Site icon La Revue Internationale

Paris cherche sa place en Afrique

Afrique, FranceAfrique, France

Après avoir unilatéralement rompu ses accords de défense avec Paris le 18 janvier dernier, Ouagadougou vient d’officialiser ce dimanche la fin des opérations militaires françaises sur son territoire. Un clap de fin aux allures de déjà vu qui atteste d’un changement d’époque, avec l’arrivée de nouveaux acteurs en Afrique, et un recalibrage de la stratégie française sur le continent. 

Inexorable effacement de la France 

De par son histoire coloniale, la France suscite les passions en Afrique de l’Ouest, où elle est vue comme un grand frère secourable en cas de besoin, puis comme le colonisateur qu’elle était une fois le danger passé. Ce sentiment anti-français, loin d’être nouveau, s’est toutefois accentué ces dernières années, au point de causer des tensions, voire des ruptures diplomatiques, entre Paris et ses anciennes colonies (Centrafrique en décembre 2021, Mali en août 2022).

C’est dans ce contexte dégradé que la ministre française des Affaires étrangères, Catherine Colonna, s’est rendue en Côte d’Ivoire début décembre pour mieux comprendre les causes du sentiment anti-français. Dans ce pays pourtant parmi les plus francophiles d’Afrique, il a été respectueusement porté à l’attention de la ministre que la jeunesse africaine n’était pas dupe, et que les écarts de la France n’étaient plus acceptables ; que le soutien aux dictateurs corrompus devait cesser, tout comme l’obstination de Paris à imposer le franc CFA, ce vestige du colonialisme qualifié de «  nazisme monétaire  » par l’économiste ivoirien Nicolas Agbohou.

L’intensité avec laquelle le sentiment anti-français a refait surface et s’est propagé n’est toutefois pas  uniquement du fait de la France. D’autres puissances sont à l’oeuvre en Afrique, et se servent du ressentiment à l’égard de l’ancien colonisateur pour le pousser vers la sortie. Turquie, Chine voire Etats-Unis surfent allègrement sur cette rancune pour empiéter sur le pré-carré français … Mais la Russie l’a, elle, érigée en arme. Perfectionnant ses méthodes de guerre informationnelle, elle est parvenue à bouter Paris hors de Centrafrique, puis hors du Mali, et opère maintenant au Burkina Faso. «  La Russie utilise ses armes informationnelles et digitales classiques, ferme à trolls, faux comptes sur les réseaux sociaux, financement secret de certains médias. C’est très efficace car le marché de l’information en Afrique est vulnérable  », explique Thierry Vircoulon, chercheur associé à l’Institut français des relations internationales.

Réinventer la relation franco-africaine  

Le sentiment anti-français, à la fois cause et conséquence de la perte d’influence française en Afrique, annonce bien la fin d’une époque. C’est à cause de lui que la France s’est fait évincer, et parce qu’elle n’est plus aussi présente qu’elle peine à redorer son image. « Notre temps est passé. Il faut se rendre à l’évidence, nous décrochons complètement. Nous sommes à la fin d’un cycle », résume Alexandre Vilgrain, ancien président du Conseil français des Investisseurs en Afrique (CIAN). 

Pour regagner le coeur de l’Afrique, Paris doit donc rompre avec son passé colonial, et entamer un nouveau cycle de son histoire. A l’image de son président Emmanuel Macron jugé condescendant, paternaliste et arrogant, la France doit se réinventer si elle veut continuer à jouer un rôle en Afrique, et pourquoi pas regagner en influence.

Emmanuel Macron lui-même avait justement présenté les contours de cette nouvelle relation franco-africaine lors de son discours à l’université de Ouagadougou, le 28 novembre 2017. Assurant vouloir mettre un terme à la a « politique africaine de la France  », le président français avait promu l’importance d’un « dialogue au niveau continental » entre l’Afrique et l’Europe, fondé sur des symboles forts, comme la restitution de certaines oeuvres d’art à leurs pays d’origine. Une mise en retrait diplomatique de la France qui n’aurait toutefois pas empiété sur son engagement militaire au Sahel, la lutte contre l’extrémisme religieux restant la priorité d’Emmanuel Macron.

Quitter la version mobile