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La Turquie ferme ses portes aux réfugiés syriens

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La Turquie abrite plus de 78 000 réfugiés syriens

Les autorités turques ont fermé temporairement leurs frontières aux réfugiés syriens ce vendredi 24 août 2012. Depuis le début du conflit, le pays a accepté 78 000 réfugiés sur son territoire. Le nombre total de Syriens réfugiés à l’étranger a dépassé cette semaine les 200 000 personnes, selon l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés. (UNHCR). L’ampleur du phénomène avait été sous-estimée. Les estimations de l’ONU ne prévoyaient, au maximum, que 185 000 réfugiés avant la fin de l’année. Un chiffre largement inférieur à la réalité, donc. Cette semaine, ce sont près de 30 000 syriens qui ont franchi les frontières turques, irakiennes, jordaniennes et libanaises. Une situation difficile à tenir. Particulièrement pour la Turquie, pays qui accueille le plus grand nombre de réfugiés syriens, légaux comme illégaux.

Un manque permanent de places

« L’économie locale souffre », explique Ahmed Kaya, un habitant d’Antakya, une ville située à la frontière syrienne. « Les prix de l’immobilier ont doublé avec l’arrivée de nombreuses familles syriennes cherchant un logement. Le tourisme ne fonctionne plus. Le commerce ne fonctionne plus. Je connais un certain nombre d’entrepreneurs qui ont déjà fait faillite depuis le début de la crise syrienne ». Jusqu’à présent, la Turquie a construit neuf camps de réfugiés. Au moins trois autres sont en construction. Lorsque le nombre de 100 000 réfugiés entrés dans le pays aura été atteint, la fermeture des frontières de la Turquie aux réfugiés syriens deviendra définitive. Ce qui devrait arriver d’ici moins d’un moisUn officiel turc – souhaitant garder l’anonymat – a déclaré qu’un nouveau camp, d’une capacité de 10 000 personnes, serait terminé dans les semaines à venir. Mais, étant donné que plus de 6 000 réfugiés occupent déjà temporairement dix écoles, ce sont seulement 4000 nouveaux réfugiés qui pourront être accueillis

Plus de 1,2 million de déplacés en Syrie

Ceux qui attendent à la frontière ne savent pas encore s’ils pourront ou non être accueillis sur le territoire turc. Les autorités n’ont offert qu’une certitude aux réfugiés syriens : les portes du pays seront rouvertes. La question est quand. A l’intérieur de la Syrie, le nombre de déplacés est estimé aujourd’hui à plus de 1,2 million de personnes. Avant la crise, la Syrie était une destination privilégiée des réfugiés de la région. Au début de l’année, le pays abritait encore 1 161 600 réfugiés, selon l’UNHCR. La majorité venait d’Irak. La situation s’est désormais inversée, et l’Irak, la Jordanie, le Liban et la Turquie sont désormais submergés par les réfugiés syriens. Devant ce flot inattendu, un nombre important d’entre eux a été contraint de s’abriter dans des structures de fortune. Les écoles iraquiennes proches de la frontière sont surchargées et, à quelques semaines de la reprise des cours, aucune solution n’a été trouvée.

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Le rôle des ONG dans les camps est primordial

Bassam Zerouri est le représentant élu des quelques 2000 réfugiés syriens du camp de Hacipasa, en Turquie. Il a fui il y a maintenant un an, avec sa femme et leurs quatre enfants. Leur village – situé dans la région de Idlib – avait alors été attaqué par l’armée régulière.  « Nous les avons vu prendre des patients depuis l’arrière d’une ambulance et les tuer […], nous avions tous peur. Les enfants pleuraient. Nous avons tout abandonné et fui vers les montagnes ». Depuis leur arrivée dans le camp de Hacipasa, les choses sont devenues difficiles. Il est impossible aux réfugiés de travailler en Turquie. A l’intérieur des camps, on leur fournit des rations alimentaires par le biais d’associations humanitaires. Le Croissant Rouge fournit des tentes – qui disposent d’un accès au courant. Différentes organisations donnent par ailleurs aux nouveaux arrivants de petits frigos, des lampes et des télévisions. « [Les militaires syriens] nous surveillent toujours depuis cette tour », affirme Zerouri en pointant son doigt vers une structure au sommet d’une colline, côté syrien. Ce camp n’a pas encore subi d’attaques, mais les habitants craignent une offensive après que des tirs ont été tirés en direction d’autres camps depuis la frontière syrienne.

