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Attentat à Damas : la peur est en train de changer de camp

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Le régime amputé

L’assassinat du beau-frère du président Syrien et de deux généraux de haut-rang, entre autres, est un coup terrible porté au régime, et montre que celui-ci est en train de s’écrouler de l’intérieur.

C’est sans doute la plus grande faille sécuritaire du long règne des Assad sur la Syrie : une explosion a dévasté une réunion des principales figures de Sécurité syrienne, tuant l’actuel ministre de la Défense, plusieurs de ses prédécesseurs mais surtout le puissant beau-frère de Bachar al-Assad.

L’Armée Syrienne Libre (ASL) a revendiqué cet attentat. Les principales victimes sont Assef Shawkat, le mari de la sœur de Bachar al-Assad et l’un des plus importants responsables de la sécurité, Daoud Rajha, ministre de la Défense, et Hassan Turkmani, ancien détenteur du poste qui était également le plus proche conseiller du Président syrien en matière de sécurité. Sans doute le coup le plus dévastateur porté au régime depuis le début de la rébellion, ces 16 derniers mois.

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Hisham Ehketyar, le chef de la Sécurité Nationale et l’un des principaux artisans de la répression, a lui été très sérieusement blessé aux jambes, tandis que le Ministre de l’Intérieur Mohammed Shaar est signalé par Syria TV, chaîne du régime, comme étant dans un état stable. Il n’y a pas encore de bilan définitif, aussi on ne sait pas à quel point le régime a été touché par l’attentat.

Un enjeu de propagande : kamikaze ou engin radiocommandé ?

« On a utilisé un engin explosif dissimulé dans la salle de réunion, qu’on a actionné à l’aide d’une télécommande », a déclaré à CNN le colonel Malek al-Kurdi, administrateur général de l’ASL. Une version différente de celle de la télévision d’Etat syrienne, qui parle elle d’un attentat-suicide, le kamikaze étant le garde du corps de l’un des responsables de la sécurité présent. Un enjeu de propagande entre une ASL qui veut paraître le plus propre possible et un régime qui cherche à dépeindre l’opposition comme des fanatiques.

Ayman Abdel Nour, un ancien conseiller de Bachar al-Assad, qui entretient toujours des relations étroites avec des personnalités du régime malgré sa défection en 2007, déclare que ses sources corroborent la version de l’ASL quant à l’utilisation d’un engin explosif détonné à distance. Autrement dit, les rebelles auraient été en mesure d’infiltrer le siège de la Sécurité Nationale, l’un des bâtiments supposés être les mieux gardés du régime.

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Car contrairement aux attentats de Damas ayant lieu plus tôt cette année, où des camions piégés avaient explosé aux portes de certains bâtiments officiels, tuant des dizaines de civils mais jamais de personnalités du régime, cette attaque était parfaitement ciblée.

D’après les témoins oculaires, l’explosion a soufflé les fenêtres de l’immeuble, mais celui-ci n’a subi aucun dommage structurel. Les experts en concluent que la bombe utilisée pesait sans doute une quarantaine de kilos, bien loin de la tonne d’explosifs utilisée devant le QG de la branche Palestine du Renseignement militaire syrien en mai. Dans ces conditions, l’engin était placé soit dans la salle de réunion de la cellule de crise convoquée quotidiennement sous l’ordre de Bachar al-Assad lui-même, soit dans ses environs immédiats

La peur a changé de camp

Mais qu’importe selon bien des analystes, attentat-suicide ou détonateur radiocommandé, l’explosion a porté un coup critique à Bachar al-Assad.

« C’est un coup terrible, d’autant plus que Shawkat était de la famille », nous confie un expert Syrien basé à Damas, qui a requis l’anonymat. « L’attaque était réussie et spectaculaire, en plein cœur du régime. Elle met en lumière son arrogance, à quel point il a sous-estimé la force et la maturité de l’opposition. »

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La mort de certains des hommes les plus craints de Syrie, qui dirigeaient depuis des années une sécurité d’Etat qui semblait infaillible, a été saluée comme ayant littéralement bouleversé en un éclair les relations de pouvoir dans l’un des pays les plus répressifs au monde.

« C’est le début de la fin », a ainsi déclaré Ayman Abdel Nour« Cette bombe a soufflé le masque et montré que personne n’est en sécurité. Les loyalistes n’arrivent pas à y croire, pour eux, Bachar est un dieu capable de protéger tout son peuple. En plus, les ministres et membres des renseignements sont maintenant terrifiés, ils pensent que personne ne peut plus assurer leur sécurité. Ils commencent à préparer leur évasion. »

L’expert damasquin ayant requis l’anonymat considère quant à lui que l’attentat montre à quel point la rébellion a pénétré dans l’appareil sécuritaire syrien. Ce qui illustre à son sens une transformation sociétale profonde : « L’équilibre du renseignement est maintenant en faveur de la société. Traditionnellement, les services de sécurité se considèrent comme opaques aux yeux de la société. Maintenant, c’est la société qui leur apparaît opaque. »

Global Post / Adaptation Charles El Meliani pour JOL Press

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