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« Israël souhaite frapper l’Iran avant l’automne »

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[image:1,l] Lundi 13 février, Benjamin Netanyahou a accusé Téhéran d’avoir manigancé deux attentats visant les voitures des ambassades de l’Etat hébreu en Inde et en Géorgie. Mardi 14 février, à Bangkok, un Iranien suspecté d’être un terroriste a été grièvement blessé dans l’explosion d’un engin explosif. Autant d’échos aux meurtres non élucidés de spécialistes du nucléaire iraniens. Israël et l’Iran se livrent une guerre de l’ombre. Serait-elle sur le point de dégénerer en guerre ouverte ? L’option d’une attaque israëlienne contre l’Iran se précise et les deux pays fourbissent leurs armes.

Gideon Kouts, journaliste israélien, est correspondant à Paris et chef du bureau européen de la radiotélévision publique israélienne IBA. Il est aussi l’ancien président de l’Association de la presse étrangère (APE) à Paris et enseigne à l’Université Paris VIII-Saint-Denis.

JOL Press : croyez-vous à la possibilité d’une intervention israélienne unilatérale prochaine contre les installations nucléaires iraniennes ?

Guideon Kouts : c’est une éventualité qui est évoquée de longue date afin d’empêcher l’Iran de se doter de la bombe atomique. Aujourd’hui, la probabilité d’une telle action est-elle plus forte ? Logiquement oui, on peut le penser. Car une telle opération ne peut être efficace que si elle est conduite suffisamment tôt, avant que les Iraniens aient réalisé des progrès irréversibles. Quand aura-t-elle lieu ? En avril, mai, juin, juillet et, sans doute, avant l’élection présidentielle aux Etats-Unis.

Israël a-t-il les moyens de mener une telle opération ?

Guideon Kouts : oui, tout à fait. L’aviation israélienne est tout à fait capable de conduire une telle opération et, déjà, comme la presse a pu en faire état, plusieurs scénarios sont étudiés. La question est de savoir si ces frappes seront utiles. Les installations nucléaires iraniennes sont protégées, le plus souvent enfouies profondément sous terre. Une réussite partielle pourrait suffir à ralentir ou stopper les recherches en cours.

Observe-t-on des dissensions au sein du gouvernement ?

Guideon Kouts : sur la forme, comme d’habitude. Sur le fond, c’est moins sûr. Ehud Barak, ministre travailliste de la Défense dans le gouvernement Netanyahou, a indiqué, lors de son intervention devant le Forum économique mondial de Davos, fin janvier, que si les sanctions économiques à l’égard de Téhéran n’étaient pas accentuées, une opération aérienne serait inéluctable. Bientôt, a-t-il insisté, un point de non-retour sera atteint, à partir duquel toute action sera inefficace.   

Ce point de non-retour est-il atteint ?

Guideon Kouts : non, semble-t-il. Maintenant, la  question peut être posée différemment. Lancer une opération, risquer des représailles, un conflit ouvert, un embrasement de la région, est-ce opportun ? Certains se demandent même si Israël aurait à craindre un Iran doté de l’arme nucléaire. Après tout, ce nouvel équilibre stratégique pourrait être une garantie contre l’aventurisme politique, sans pour autant faire évoluer notablement les rapports de force régionaux.

La situation en Syrie offre-t-elle un contexte propice à Israël ?

Guideon Kouts : la Syrie fait face à de sérieux problèmes. Vous aurez remarqué le silence d’Israël sur ce sujet. Deux théories s’affrontent : la première prétend qu’un ennemi, ancien et connu, vaut mieux que de prendre le risque d’un nouveau régime islamiste, fût-il démocratiquement élu ; la seconde, à l’inverse, mise sur une chute de Bachar al-Assad qui affaiblirait l’Iran. Il existe indéniablement un axe Téhéran-Damas. L’Iran a transféré d’énormes sommes pour appuyer la Syrie et le Hezbollah. Une chute du régime de Damas affaiblirait aussi Téhéran par rapport à la Turquie, l’autre grande puissance non-arabe de la région.

L’Etat hébreu n’aimerait-il pas compter davantage sur l’appui des Etats-Unis ?

Guideon Kouts : Israël préférerait sans doute conduire une telle opération dans le cadre d’une coalition. Non pas pour des raisons militaires, mais plutôt pour des raisons diplomatiques et stratégiques. Notamment pour la gestion de l’après-crise. Dans le cadre d‘un éventuel départ en guerre, Israël resterait seul mais l’Iran le resterait tout autant. C’est peut-être la garantie de retombées régionales et mondiales plus limitées.

Certains suggèrent que des frappes militaires gêneraient la réélection de Barack Obama, ce qui ne déplairait pas forcément à Israël. Qu’en pensez-vous ?

Guideon Kouts : côté israélien, on craint sans doute qu’une fois réélu, Barack Obama soit plus énergiquement opposé à une telle opération et laisse, de fait, l’Iran acquérir l’arme nucléaire, et c’est pour cela que l’opération devrait être menée avant l’automne. Si c’est le cas, est-ce que cela gênera le président sortant ? Cela dépend du résultat. Si l’opération est réussie, il pourra toujours se prévaloir de ne pas l’avoir empêchée. Si elle capote, ce sera plus compliqué à gérer politiquement, surtout si les forces américaines dans le golfe Persique sont prises pour cibles. Ce qui est certain aussi, c’est que ses potentiels rivaux républicains sont nettement plus va-t-en-guerre. Pas sûr que tous les électeurs républicains soient sur cette ligne et cela pourrait servir Barack Obama.

La perspective d’une attaque suivie de représailles par l’Iran inquiète-t-elle l’opinion publique israélienne ?

Guideon Kouts : forcément, on ressent dans l’opinion publique une certaine inquiétude quant aux répercussions possibles. On observe des clivages en fonction des opinions politiques, comme sur la plupart des sujets. Mais la population israélienne reste plutôt calme. Les Israéliens, pour la plupart, ne croient pas à la guerre. Ils ne craignent pas pour leur intégrité physique. On n’assiste certainement pas aux préparatifs habituels en cas de risque de guerre, de grande guerre. Ce n’est pas la ruée sur les stocks alimentaires ou les masques à gaz. 

Propos recueillis par Franck Guillory pour JOL Press

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