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Le quotidien de ces Syriens qui ont fui les villes

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Damas, Syrie. Au premier jour du festin, Abu Omar et sa famille se sont retrouvés entourés d’olives.

Des familles mises à la rue

« C’est tellement dangereux de passer la nuit dehors avec des enfants en bas-âge, mais que faire ? Nous avons été jetés de chez nous », explique-t-il.

Au lieu de se détendre chez soi, de savourer le fruit phare de la Méditerranée pour mettre fin à la longue journée de jeûne du Ramadan, Abu Omar devait s’abriter parmi les oliviers aux feuilles argentées, ayant fui les affrontements de la capitale syrienne au profit de la sécurité relative de sa campagne avoisinante.

Une violence sans précédent

Les combats entre les soldats de la Garde républicaine et les rebelles syriens ont atteint de nouveaux pics de violence ce week-end à Damas, alors que le président Bachar al-Assad tente de reprendre le contrôle après l’assassinat de quatre responsables de son gouvernement la semaine dernière.

Les affrontements ont forcé beaucoup de Syriens résidant à Damas, comme Omar, sa femme, et leurs trois enfants, à la fuite.

Des rebelles en repli

Repoussés de Midan, un ancien quartier de traders damascènes ravagé par les forces armées gouvernementales, les rebelles ont dû se replier sur les bidonvilles délabrés de Hajjar al-Aswad et sur le camp de réfugiés palestiniens de Yarmouk, où ils ont mis à sac le poste de police, y mettant le feu et en y pillant les armes.

A l’instar de dizaines de milliers d’habitants chassés de la capitale, la famille d’Abu Omar a été déracinée à l’une des périodes les plus difficiles de l’année. C’est le mois sacré du jeûne islamique, pendant lequel les musulmans pratiquants ne mangent ni ne boivent pendant la journée. Lorsque le soleil se couche, les familles se rassemblent autour de somptueux festins, dépensant plus d’argent en denrées alimentaires pendant ce mois qu’à l’accoutumée.

La hausse des prix de l’alimentation

Avec les prix actuels, en revanche, ils en auront sûrement moins pour leur argent, qu’importe la somme investie.

Les prix des produits de base ont monté en flèche à Damas en l’espace d’une semaine, alors que la ville aux cinq millions d’habitants était déjà accablée par l’inflation et la pénurie.

Abu Ghassem, un routier de Daraa, une des principales zones agricoles de la Syrie et le berceau de la rébellion, expliquait à GlobalPost qu’il n’avait pas pu entrer à Damas pendant cinq jours d’affilée à cause des affrontements situés dans les banlieues sud de la ville. L’impossibilité de desservir la ville a fait monter le prix du pain et d’autres aliments de façon vertigineuse.

« En Syrie, les riches peuvent acheter ce dont ils ont besoin, même si les prix passent du simple au double, mais les pauvres ne peuvent pas suivre », confie Abu Yasser, un homme de 30 ans originaire de la ville satellite de Duma, dévastée par les combats, à seulement une quinzaine de kilomètres au nord-est de la capitale. La majorité des 500 000 habitants de Duma ont fui, sous le feu d’intenses bombardements gouvernementaux.

Déplacements incessants

En mai, Yasser a déménagé de Duma pour Midan, accompagné de sa femme, de leurs deux enfants, et des grands-parents, dans l’espoir d’échapper au courroux du régime. Malgré tout, ils ont été de nouveau déracinés la semaine dernière, alors que des rebelles de passage ont reçu des tirs de tanks et de troupes armées. Yasser n’a trouvé qu’une chambre simple à louer dans le quartier relativement calme de Bab Touma, majoritairement chrétien.

Mais même avec de l’argent, Yasser dit avoir eu beaucoup de mal à fournir les soins nécessaires à sa mère de 60 ans, atteinte d’une maladie cardiaque. Trois hôpitaux publics les ont rejetés en un week-end, soit par manque de place soit parce que le personnel n’était pas venu travailler. Leur venue, disaient-ils, était empêchée par des attaques militaires, par l’absence de transports en commun et par la hausse du prix de l’essence pour se déplacer en voiture. Yasser a fini par payer le triple du tarif normal dans une clinique privée.

