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La Grèce à l’heure des compromis

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Des critiques, toujours des critiques

Les Grecs ont été furieux lorsque la directrice générale du FMI, Christine Lagarde, a exprimé plus de sympathie à l’égard des enfants touchés par la pauvreté au Niger que pour les Grecs qui, a-t-elle dit, mettent le futur de leurs enfants en danger, après des générations d’évasion fiscale et une vie bien au-dessus de leurs moyens.

Ils ont condamné ses propos en affirmant que l’austérité draconienne qui leur était imposée était « une punition suffisante » pour les extravagances de la Grèce.

Les Grecs ont de bonnes raisons d’être énervés 

En privé, cependant, ils sont plutôt d’accord avec la Française. Ils concèdent volontiers que leur pays mérite quelque peu son sort : ses dirigeants ont menti à l’UE à propos du montant de l’emprunt grec, l’ampleur du déficit national et de la dette. Ils en veulent aux deux principaux partis de gouvernement d’avoir renforcé le secteur public de manière excessive, et d’avoir constamment gâché les opportunités d’engager les réformes nécessaires.

Ils dénoncent la corruption et l’élitisme d’un système politique reposant sur les rousfetti – faveurs politiques -, fakelaki – enveloppes glissées – et autres grigorossimo  – coups de pouce. Ils condamnent ceux qui ont fait en sorte de ne pas payer leurs taxes et impôts ou ont caché leur argent à l’étranger. Ils savent que l’individualisme et la faible culture civique qui règnent dans leur pays ne peuvent plus durer. Même s’ils doutent que cela soit possible.

Un discours politique qui absorbe les colères et anxiétés 

Tout autour d’Athènes, on ressent une atmosphère d’agressivité, d’anxiété et d’incivilité, bien plus prononcée que dix mois auparavant. C’est plus grave encore, et préoccupant que la criminalité, les graffitis , les chauffeurs désagréables, les fumeurs qui ne respectent pas la législation anti-tabac et l’industrie du tourisme qui ne respecte pas les trésors du pays. Le discours politique avait toujours été animé, enflammé mais, aujourd’hui, c’est la colère, la tristesse et l’incertitude qui dominent.

Pour beaucoup, l’élection du 17 juin sera une autre forme de « revanche » – l’opportunité de punir les leaders du centre-droit (Nouvelle Démocratie) et du centre-gauche (PASOK) qui n’ont cessé de mal gouverner et de trahir la nation. Tant d’électeurs sont frustrés, persuadés que ni l’un ni l’autre des deux grands partis n’a compris la leçon. Résultat : ils vont se tourner vers les extrêmes.

Les partis extrêmistes ont le vent en poupe 

A l’extrême gauche du spectre politique, on trouve les stalinistes, purs et durs, du KKE dont les affiches foisonnent dans la ville. A l’opposé, l’extrême-droite est représentée par le parti de l’Aube dorée, anti-immigration et ouvertement néo-nazi. C’est déconcertant de voir qu’il a gagné dans une circonscription de la Crète centrale, un lieu sans immigrants, qui était le cœur de la résistance contre l’invasion allemande au cours de la Seconde Guerre mondiale.

D’après le dernier sondage précédant l’élection, le parti le plus susceptible de se placer en tête, et de remporter ainsi 50 sièges supplémentaires ainsi que le droit de tenter de former un gouvernement, est le parti de la gauche radicale, SYRIZA. C’est davantage une coalition diffuse de différentes factions et personnalités qu’un véritable parti unifié.

Sa base est constituée majoritairement de jeunes chômeurs ainsi que d’électeurs plus âgés, qui souhaitent faire table rase du passé. Ils incarnent l’esprit de défiance insouciante arboré par certains grecs fiers, se sentant assiégés par la présence d’étrangers qui, pensent-ils, sembleraient vouloir dicter les termes de leur vie.

La rationalité et le réalisme seront-ils assez forts? 

Le leader de SYRIZA, Alexis Tsipras, un jeune homme de 37 ans, est un audacieux joueur de poker. Il est convaincu qu’il peut faire plier les dirigeants européens, obtenir l’annulation des dettes et renégocier, selon ses propres termes, le maintien de la Grèce dans la zone euro. Ses partisans semblent oublier les innombrables risques en jeu et le rôle que pourraient jouer tant la Chine que la Russie dans une Grèce sans euro, un rôle pas forcément à son avantage.

Les arguments de Tsipras sont déconnectés et irréalistes. Parmi ceux qui le soutiennent, certains doutent qu’il soit en mesure de faire une différence dans la vie des grecs et ils envisagent d’émigrer.

La majorité des Grecs souhaite rester dans la zone euro. Faire faillite puis retomber dans les tragédies à la grecque serait dévastateur. Beaucoup souhaitent de réelles et sérieuses réformes. Ils comprennent la nécessité de l’austérité, mais refusent des mesures si drastiques qu’elles empêchent la croissance, les privent de tout espoir et font le lit de l’extrémisme ou de l’ingouvernabilité.

De véritables changements structurels à effectuer

Les challenges sont énormes. A la différence de l’Espagne ou de l’Irlande, le problème est plus celui des banques et de l’économie ; c’est structurel et systémique. On y voit plus un héritage byzantin, oriental que l’hellénisme. Si la solution adéquate est l’éducation, il faudra des générations, pas des années, pour obtenir des résultats. Mais il y a des étapes à franchir sans attendre.

Le pourcentage particulièrement élevé d’abstentionnistes des précédentes élections pourrait faire la différence, mais ils risquent d’être encore plus nombreux cette fois-ci. La plupart des Grecs qui votent le font par dépit, considérant les autres alternatives comme catastrophiques.

La peur, non l’espoir, c’est le moteur de l’élection. La peur de SYRIZA ou pire pourrait favoriser Nouvelle Démocratie et son leader corrompu Antonis Samaras, qui est vu, surtout par les électeurs plus âgés, comme le mieux à même de faire des compromis, le plus capable de former une coalition, de renégocier les accords et de permettre le mouvement des liquidités.

Les compromis ne doivent pas être à sens unique

L’Allemagne et le reste de l’UE ont leur part de responsabilité dans les problèmes qui touchent la Grèce, que ce soit en contribuant à leur création ou en profitant d’eux. Peut-être les grecs nous surprendront-ils et montreront une honorable et indéniable vertu de philotimo  – amour de l’honneur – et feront ce qu’il faut.

Si c’est le cas, la troïka de l’UE, de la Commission Européenne et du FMI devra faire preuve d’originalité et faire des ajustements positifs.

Les beaux orangers en fleurs aux fruits au goût amer parlent d’eux-mêmes. Les oranges peuvent être utilisées comme des armes dans les émeutes de rue ou être transformées en marmelade. Mais pour faire de ce fruit une confiture fruitée, l’UE devra fournir beaucoup de sucre…

Global Post / Adaptation Annabelle Laferrère – JOL Press

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