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Le Liban, otage du conflit syrien?

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Les bombes tombent au Liban. Les secousses de la crise syrienne atteignent son proche voisin et les tensions sont vives entre sunnites anti-Assad et alaouites favorables au régime syrien.

Un phénomène de contagion grandit au Proche Orient et pour Antoine Assaf, écrivain et philosophe franco-libanais, la fin du régime est sans doute proche et la chute du régime de Bachar al-Assad pourrait enclencher de brutales réactions dans tout le Moyen Orient.

Peut-on craindre une contagion de la crise syrienne au Liban ?

L’effet de contagion a déjà commencé. On le voit à Tripoli, au nord du Liban, depuis plusieurs semaines les sunnites du Courant du Futur de l’ancien Premier ministre Rafiq Hariri, opposés au régime syrien affrontent les alaouites, qui soutiennent Bachar al-Assad.

Dans la plaine de Bekaa, située dans la partie orientale du Liban, de nombreux bombardements, venus de Syrie, ont été effectués. Les habitants réclament une protection de la part de l’armée et du président Michel Sleiman.

Les milices se sont renforcées dans tout le pays et les sunnites du Liban sont plus que jamais, sous la houlette de Saad Hariri, déterminés à combattre le régime de Bachar al-Assad. Derrière cette détermination, il faut également voir la réponse de Saad Hariri qui, le 13 juin 2011, en quittant son poste de Premier ministre, condamnait le régime syrien de « criminel » et dénonçait l’assassinat de son père, Rafiq, par la famille al-Assad.

Finalement, la crise syrienne, comme ses répliques au Liban ne seraient-elle pas une « simple » guerre de religion ?

Au Proche Orient, guerre de communautés et guerre de religion se confondent. Les démocraties orientales sont communautaires et les pouvoirs sont divisés entre les différentes communautés afin que personne ne se sente lésé.

Le conflit qui oppose les sunnites aux chiites depuis toujours peut apparaître comme une guerre de religion. Chacun doit défendre sa communauté et cette défense passe par l’attaque de l’autre.

Il n’est d’ailleurs plus besoin de rappeler que cette guerre est le quotidien du Moyen Orient depuis des siècles. La religion et l’Etat ne sont pas séparables pour les musulmans et chacun veut voir son courant religieux prendre le pouvoir

Le prophète Mahomet lui-même a annoncé la division des musulmans avant de mourir et leur a demandé de s’affronter jusqu’à la victoire. Rien de nouveau donc.

L’actualité syrienne est actuellement marquée par la menace des armes chimiques. Où sont ces armes et Bachar al-Assad pourrait-il réellement être amené à les utiliser ?

Les armes chimiques du régime sont parfaitement localisées dans le pays et Bachar al-Assad a déclaré qu’il ne les utiliserait qu’en cas d’attaques extérieures et contre les intervenants étrangers.

Néanmoins, j’estime que si Bachar al-Assad utilise ces armes, il signerait la fin définitive de son régime. Ce serait suicidaire pour lui et une attaque à l’arme chimique signerait la fin totale du conflit.

Aujourd’hui, la Russie et la Chine défendent encore le régime syrien, une sortie « dans le calme » de Bachar al-Assad du pouvoir est encore envisageable. S’il utilise ces armes, tout changerait et Bachar al-Assad ne pourrait plus compter sur autant de soutien.

Quelle est la position de la population libanaise face au conflit ?

Les Libanais sont partagés. D’un côté, les sunnites du Courant du Futur de Saad Hariri, les Phalangistes du chrétien d’Amine Gemayel et les Forces libanaises de Samir Geagea. Ces trois mouvements sont opposés au régime Assad qu’ils considèrent comme « sanglant » mais n’interviennent pas dans le conflit.

De l’autre, les chiites du Hezbollah dirigé par Hassan Nassrallah, le mouvement Amal de Nabih Berri puis le Courant patriotique libre du Général Aoun. Ces derniers sont favorables au régime de Bachar al-Assad mais restent prudents face à l’évolution du conflit.

Le dernier discours d’Hassan Nasrallah en témoigne, il sent que le régime syrien s’effondre, la fin est proche, le Hezbollah cherche à assurer son avenir politique.

Quelle issue imaginez-vous pour le conflit syrien et quelles pourraient être les répercussions de cet effondrement au Liban ?

Le régime est condamné. A moins d’un événement surprise comme la création d’un Etat alaouite à l’est de la Syrie. Mais cette option me paraît quasiment impossible. Un Etat alaouite a déjà existé entre 1920 et 1936 sous le mandat français.

Une telle option me paraît difficilement envisageable d’autant qu’un tel Etat ne pourrait pas être reconnu par la communauté internationale.

Il y aura alors un éclatement confessionnel de la Syrie et l’issue pourrait ressembler à la situation irakienne. Un gouvernement de transition serait constitué dans lequel les minorités religieuses seraient représentées.

Une chose est sûre, sans la garantie de l’Occident, les minorités syriennes seront en danger. Mais après avoir soutenu l’opposition en Syrie, les gouvernements occidentaux auront les moyens de réclamer la sécurité de ces minorités.

Quant au Liban, le conflit ne s’étendra pas jusqu’à créer une guerre civile mais les sunnites auront gagné et les chiites auront perdu. Le Hezbollah pourrait embraser le sud du pays par vengeance et attaquer Israël mais il hésitera longuement. Les sunnites de Saad Hariri seront en position de force.

Il y a un axe triangulaire constitué par le Hezbollah, l’Iran et la Syrie qui est une sorte d’intermédiaire dans cette configuration. Cet axe est en train de se briser. Nul ne peut savoir en revanche comment réagira l’Iran. D’autre part, après la Syrie, l’Occident sera focalisé sur la question nucléaire en Iran qui menace la sécurité d’Israël.

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