Site icon La Revue Internationale

En direct du siège de Saraqeb par les forces d’Assad

syrie.jpgsyrie.jpg

[image:1,l]Le 23 mars, les rebelles syriens ont pris le contrôle total de Saraqeb, la seconde plus grande ville de la province d’Idlib, au nord de la Syrie. Le jour suivant, les tanks sont entrés dans la ville. Le régime de Bachar al-Assad a ordonné l’assaut comme il l’a fait si souvent, ailleurs, à Idlib, Homs, Hama, et partout dans le reste du pays. Depuis plus d’un an, le pays s’enfonce dans le chaos avec pour principale raison, l’obstination d’un dirigeant.

Une colonne de tanks est entrée dans le centre-ville, tirant sur tous les rebelles. Un groupe, composé de déserteurs de l’armée syrienne, de docteurs et d’anciens commerçants s’est faufilé jusqu’à eux. Ce n’était pas la première fois qu’ils se frottaient à des tanks. Ils avaient connu des raids avant celui-là. Généralement, ils se contentaient de quelques tirs, puis posaient quelques bombes au bord de la route – sans trop d’effets.

La défense de Saraqeb 

Cette fois, un jeune homme à la mâchoire carrée a décidé de prendre les choses en main. Il a descendu l’avenue principale, brandissant une vieille grenade autopropulsée. Celle-ci était si vieille qu’il avait dû remplacer la courroie par une chaîne.  

A toute vitesse, il a pénétré dans la zone de tous les dangers. Son premier tir de roquette n’est pas parvenu à perforer l’armure frontale du tank. Pendant ce temps, d’autres combattants faisaient rouler des bombes au propane, attachées à des roues.

Malgré tous les efforts des rebelles, les tanks ont continué à bombarder la ville. Pour les aider, des tireurs d’élite se sont postés sur le toit des maisons.

Le lundi suivant, les forces syriennes avaient repris le contrôle de Saraqeb. A présent, la ville est plus sûre qu’une prison de haute sécurité. Personne ne peut ni y rentrer, ni en sortir sans passer par les postes de contrôle des autorités syriennes. C’est un risque que peu de monde est prêt à courir.

« C’est la seconde fois en cinq mois que les tanks entrent dans la ville, » me rappelle un rebelle. « Dieu est tout ce qui nous reste »

La province d’Idlib et les villes qui la constituent sont majoritairement sunnites. Les habitants en veulent au régime de Damas, dominé, lui, par les alaouites, une secte hétérodoxe et secrète. Du coup, la plupart d’entre eux soutiennent les rebelles. C’est très certainement l’impression que j’ai eu au cours des deux semaines que j’ai passées à voyager dans la province.

Une prison haute sécurité

En dehors des villes principales, les habitants qui acceptaient de parler à un journaliste, me disaient qu’ils n’en pouvaient plus du président Bashar al-Assad et de son gouvernement. Dans ces coins, parmi les plus reculés de Syrie, les rebelles se déplacent librement. Ils ont même pu installer des postes de contrôle.

Mais ces dernières semaines, les forces de sécurité syriennes ont tenté de reprendre le contrôle de la région. Ils ont avancé méthodiquement. De village en village. Plus tôt ce mois-ci, elles ont assiégé Idlib, la capitale de la région. Cette ville-là aussi a fini par prendre des allures de prison haute sécurité. Aujourd’hui, rares sont ceux qui osent s’en approcher.

Quand les forces syriennes ont pris Saraqeb ce lundi, les rebelles ont entassé leurs couvertures, leurs chichas, leurs armes et leurs vieux ordinateurs portables dans des camions. Comme de nombreuses familles, ils ont pris la fuite par la route. Une fois à l’abri hors de la ville, ils ont dormi dans des fermes et des petits villages, et ont passé la nuit à fomenter leur retour.

Quand la milice s’en mêle

Ceux qui sont toujours à l’intérieur de Saraqeb doivent composer avec la Shabiha, un groupe de mercenaires en civil, fidèles au régime. Les résistants les redoutent tout particulièrement. Ils s’en prennent à toute personne suspectée de soutenir la rébellion. Quarante personnes auraient déjà été tuées.

A l’extérieur de la ville, les rebelles ont transformé une cabane en hôpital. J’y ai croisé une vieille dame qui avait été touchée aux chevilles et à l’avant-bras par des éclats d’obus. Un homme en avait, lui, reçu dans les fesses. Tandis que les médecins s’attelaient à soigner les blessés, les militants ont lu, sur internet, les noms de sept personnes qui avaient été tuées cette nuit-là. L’un d’entre eux avait dû laisser sa femme et son bébé à l’intérieur de la ville : « Tout ce qu’ils peuvent faire, c’est rester à l’intérieur » s’inquiétait-il.

A l’extérieur de la ville aussi, les gens redoutent la Shabiha, la police politique fidèle à Bachar al-Assad. Pour trouver ceux qu’ils recherchent, ses membres n’hésitent pas à fouiller les maisons et à prendre des otages : « S’il ne peuvent pas avoir le fils, ils prennent le père. Et le gardent jusqu’à ce que le fils se rende » m’a expliqué Nouri, un Syrien réfugié en Belgique jusqu’à récemment.

La plus grande base de données du Moyen-Orient

Si la Shabiha est tant redoutée, c’est aussi qu’elle dispose d’une liste contenant les noms de tous les prétendus opposants, les rebelles et les membres de leurs familles. « En Syrie, quand l’un des nôtres figure sur la liste, on ne quitte plus la maison. Pour partir, il faudrait passer les barrages de l’armée. Et, forcément, on se ferait pincer, » m’ont expliqué ces activistes.  

« Ils ont la plus grande base de données du Moyen-Orient, » affirme Nouri. « La dernière fois que j’étais en Syrie, j’ai découvert que mon nom était sur la liste. J’avais toujours cru que personne ne savait que je faisais partie des résistants. Mais mon nom était sur la liste ! »

La petite ville de Seramin, à 20 kilomètres de là, pourrait bien être un indicateur de ce à quoi Saraqeb ressemblera quand les forces de sécurité en auront fini avec elle. Il y a une semaine, l’armée a bombardé Seramin avant d’y entrer. Les tirs ont pratiquement détruit la mosquée, parce que les religieux avaient appelé les habitants à se battre en utilisant les haut-parleurs. Et puis la Shabiha a brûlé les maisons, avant de procéder à quelques éxécutions.

« Que tout le monde écoute » pleure Nor Haj Hussein, une mère en deuil, en pointant un coin calciné de sa rue. « Ils ont tué mes trois fils. D’une balle dans la tête. Et puis, ils les ont brûlés sous mes yeux. »

Global Post/ Adaptation Anaïs Leleux – JOL Press

 

Quitter la version mobile