Des conditions de vie difficiles

« Nous vivons comme des réfugiés mais nous ne sommes pas en colère », confie Abu Ammar, dont la famille s’est enfuie vers la campagne dès l’attaque des troupes gouvernementales. « C’est difficile, mais on se débrouille. On ne peut pas vivre dans un régime meurtrier. »

Abu Omar a tenté de trouver un autre abri pour sa famille, quittant les oliveraies pour se réfugier dans une école, ouverte par des officiers sympathisants près de Sahnaya. La fin du jeûne journalier ne s’est conclue que par un repas simpliste fait d’aubergines frites, de pommes de terre et de quelques feuilles de salade. De l’eau fraiche, prisée après une longue journée sous le climat estival syrien, a pu être amenée de la mosquée locale, l’école n’en ayant pas.

Affrontements dans Damas et ses alentours

Dans la soirée du lundi 23 juillet, les forces armées du régime ont repris certains quartiers rebelles à l’intérieur et aux environs de la capitale, tels que Qaboun, Midan, Zahara, Tadamun and Nahr Aisha.

Mais les affrontements continuaient entre les rebelles et l’armée dans tout autant de quartiers, comme Barza, Qaddam, Meze, Kafar Sousah et Hajar al-Aswad. A Qaboun, les habitants ont payé le prix fort pour avoir osé s’opposer au régime. Bombardé par des tanks et des hélicoptères pendant plusieurs jours, électricité et eau coupées, le quartier du nord-est de Damas a finalement été abandonné.

« Je viens d’arriver dans ma maison, tout est cassé », se lamente Abu Mohammed, un fonctionnaire résidant à Qaboun.

L’attitude ambivalente du régime

« L’armée a volé 30 000 livres syriennes (350€) qui étaient dans une boîte dans la chambre. Toute la nourriture du frigo est gâchée, donc je ramasse quelques conserves et des vêtements pour les ramener chez mon frère, où nous sommes désormais cinq familles à vivre dans trois pièces. »

Dans son effort de convaincre ses partisans d’une victoire décisive à la suite d’une semaine de combats acharnés, les médias d’Etat ont diffusé tout le week-end des images dures mais maintenant récurrentes de corps brulés et mutilés, de passeports étrangers et de prisonniers menottés… preuves, selon eux, que les « terroristes » tentent de se hisser à la tête du pays.

Les promesses de Jihad Makdissi

« Le problème de la sécurité sera réglé dans deux à trois jours », annonçait Jihad Makdissi, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, ce lundi : la première déclaration officielle du gouvernement, cinq jours après l’assassinat des chefs des services de sécurité syriens.

Dans l’espoir d’apaiser les peurs occidentales sur l’énorme stock d’armes chimiques détenu par le gouvernement syrien, déplacé pour être consolidé, Jihad Makdissi a assuré que l’Etat n’utiliserait « jamais » des armes de destruction massive contre son peuple, « sauf si la Syrie se voyait attaquée par des forces extérieures ».

Un peuple qui n’est pas dupe

Cette promesse, faite par un gouvernement à la doctrine intangible qui estime être attaqué depuis des mois par des « terroristes soutenus par des forces étrangères », est une menace difficile à prévoir.

Ce qui est sûr, pour ceux qui se sont déplacés à cause des affrontements qui se multipliaient à Damas, c’est que le calendrier du gouvernement prévoyant un retour au calme n’est pas prêt de tenir ses délais.

« Le régime n’arrête pas de dire deux jours, deux semaines pour finir ça ou ça, mais cette crise dure depuis un an et demi », explique Amid, un habitant de Midan de 25 ans. « Le régime n’a pas réussi à résoudre la crise du pain et du pétrole en deux mois, alors comment mettra-t-il fin à l’opposition armée en deux jours ? »

GlobalPost / Adaptation Amélie Garcia JOL Press

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