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Face à Pékin, Tokyo montre les crocs

Vendredi 16 décembre, le Japon a annoncé une hausse exceptionnelle de ses dépenses militaires et un changement de sa doctrine, basée jusqu’ici sur une tradition pacifiste et un système d’auto-défense. 

Menace chinoise

Profondément marqué par la guerre et les bombardements d’Hiroshima et Nagasaki, le japon a décidé en 1946 d’inscrire à l’article 9 de sa constitution sa volonté de renoncer « à jamais à la guerre en tant que droit souverain de la nation ». En 1954 toutefois, Tokyo est revenu sur cette interdiction totale d’avoir une armée, en interprétant l’article plutôt comme une interdiction des comportements offensifs.

Cette doctrine d’auto-défense a cependant été mise à mal ces dernières années en raison de la montée en puissance de la Chine, et vient peut-être d’être définitivement abandonnée vendredi après cette hausse significative du budget militaire. 

Pour l’ancien ministre japonnais de la défense, Taro Kono, la question est sans appel. « En trente ans, le budget de la défense chinois a été multiplié par 44. Il a doublé en dix ans. Chaque année, nous dépensons 5000 milliards de yens quand la Chine en dépense – officiellement – quatre fois plus. Nous devons changer », martelait-il en mai dernier. Et monsieur Kono aura certainement été entendu, puisque Tokyo a annoncé vendredi un doublement de son budget militaire censé répondre au « défi stratégique inédit et sans précédent » que représente la Chine.

Recentrage militaire

Plus précisément, ces nouvelles rentrées d’argent permettront de financer des capacités de contre-attaque à longue portée, ainsi que de l’équipement spatial et cyberspatial. Mais surtout, Tokyo compte installer de nouveaux moyens « dans le sud-ouest du pays » selon le Premier ministre, Fumio Kishida. Autrement dit, face à la Chine. Il s’agit donc d’un recentrage militaire du Japon sur lui-même, contrairement à ce qui avait été entamé ces dernières années. « Il y a dix ans, le Japon voulait s’ajouter aux cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies. Il parlait de  “contribution proactive à la paix”.  Désormais, il veut surtout se défendre tout seul », explique un diplomate proche du dossier.

Se défendre seul certes, mais avec des armes américaines, Washington étant en état de quasi-monopole sur l’archipel. Une situation avantageuse pour personne à l’exception des Etats-Unis. « Le Japon devrait envisager d’ajouter l’industrie européenne à son panel de fournisseurs et à ses projets de développement. Cela permettrait très probablement de réduire ses coûts d’acquisition », souligne Nikolaus Boltze, président du comité Défense et sécurité du Conseil des entreprises européennes (EBC) au Japon.

Provenance des fonds

Pour financer le doublement de son budget militaire le Japon ne peut pas miser sur l’emprunt, ses finances publiques étant déjà endettées à hauteur de plus de 200% de son PIB. Le financement incombera donc au contribuable. 

« Protéger le pays incombe à notre génération », estime le Premier ministre, Fumio Kishida, pour justifier cette levée de fonds. Celle-ci reposera sur une réallocation partielle d’un « impôt de reconstruction » destiné à la région du Tohoku, sur une hausse de l’impôt sur les grosses sociétés, et sur une taxe sur le tabac, instaurée « au plus tôt en 2024 ».

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