Les réfugiés retournent régulièrement en Syrie à la recherche de proches

Certains réfugiés ont pu emmener quelques effets personnels, d’autres arrivent les mains vides. Une femme descend du bus. Elle a les traits tirés. Elle fait tout juste attention à l’enfant qui s’est précipité vers elle pour la serrer dans ses bras. Son regard est braqué vers les montagnes syriennes. De l’autre côté du fleuve Orontes. Un jeune homme nous explique que cette femme revient de Syrie où elle était repartie à la recherche d’un de ses fils qu’elle avait été contrainte d’abandonner quand elle s’était enfuie avec le reste de sa famille. Sur place, on lui a appris que son fils avait été tué peu de temps après son départ. Zerouri nous explique que d’autres réfugiés retournent comme cette feme en Syrie. Souvent, comme elle, ils partent à la recherche de membres de leur famille. Pour certains, des combattants de l’Armée Syrienne Libre. « Nous voulons tous retourner dans notre pays, car nous sommes syriens. Nous aimons notre pays, mais c’est difficile à cause des bombes ».

L’équipement des camps est sommaire mais fonctionnel

L’équipement du camp est sommaire mais fonctionnel. Il dispose d’un hôpital et d’une école primaire. Nous apercevons une jeune femme lisant une histoire à son petit enfant dans une de ces tentes équipées de bureaux en bois et d’un tableau. Zerouri nous explique, qu’en temps normal, des volontaires dispensent les cours, mais en turc. Un handicap pour les jeunes arabophones du campLa vie est bien là. Un peu plus loin, un enfant joue au volleyball sur un court improvisé. Un groupe de femmes en burqa ramènent de l’eau depuis le pipeline qui traverse le camp et offre un libre accès à l’eau courante.  Dans l’hôpital du camp, un docteur palestinien volontaire, Rami Eyuboglu, examine un enfant de neuf mois. « J’ai eu près de quinze consultations aujourd’hui, mais certains jours c’est plus de cent », explique-t-il. Pour l’assister : une infirmière et un traducteur. « Nous ne pouvons traiter que les blessures mineures. Pour ce qui est plus grave, nous devons les faire envoyer par ambulance à l’hôpital d’Etat. »

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Les soins sont accessibles aux réfugiés

Seid Hassan, un combattant des Forces Syriennes Libres, touché à la jambe dans un affrontement, n’est pas d’accord. Selon lui, les soins offerts par le camp dépassent de loin ceux de l’hôpital lui-même qui, toujours selon lui, n’est pas propre. Durant son hospitalisation ses blessures auraient été sales et jamais nettoyées. Il y a développé une grave infection. De retour au camp, le traitement d’Eyuboglu et de son équipe se serait révélé bien meilleur, et l’équipe plus efficace. « Mon commandant est mort juste à côté de moi », raconte-t-il avec tristesse. Ses amis ont nettoyé ses blessures et l’ont fait passer de l’autre côté de la frontière. « Ils m’ont d’abord transporté dans la forêt, puis par voiture […] ce fut un long voyage ». Hassan l’affirme : dès qu’il sera guérit, il retournera en  Syrie pour reprendre le combat.

Les réfugiés veulent « la mort de Bachar » et une  « meilleure Syrie où retourner »

Beaucoup d’autres jeunes ont quitté les camps pour rejoindre l’Armée Syrienne Libre. Quand le frère d’Hassan al-Aslan a quitté l’armée régulière pour les Forces Syriennes Libres dans le bastion rebelle de Jabal al-Zawia, les forces gouvernementales ont cherché les membres de sa famille pour se venger. Il a fui avec sa famille vers les camps de réfugiés turcs pour les protéger mais, à la mort de son frère, déjà engagé dans la rébellion, il est retourné en Syrie pour prendre sa place sur le champ de bataille. Zerouri nous explique pourquoi lui et tant d’autres ont commencé à s’opposer au gouvernement. « J’ai vu l’Europe, la façon dont les gens vivent, et ce dont notre pays est capable. J’ai vu comment nous vivions sous le régime de Bachar ». Quand on lui demande ce dont les gens ont le plus besoin dans le camp, Zerouri n’hésite pas : « La mort de Bachar et une meilleure Syrie où retourner ».

Global Post / Adaptation Stéphan Harraudeau – JOL Press

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