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Les journalistes, nouvelles cibles de Bachar al-Assad

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[image:1,l]« L’enfant prodige de la photographie » comme le surnomme de nombreux médias, a perdu la vie hier, mercredi 22 février, lors du pilonnage du quartier de Baba Amro, à Homs. Rémi Ochlik  était un habitué des champs de bataille et des situations instables. Depuis près d’un an, il couvrait le Printemps arabe en Tunisie, en Egypte, en Libye et dernièrement en Syrie. Le photographe français n’est pas le seul professionnel à être tombé le même jour sous les obus de la répression syrienne. Marie Colvin, Américaine et surtout monument du journalisme de guerre, a elle aussi péri dans le bombardement du centre de presse.

Un petit prodige du photojournalisme

[image:2,xs]Né en 1983 dans l’est de la France, Rémi Ochlik s’est rapidement imposé comme un virtuose de la photographie. A peine diplômé de l’Icart, une école parisienne, il part en reportage sur l’île d’Haïti où il révèle un talent certain pour le photojournalisme. Son travail sera d’ailleurs consacré par le prix du Jeune Reporter François-Chalais et fera l’objet d’une projection au festival Visa pour l’image de Perpignan. « On m’a montré un travail sur les évènements d’Haïti. Très beau, très fort. Je ne connaissais pas le mec qui a fait ça. Je l’ai fait venir. Il s‘appelle Rémi Ochlik, il a vingt ans. Il a travaillé tout seul, comme un grand. Voilà. Le photojournalisme n’est pas mort » avait alors confié Jean-François Leroy, directeur du festival.   

Sûrement trop talentueux pour suivre des règles, il fonde sa propre agence de presse, IP3 Press, peu de temps après. Guerre en République démocratique du Congo en 2008, manifestations étudiantes à La Sorbonne  ou encore élections présidentielle en Haïti, de Paris aux quatre coins du monde, aucun conflit n’échappe à son objectif.

« Les peuples étaient animés par le sentiment du ras-le-bol, moi par celui d’être là où se joue l’histoire. »

« Je viens d’arriver à Homs, il fait encore nuit. La situation semble incroyablement tendue et désespérée », avait-il décrit au rédacteur en chef photo de Paris Match dès son arrivée, mardi 21 février au soir, dans la ville rebelle. Pourtant, il est un habitué du genre. L’année 2011, il l’a passée sur les fronts des révoltes arabes. « Une année incroyablement chargée » d’après lui, durant laquelle « chaque pays couvert avait son vécu propre par rapport à son régime, mais l’espoir, l’élan et les slogans étaient les mêmes. Les peuples étaient animés par le sentiment du ras-le-bol, moi par celui d’être là où se joue l’histoire ».

Entre les pages du Monde Magazine, de VSD, Paris Match, Time Magazine et du Wall Street Journal, ses photos témoignaient de la violence mais aussi de l’espoir. Quinze jours avant son décès, il avait été récompensé par le quatrième prix du World Press Photo Contest pour son travail Battle for Libya. > Son site internet

« Notre mission, c’est de rapporter les horreurs de la guerre avec précision et sans préjugés. »

[image:3,xs]A 55 ans, Marie Colvin n’en était pas à sa première mission sur le terrain. Correspondante de guerre et spécialiste du monde arabe, elle travaillait notamment pour le journal britannique Sunday Times  et intervenait régulièrement dans l’émission « Anderson Cooper 360° » sur CNN, où elle témoignait de la situation en Libye ou en Syrie. Quelques heures avant son décès, elle décrivait les conditions de vie à Homs ainsi que la mort d’un bébé pour la télévision américaine.

Récompensée du prix du « Meilleur correspondant étranger »  par la presse britannique pour ses reportages en Yougoslavie, en Iran, au Sri Lanka et au Zimbabwe, elle avait également reçu de la Fondation internationale des femmes dans les médias lui a le prix du « Courage en journalisme ». En témoigne l’œil de pirate qu’elle portait sur son front gauche depuis 2001, après avoir été blessée dans une embuscade au Sri Lanka.

Lors d’un discours donné en novembre 2010 en l’église St-Bride de Londres, Marie Colvin expliquait l’importance du journalisme de guerre. Consciente des dangers du métier, pour elle, « couvrir une guerre signifie aller dans des endroits déchirés par le chaos, la destruction et la mort, et en être le témoin. Cela signifie essayer de trouver la vérité malgré la propagande, quand l’armée, les tribus ou les terroristes s’affrontent. Et oui, cela signifie prendre des risques, pas seulement pour vous-même, mais souvent pour les gens qui travaillent avec vous. » « Notre mission, c’est de rapporter les horreurs de la guerre avec précision et sans préjugés » confiait-elle.

Le régime syrien accusé

Au lendemain du décès des deux journalistes occidentaux, les accusations se succèdent contre le régime syrien. Selon le quotidien britannique le Daily Telegraph, les forces du régime de Bachar al-Assad étaient prêtes à tout pour réduire au silence les journalistes étrangers en mission à Homs. C’est ce qu’indiqueraient des communications syriennes interceptées par les services de renseignement libanais. Peu de temps avant le bombardement, les militaires syriens se seraient demandé quelle version officielle donner sur la mort des deux journalistes.

« Nous refusons les déclarations qui font endosser à la Syrie la responsabilité de mort de journalistes qui se sont infiltrés sur son territoire sous leur propre responsabilité » a annoncé le ministère des affaires étrangères cité par la télévision d’Etat, rejetant toute responsabilité.

Mais de son côté, un opposant contacté sur Skype par l’AFP assure quant à lui que « le centre [de presse] a été visé car il y a 11 obus qui sont tombés sur et autour du bâtiment. Les forces du régime ont capté un signal de transmission. » « Des avions de reconnaissance planent tout le temps au-dessus de Homs », confiait quant à lui le chef de l’OSDH, l’Observatoire syrien des droits de l’homme.

« La France tient les autorités syriennes pour responsables et comptables de la vie de nos ressortissants et de nos blessés », déclarait à la presse Alain Juppé, exigeant une réponse du régime de Damas. « Je demande solennellement au gouvernement syrien l’arrêt immédiat des attaques et le respect des obligations humanitaires qui s’imposent à lui, qu’il s’agisse des journalistes, bien sûr, ou de l’ensemble de la population syrienne », a conclu le ministre français des Affaires étrangères. 

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