distinction ».

Lors d’un match contre l’OM, en février dernier, les supporters azéris ont même « appelé au génocide et appris des mots français pour provoquer les ressortissants arméniens » présents dans le stade, affirme Jean-Baptiste Guégan. 

Enfin, même au sein de la direction du stade, le message est clair. « Le Karabagh, c’est l’Azerbaïdjan ! », avait par exemple déclaré le directeur général du Qarabag FK, Asif Asgarov, en février dernier.

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