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T. Pierret: «Les rebelles s’imposent à Alep, mais le régime tient à Damas»

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Les combats se sont poursuivis, mardi 24 juillet, dans les deux plus importantes villes du pays. A Alep comme à Damas, les opposants armés au régime de Bachar al-Assad résistent dans ce qu’ils ont appelé « la bataille finale », celle qui devrait achever plus de 16 mois de soulèvement transformé en guerre civile.

Les opposants redoublent d’effort contre le régime

Depuis les attentats du 18 juillet, qui ont tué plusieurs hautes personnalités du régime et initié la première grande avancée des rebelles dans la capitale, les combats se poursuivent et se sont étendus au nord du pays.

A Alep, capitale économique et deuxième plus grosse ville de Syrie, les opposants ont appelé la population à redoubler d’efforts contre les forces du régime.

Si les premiers combats dans la capitale ont laissé croire que l’opposition reprenait le terrain privilégié du régime, il semblerait que l’armée ait repris ses droits sur son territoire. En revanche, Alep pourrait bien devenir la prochaine grande victoire des rebelles.

Pour Thomas Pierret, Maître de conférences en Islam contemporain à l’Université d’Edimbourg, si ces combats ne marqueront pas nécessairement la fin du conflit, ils sont le témoin de l’isolement grandissant de Bachar al-Assad dans son pays et dans ses anciens bastions.

Les rebelles sont-ils vraiment en train de prendre l’avantage sur le terrain ?

Les rebelles avancent, c’est indéniable, et si les forces loyalistes mènent des contre-offensives, on peut dire que tendanciellement, elles ont significativement reculé dans presque toutes les provinces au cours des derniers mois. Il n’en demeure pas moins qu’à Damas, où sont concentrées les meilleures unités de Bachar al-Assad, les rebelles n’ont pas encore les moyens de prendre l’avantage.

Que se passe-t-il exactement à Damas et Alep ?

Dans les deux villes, des combattants rebelles se sont infiltrés depuis plusieurs mois en vue de la bataille finale. A Damas, il semble que le régime ait lancé une attaque préventive afin de les « faire sortir du bois ». L’opposition n’est cependant pas en mesure de faire face aux meilleures unités du régime qui sont concentrées dans la capitale. Les combats ont donc ébranlé le régime mais il n’est pas encore directement menacé dans la capitale. L’essentiel des quartiers rebelles sont sous contrôle de l’armée. Ceci dit, la bataille est loin d’être finie : d’ici quelques temps, les combattants rebelles vont s’y infiltrer de nouveau et renouveler leurs opérations contre les forces du régime.

A Alep, les unités de l’Armée Syrienne Libre sont relativement bien armées et organisées, elles disposent d’une profondeur stratégique (la région d’Azaz au Nord, elle-même limitrophe de la frontière turque, qui offre donc des lignes d’approvisionnements dont sont dépourvus les combattants de l’opposition à Damas) et elles font face à des unités loyalistes de moindre qualité qu’à Damas. Cela explique les avancées importantes de l’opposition, qui contrôle aujourd’hui plusieurs quartiers dans le Nord et l’Ouest de la ville. Une contre-offensive du régime est évidemment probable mais dans l’ensemble, son assise militaire semble bien plus faible à Alep qu’à Damas. 

Ces combats représentent-ils vraiment un tournant dans la crise syrienne ? La fin du conflit est-elle proche ?

Ils constituent assurément un tournant car ils ont détruit ce qui restait de soutien populaire au régime en dehors des minorités religieuses. Les classes moyennes sunnites de Damas et Alep espéraient encore pouvoir jouir d’une certaine sécurité en se tenant tranquille. Elles savent aujourd’hui que le régime peut bombarder un quartier historique de Damas (le Midan) comme il a bombardé Homs. Le régime a été forcé de tomber le masque et de révéler sa vraie nature : il n’est ni un Etat, ni un gouvernement mais une force d’occupation militaire dont la survie repose sur le seul usage de la force brute.

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