Site icon La Revue Internationale

Obama et Netanyahu unis face à l’adversaire

[image:1,l]

Ce n’est un secret pour personne, les relations entre le président américain et le Premier ministre israélien ne sont pas au beau fixe.

Pas d’alchimie, mais des intérêts communs

Le 3 novembre dernier, lors du G20 organisé à Cannes, Nicolas Sarkozy avait laissé échapper les mots « je ne peux pas le voir » et « c’est un menteur » en parlant de Benjamin Netanyahu, alors que les micros devant lui étaient toujours branchés. Barack Obama s’était empressé de lui répondre : « Tu en as marre de lui, mais moi je dois travailler avec lui beaucoup plus souvent que toi. »

Le Premier ministre israélien, pour sa part, est connu pour son grand scepticisme envers le président américain. Malgré cela, les analystes des deux côtés de l’Atlantique admettent que cette alchimie, qu’elle soit bonne ou mauvaise, n’aura pas tellement d’influences sur leur réunion de ce lundi 5 mars, la neuvième depuis qu’ils sont tous les deux à la tête de leur Etat.

Pour beaucoup, les enjeux sont maintenant trop importants. Le sommet de lundi à un but précis : trouver un consensus et présenter un front ferme face à l’Iran. Car jusqu’à maintenant, les deux gouvernements se sont montrés assez désunis sur la question du projet nucléaire iranien et sur le moment où une attaque militaire sera justifiée afin d’empêcher l’Iran d’obtenir sa bombe nucléaire.

« De ma propre expérience, je peux dire qu’il n’y avait pas deux chefs d’Etat plus distants que George Bush et Yitzhak Shamir. Mais lorsque leurs intérêts sont devenus communs, cette mauvaise alchimie s’est transformée » déclare Zalmon Shoval, ancien ambassadeur israélien à Washington et haut responsable du Likud, le parti de Benjamin Netanyahou.

Un soutien dans le fond, mais pas dans la forme

Avant le sommet, Barack Obama s’est montré décidé à combler le fossé qui le séparait de son homologue israélien. Lors d’une interview avec le magazine The Atlantic, vendredi 2 mars, le président américain est allé plus loin que jamais en menaçant l’Iran d’une action militaire si c’était la seule solution afin de l’empêcher d’arriver à ses fins.

« Je pense que le gouvernement israélien reconnais que, en tant que président des Etats-Unis, je ne bluffe pas. Dans un souci de politique saine, je ne fais pas non plus de publicité autour de nos intentions. Mais je crois que les gouvernements iraniens et israéliens savent tous deux que lorsque les Etats-Unis disent qu’il est inacceptable que l’Iran ait une bombe nucléaire, nous le pensons vraiment. »

« Il sera toujours dans l’intérêt de la sécurité nationale d’empêcher l’Iran d’obtenir l’arme nucléaire. »

Il y a un quasi-consensus parmi les analystes proches des deux gouvernements pour dire que ce sommet sera le plus important que les deux chefs d’Etat n’auront jamais tenu. Pour la première fois, le sujet qui a tendu leurs relations jusqu’au point de rupture, le processus de paix israélo-palestinien, ne sera pas à l’ordre du jour. Sur ce point, Benjamin Netanyahu peut se féliciter d’avoir gagné. Malgré l’insistance du président et de la Secrétaire d’Etat Hillary Clinton depuis ces trois dernières années, Benjamin Netanyahu n’a quasiment pas avancé sur le terrain des négociations de paix avec les Palestiniens.

Quand attaquer l’Iran ?

« La question à l’ordre du jour est tellement importante que même si l’alchimie est mauvaise entre les deux hommes, cela  restera en arrière-plan, même en privé. » analyse Zalmon Shoval.

