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Dans Homs assiégé, des djihadistes d’Irak

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[image:1,l] « Nous travaillons à la lumière des bougies, car il n’y a plus d’électricité ni de fuel pour les groupes électrogènes. » L’homme qui parle ainsi s’appelle Karim Zeitoun. Il est médecin anesthésiste à Homs, plongé au beau milieu de ce qui est désormais une guerre civile.

Homs, ville martyre

Ne disposant d’aucun antidouleurs et d’un matériel sommaire, ce médecin s’est formé sur le tas aux horreurs de la guerre. Faute d’équipements adaptés, il ne soigne plus les blessures, mais ampute à la chaîne. Le manque de matériel à Homs est tel que les bandages utilisés pour les amputations sont réalisés avec des lambeaux de sous-vêtements.

Dans la vieille maison qui lui sert de dispensaire, une quinzaine de patients meurent à petit feu. Deux souffrent de graves blessures à la poitrine, cinq ont été blessées par des mortiers et trois ont déjà subi une amputation d’un membre. Sans antibiotiques, leurs jours sont comptés.

« Nous demandons de l’aide à la Croix rouge et au Croissant rouge. La situation est intenable, aujourd’hui nous n’avons rien à manger. Des enfants meurent. »

Le précédent massacre de Hama

Ceux qui ont eu la chance d’échapper jusque-là aux balles et éclats d’obus craignent de revivre ce qui était arrivé il y a trente ans. En 1982, Hafez el-Assad, le père de Bachar, avait réprimé la contestation alaouite dans la ville de Hama en envoyant l’artillerie. La révolte avait été matée dans un bain de sang : 30 000 morts. Principalement des civils.

Pour l’heure, au moins 500 personnes ont trouvé la mort dans le bombardement de Homs et 1000 ont été blessées. Le Réseau syrien pour les droits de l’homme évoque le chiffre de 754 morts. Le total des victimes des troubles en Syrie s’élève à plus de 6 000 morts depuis avril.

Le retour des tensions communautaires

Le chaos a poussé les quartiers chiites et sunnites à s’opposer. Les discours politisés et partisans envahissent les rues de la ville, dressant les communautés les unes contre les autres.

Haidar, un avocat de 40 ans, vivait jusqu’à peu à Hamadieh, un quartier que se partagent sunnites, chrétiens et alaouites (chiites syriens). Il habitait là avec sa femme, enseignante dans une école alaouite, et ses deux jeunes enfants. Mais après que de jeunes volontaires alaouites eurent été engagés pour cogner sur les manifestants antirégime, plusieurs voisins sunnites lui ont conseillé de quitter le quartier avec sa famille, « pour leur bien ». Emporté par la spirale de la méfiance, son foyer subit les effets de la discorde religieuse qui commence à gagner le pays.

« Le président al-Assad a embrigadé les alaouites avec l’armée et maintenant tous les alaouites sont perçus comme des assassins en puissance… », explique Haidar. Parti se réfugier dans la banlieue de Homs, à Nuzha, il envisage désormais de quitter la Syrie pour le Qatar ou un autre pays du Golfe. « C’est la guerre civile maintenant. Le gouvernement dresse les alaouites contre les sunnites. Et pour nous, alaouites, il n’y a pas d’avenir ici si Assad reste au pouvoir. »

Des djihadistes entrent en scène

A Homs, comme dans le reste du pays, la cohésion sociale du pays vole en éclat. Le conflit entre gouvernement et protestataires est en train de tourner à l’affrontement communautaire. A la frontière irakienne, la population voit se profiler le spectre d’une guerre interreligieuse.

Abou Annas Al-Homsi est un fondamentaliste salafiste qui a déjà affronté les Américains en Irak et qui mène désormais des combattants rebelles à Homs. Il ne cache pas son soutien aux sunnites : « Dire que je soutiens l’opposition ne me fait pas peur. Je fournis de l’argent et des armes aux rebelles. La communauté internationale est trop faible pour défendre les civils syriens, alors il faut que quelqu’un le fasse. »

La défense désintéressée des populations civiles n’est évidemment pas le seul objectif de ces djihadistes qui affrontent le régime de Bachar al-Assad. Ayman al-Zawahiri, le successeur d’Oussama ben Laden à la tête d’Al-Qaida, a appelé les musulmans de Jordanie, de Turquie, d’Irak et du Liban à participer au soulèvement contre le régime baasiste, « tumeur cancéreuse et pernicieuse du Moyen-Orient ».

Un attentat terroriste monté en épingle

Son appel coïncidait étrangement avec les explosions coordonnées de deux voitures piégées à Alep. Les rebelles de l’Armée syrienne libre ont démenti être à l’origine de cet attentat qui a tué 28 soldats et blessé 235 personnes.

Les images de l’événement ont été diffusées en boucle sur Syria TV, chaîne contrôlée par le régime sur laquelle n’apparaissent jamais les nouvelles en provenance de Homs. L’entrée en lice d’Al-Qaida serait une aubaine pour le régime syrien, qui depuis le début accuse les rebelles d’être des « groupes terroristes armés venus de l’étranger ».

Les rebelles résistent avec courage

Isolés du monde et livrés à eux-mêmes, les rebelles résistent avec des kalashnikovs et quelques lance-roquettes face aux chars et à l’artillerie de l’armée. Le commandant de l’Armée syrienne libre, le capitaine Ammar al-Homsi, s’efforce d’oublier ce manque de matériel : « S’ils veulent prendre Homs, ils devront marcher sur nos cadavres. Nous avons détruit quatre tanks la dernière fois qu’ils ont essayé. La prochaine fois, d’autres surprises les attendent, même s’il est vrai que le manque d’armes se fait sentir. La communauté internationale doit nous soutenir, car ici, c’est un massacre qui va se produire. »

GlobalPost/Adaptation rédaction JOL Press

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