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L’intervention militaire n’aura pas lieu

[image:1,l]La déclaration de François Hollande sur France 2, mardi 29 mai, soulève un doute. La communauté internationale serait-elle prête à intervenir en Syrie ?

Quand la France fait semblant de vouloir intervenir

« Une intervention militaire en Syrie n’est pas à exclure, à condition qu’elle se fasse dans le respect du droit international, c’est-à-dire par une délibération du Conseil de Sécurité de l’ONU », a déclaré le président français.

Menace ou coup de publicité ? Derrière ces mots, le président français ne s’est finalement pas aventuré bien loin« À moi, à d’autres, de convaincre Russes et Chinois. » Car les maillons faibles, ou forts, sont là. À la table du Conseil de Sécurité, régi par le droit de véto d’un seul membre, la France ne pèse pas lourd. Elle le sait.

En insistant sur les fermes alliés de la Syrie, François Hollande ajoute, « c’est lui pour l’instant ( Vladimir Poutine NDLR), avec la Chine, qui est le plus en retrait par rapport à ces questions de sanctions. Nous devons le convaincre que ce n’est pas possible de laisser le régime de Bachar al-Assad massacrer son propre peuple. »

Une déclaration symbolique

Déclaration facile pour François Hollande qui s’ajoute à la très symbolique expulsion de l’ambassadrice syrienne en France, le jour même. Le président emploie l’expression « intervention militaire » devant des téléspectateurs français choqués par la crise syrienne, il satisfait, mais ne fait rien. Dans l’état actuel des choses, une intervention armée en Syrie n’aura, en effet, pas lieu.

Et pour cause, toutes les forces en présence sont contre, ou en tout cas, ne voudront pas s’aventurer sur un terrain aussi miné que celui du pays sensible de Bachar al-Assad.

Barack Obama se remet à peine de l’Irak et de l’Afghanistan

Les États-Unis, en plein retrait des forces américaines d’Afghanistan et après avoir résolu le dossier Irak, ne voudront pas renouveler l’expérience sur un nouveau théâtre d’opération au Moyen-Orient, à quelques mois de l’élection présidentielle qui opposera Barack Obama au Républicain Mitt Romney.

Les États-Unis ont d’ailleurs déclaré ne pas être favorables à ce type d’interventions, considérant que résoudre le problème syrien par la force ne conduirait finalement qu’à plus de chaos et de carnage dans un pays qui souffre déjà trop depuis plus d’un an.

Vladimir Poutine n’a pas de comptes à rendre à l’Occident

Même si les États-Unis changeaient d’avis, pour une raison ou une autre, reste qu’autour de la table restreinte de l’ONU, la Chine et la Russie resteront campées sur leur position. À demi-mot, la Russie tente de calmer le jeu au Conseil de sécurité, mais derrière ce discours, Moscou reste un allié de Damas« Nous estimons que l’examen au Conseil de Sécurité de l’ONU de toute nouvelle mesure pour influer sur la situation est prématurée » déclare le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Guennadi Gatilov, mercredi 30 mai à l’agence de presse russe Interfax.

« Nous avons toujours dit que nous sommes contre toute intervention extérieure dans le conflit syrien, parce que cela ne fera qu’aggraver la situation pour la Syrie et la région et aura des conséquences imprévisibles » a par ailleurs rappelé le vice-ministre. La position russe est claire et ce n’est certainement pas la rencontre entre Vladimir Poutine et François Hollande, en fin de semaine, qui changera la configuration stratégique de la situation.

Trop de dossiers en cours sur les bureaux chinois

De la même manière, la Chine est relativement peu sensible aux pressions « polies » exercées par l’Occident et semble n’être concernée que de très loin par le dossier syrien. La Chine n’aime pas le principe d’ingérence et n’est pas prête à changer d’avis. Elle aussi a de nombreux problèmes internes à régler, à commencer par un changement de présidence dans quelques mois à peine. Le dossier syrien n’est pas à l’ordre du jour. Deux vétos sur cinq, l’intervention militaire en Syrie, sous mandat de l’ONU, n’aura pas lieu.

Si Russie et Chine sont tout à fait capables de se rallier aux déclarations de l’ONU, condamnant tous les bombardements passés et à venir, ils n’iront certainement pas plus loin.

Les chiites défendront les chiites

D’autre part, le conflit syrien n’est pas indépendant de ses voisins et une intervention pourrait réveiller de nombreux acteurs qu’il serait préférable de ne pas ennuyer. Le Liban et l’Iran sont notamment d’importants soutiens de Bachar al-Assad.

Car derrière les bombardements, la question religieuse, souvent ignorée ou minimisée, dirige pourtant le conflit. Dans la poudrière régionale, les chiites soutiennent les chiites et les sunnites soutiennent les sunnites. Bachar al-Assad l’alaouite peut compter sur Mahmoud Ahmadinejad et sur la communauté chiite libanaise pour défendre ses intérêts. Car aucun des deux pays ne souhaite voir s’installer au pouvoir un sunnite en Syrie.

Bachar al-Assad n’est pas le cœur du problème

François Hollande connaît toutes ces données et sait parfaitement qu’une intervention n’est ni envisageable, ni souhaitable.

La solution du consensus pourrait alors se trouver dans un « retrait à la yéménite ». Le président Bachar al-Assad serait calmement écarté du pouvoir, la transition serait confiée à un de ses proches et de nouvelles élections pourraient être envisagées quelques mois plus tard. Mais les forces en présence n’envisageront pas de se retirer et la solution de paix syrienne risque de prendre plus de temps que l’Occident ne le souhaite. En attendant, ce sont les populations civiles qui sont les victimes de ce qui s’apparente de plus en plus à une guerre de clan.

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