Le problème qui divise les deux parties et qui devra être abordé concerne le moment à partir duquel il faudra considérer que les iraniens ont atteint « un point de non-retour ». Pour Israël, il faut empêcher l’Iran d’avoir une capacité nucléaire, avec ou sans véritable bombe. De leur côté, les Etats-Unis semblent vouloir persister dans la voie des sanctions économiques et leur laisser plus de temps pour agir  pour forcer l’Iran à mettre de côté ses ambitions nucléaires  et entrer en négociations avec l’Occident afin d’assurer sa survie.

Ce laps de temps ne plaît pas à Israël qui a peur que cette attente ne permette à l’Iran de construire tranquillement sa bombe.

Aaron David Miller, ancien conseiller pour le Moyen Orient des Secrétaires d’Etat américains estime que les deux leaders vont essayer d’obtenir deux choses très différentes lors de ce sommet.

« Bibi (surnom donné à Benjamin Netanyahu) aimerait obtenir le feu vert de Barack Obama ou au moins une marge de liberté pour effectuer des frappes sur les sites nucléaires iraniens s’il l’estime nécessaire, mais il ne l’obtiendra pas. Barack Obama, de son côté, veut un feu rouge, c’est-à-dire convaincre Benjamin Netanyahu qu’il faut laisser plus de temps aux sanctions, et il ne l’obtiendra pas non plus. Cette réunion portera sur le consensus qu’ils pourront trouver autour de ces deux feux. »

Un couple fonctionnel

Il y a une hypothèse très répandue qui veut que Netanyahu comme Obama ne s’aiment pas et soient restés bloqués sur les intransigeances de chacun après leurs difficultés sur le dossier du processus de paix.

Dans son interview à The Atlantic, Barack Obama a, pour la première fois, abordé la question de ses relations avec le Premier ministre israélien. Interrogé sur la nature du couple « dysfonctionnel » formé avec Benjamin Netanyahu, Barack Obama répond « Je pense que notre relation est au contraire très fonctionnelle, et c’est à l’œuvre qu’on reconnaît l’artisan, depuis trois ans, nous avons réalisé beaucoup de choses avec Israël. »

Interrogé sur leurs relations personnelles, le président répond, « Vous savez, la vérité c’est que nous avons tellement de travail que nous n’avons pas beaucoup de temps pour avoir des discussions au-delà des affaires. »

« Mais il y a une chose que j’ai découvert en travaillant avec le Premier ministre Netanyahu, c’est que nous pouvons être très francs l’un envers l’autre, très honnêtes. La plupart du temps, lorsque nous avons des désaccords, ils sont d’ordres tactiques et non stratégiques. »

Pour Aaron David Miller, les deux hommes ne peuvent tout simplement pas laisser un quelconque différent personnel intervenir dans ce dossier. Il y a trop « d’intérêts communs » explique-t-il.

Mais pour Zalmon Shoval, le problème va plus loin. La menace iranienne est une chose, la responsabilité du Premier ministre israélien en est une autre. Selon lui, c’est le poids de l’histoire juive.

Netanyahou en guide du peuple juif

« Pour Obama, c’est un moment politiquement très délicat. Mais pour Netanyahou, cela dépasse la politique. Au-delà du sérieux de la menace iranienne, il a dans ses mains la responsabilité d’Israël et du peuple juif. »

« Chaque Premier ministre israélien se considère, pas officiellement mais en substance, comme guide du peuple juif, que celui-ci le reconnaisse ou non. C’est le sentiment qui imprègne Bibi. Pour sa défense, si le monde d’aujourd’hui a un point de vue différent sur le problème de la menace du nucléaire iranien, c’est en grande partie grâce à son acharnement cohérent, logique et tenace  sur ce dossier. »

Abordant cette question dans son interview et avertissant clairement Israël contre une action unilatérale, Barack Obama déclare, « Le Premier ministre est à la tête d’un Etat moderne qui est conscient des coûts d’une action militaire qu’ils prennent très au sérieux. »

Global Post / Adaptation Sybille de larocque – JOL Press

Quitter la version mobile