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Syrie : le régime tombera-t-il à Alep?

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Um Khalid est une mère de famille, d’âge moyen. Elle n’est pas habituée à faire basse figure lorsqu’elle se faufile à travers les checkpoints militaires.

Les combats ont démarré à Alep

Plutôt que de retenir son souffle, comme la plupart des activistes anti-assad, qui restent bien assis au fond de leur fauteuil de voiture, elle salue joyeusement le jeune soldat qui lui lance, à son tour, un regard suspicieux à travers le pare-brise.

Une épreuve de force, il salue à son tour. Dans la voiture, tout le monde reprend son souffle.

Um Khalid est au volant, elle conduit des activistes à Salahaddin, le quartier le plus dangereux d’Alep. Là, depuis plusieurs jours, des manifestants risquent le feu des snipers et des gangs armés pour protester contre le régime.

Alep, la deuxième ville du pays et le cœur économique traditionnellement loyal au président Bachar al-Assad, a été relativement épargné par la crise pendant plusieurs mois.

Mais maintenant, le conflit qui couvait commence à exploser.

Sous le feu des bombes

Une offensive rebelle lancée la semaine dernière, durant le premier jour du Ramadan, a surpris le régime alors qu’il était encore sous le choc de l’attentat suicide de Damas. Cette attaque surprise a permis aux combattants rebelles de prendre facilement plusieurs quartiers clés du centre de la ville.

L’armée syrienne a désormais lancé une contre-attaque. Des hélicoptères de combat et des avions de chasse mitraillent les zones sensibles de la ville.

« Les bombardements sont forts dans certains quartiers d’Alep, particulièrement à cause des hélicoptères, » explique Constantine, un activiste. « Il y a de nombreux combats maintenant. »

« C’est une grande guerre. Ils bombardent Salahaddin et Alsakhour avec des Mig 23 et des hélicoptères, » ajoute Abu Awar, un autre militant. « Il y a de nombreuses personnes qui sont parties de ces quartiers. »

Les femmes sont la base arrière du conflit

L’action d’Um Khalid, qui utilise le pseudonyme du fils qu’elle n’a jamais eu, pourrait sembler assez inutile dans ce conflit.

Pourtant, les femmes sont réellement l’histoire cachée de la révolution syrienne. Dans toutes les zones de combat, elles sont en arrière-plan, soignant les blessés et cuisinant pour les unités de l’Armée syrienne libre. A Alep, les femmes sont dehors, en première ligne d’une campagne de non-violence pour apporter un changement au pays.

Avant le soulèvement, Um Khalid, comme de nombreux habitants d’Alep, avait une vie relativement aisée. Après avoir vécu plusieurs années à l’étranger, elle est revenue en 2005, la vie était encore douce. Elle allait danser avec son mari, passait du temps dans les salons de coiffure et de nombreux week-end au bord de la mer. Elle faisait partie de la classe de ces Syriens qui, au début, ne voyaient pas vraiment de raisons de s’opposer à Bachar al-Assad.

Désormais, le coffre de sa voiture est rempli de vivres et de vêtements pour bébés, destinés aux réfugiés des campagnes, qui ont commencé à fuir Alep il y a presqu’un an. Elle a perdu des amis qui refusent son nouveau style de vie, elle ne se retrouve plus en eux.

Activisme du quotidien

« Parfois, j’oublie mon vrai nom, » dit-elle, assise dans son spacieux appartement, désormais rempli de nombreux étudiants militants qu’elle loge et nourrit.

Lors du dernier Ramadan, après que plus d’une centaine de personnes aient été tuées à Hama, une ville à l’est de la Syrie, la fille d’Um Khalid, Yaara, a suivi sa mère lors d’une manifestation. Elle a été impressionnée d’entendre les gens murmurer son nom. « C’est Yaara, » comme si elle était la fille d’une héroïne de la révolution.

De nombreuses histoires circulent sur Um Khalid. Alors qu’elle traversait un checkpoint, un soldat armé lui a demandé d’ouvrir son coffre.

« Qu’est-ce que c’est ?, » lui demanda-t-il, en soulevant des sacs en plastique remplis d’une substance blanche.

« C’est du lait pour les enfants de Daraa, » a répondu Um Khalid. Daraa, une ville au sud de la Syrie, haut lieu du premier soulèvement anti-Assad.

« Du lait pour les enfants de Daraa ! » a répondu l’officier, tirant la charge de son arme avant d’aller informer son supérieur.

Ce dernier s’est alors avancé et a demandé à Um Khalid : « Vous lui avez dit que vous apportiez du lait à Daraa ? ».

« Quel besoin avait-il de charger son fusil sur du lait ?, » lui aurait-elle répondu. Finalement, l’officier l’a laissa passer.

Les activistes de l’université d’Alep aiment raconter ces histoires.

« Elle est notre maman, elle peut tout faire, » explique Constantine, étudiant en architecture.

Elle reste humble devant ses efforts. « Tous les gens font ça en Syrie, » explique-t-elle.

Un tournant dans le conflit ?

Le 18 juillet dernier, jour où la télévision syrienne a annoncé que quatre hauts responsables de la sécurité syrienne, notamment le beau-frère du Président, Assef Shawkat, avaient été tués pendant une attaque suicide dans la capitale, Um Khalid s’est réjouie.

Les manifestants ont senti que cet évènement marquait un tournant dans le conflit, notamment parce que la télévision syrienne a, pour la première fois, admis une victoire des rebelles.

Ce même jour, l’Armée syrienne libre se mobilisait à l’extérieur d’Alep. C’était un vendredi, le premier jour du Ramadan.

« Nous voulons qu’Alep brûle, comme Damas, » explique un membre du bataillon Towid à Global Post. « Nous avons d’abord envoyé des munitions à Alep, désormais nous rentrons, un par un et attaquerons. »

En effet, Alep est désormais en train de brûler.

Global Post / Adaptation Sybille de Larocque – JOL Press

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