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Les chrétiens redoutent leur avenir en Syrie

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« Les prêtres, les religieuses, les fidèles et surtout les réfugiés ont peur : panique générale… » ainsi terminait Mgr Samir Nassarn archevêque maronite de Damas, sa lettre à l’Œuvre d’Orient, association française qui vient en aide aux chrétiens persécutés.

Les Chrétiens au cœur du conflit

La veille de l’écriture de cette lettre, le 18 juillet dernier, un attentat suicide organisé par l’Armée syrienne libre mettait le feu à Damas et tuait de nombreuses hautes personnalités du gouvernement parmi lesquelles le ministre de la Défense syrien.

Depuis, la capitale syrienne, jusqu’alors relativement épargnée par les conflits qui opposent les syriens depuis plusieurs mois, retentit des répliques du conflit. Deux quartiers chrétiens de Damas, Bab Touma et Bab Charqi ont subi leurs premières attaques. La guerre est en marche chez les chrétiens.

Une guerre civile qui, sous de nombreux aspects, prend des airs de guerre communautaire. Sans regarder dans le détail, depuis 16 mois, des sunnites farouchement opposés au gouvernement affrontent des alaouites favorables au régime de Bachar al-Assad. Mais la Syrie n’est pas peuplée que de musulmans et sur tout le territoire syrien vivent ou survivent aujourd’hui de nombreux chrétiens, membres d’une douzaine d’Églises.

Entre angoisse du quotidien et peur de l’avenir, les chrétiens de Syrie se cherchent une place dans ce conflit.

9% de la population répartis en 11 Églises

Ils seraient 1 900 000, selon les chiffres de l’ONG Portes Ouvertes, répartis sur tout le territoire syrien. Cette communauté, qui fait partie des plus vieilles du Moyen Orient, représenterait alors un peu plus de 9% de la population syrienne. Bien loin d’être unis, ces chrétiens, protestants, fidèles à Rome ou à l’église orthodoxe, se répartissent parmi les onze Églises que sont : l’Église orthodoxe d’Antioche, l’Église apostolique arménienne, l’Église grecque-catholique melkite, l’Église syriaque orthodoxe, l’Église arménienne catholique, l’Église maronite, les Protestants, les Nestoriens, l’Église latine et finalement l’Église catholique chaldéenne.

Choyés par le régime syrien depuis le mandat du père de Bachar al-Assad, les Chrétiens sont aujourd’hui dans une position difficile. A l’époque, et pour consolider son pouvoir face à la population sunnite, Hafez al-Assad avait largement attiré à lui de nombreuses minorités. C’est ainsi que, depuis, de nombreux chrétiens ont pu accéder à de hautes responsabilités au sein des fonctions officielles.

Choyés par le régime, ils doutent de leur avenir

Durant les premiers mois de la révolte, les communautés chrétiennes, sentant le vent tourner, se sont largement ralliées au régime présidentiel. Par peur de voir l’islam radical s’emparer du pouvoir, les chrétiens de Syrie se sont affichés dans la défense de leurs intérêts personnifiés par Bachar al-Assad.

Alors qu’ils se réjouissaient, il y a encore quelques mois, de voir la Russie opposer son véto au Conseil de sécurité de l’ONU et ainsi empêcher une action des Nations Unies contre le régime, les Chrétiens doutent désormais de la pérennité du régime Assad et pensent à l’avenir.

Trop assimilés au régime et donc à la répression menée par Bachar al-Assad, les Chrétiens redoutent de souffrir des conséquences de l’arrivée des sunnites au pouvoir. Si la paix et leur liberté de culte leurs étaient assurées il y a encore quelques mois, les Chrétiens de Syrie ont peur du spectre de la persécution.

Le spectre de la persécution

La Syrie est aujourd’hui classée au 36ème rang de l’index mondial 2012 de la persécution des Chrétiens dans le monde publié par l’ONG Portes Ouvertes.

Avec un indice de persécution de 39 (en augmentation par rapport à 2011), les Chrétiens de Syrie ont jusqu’à présent bénéficié d’une situation relativement paisible.

« Jusqu’à présent, la minorité chrétienne a été protégée par le régime du président Bachar al-Assad. Aussi longtemps que les Chrétiens ne perturbaient pas l’harmonie commune et ne menacent pas le gouvernement, ils étaient tolérés et disposaient de la liberté de culte, bien que surveillés par la police secrète, » annonce le rapport de l’ONG.

Cette forme de tranquillité a commencé à souffrir dès les premiers mois de la révolte : « depuis mars 2011, des combattants sunnites venus de l’étranger sont entrés dans le pays. Ils ont pénétré de force chez des Chrétiens et les ont menacés. Les Chrétiens ont déjà rapporté des actes de violence à leur encontre. Ils les traduisent comme un signe des menaces et des violences à venir, » poursuit le rapport.

Parmi les exemples de persécution transmis par des témoins, l’ONG Portes Ouvertes révèle notamment que « durant l’été 2010, plusieurs églises évangéliques et centres pour les jeunes ont été fermés par le gouvernement. Plusieurs chauffeurs de taxi islamistes ont fait le serment de battre toute femme qui prendrait leur taxi sans être voilée. En décembre 2011, dans la ville de Homs, des musulmans sunnites ont mené des raids contre plusieurs églises, leur dérobant des objets de valeur. En 2011, à Damas, deux chrétiennes ont été kidnappées. L’une d’elles a réussi à sauter de la voiture en marche. »

Fuir vers le Liban ?

Pour les Chrétiens, le choix est douloureux et l’exode vers les pays limitrophes est tentant. Derrière eux, suivront sans doute les chrétiens d’Irak, déjà réfugiés en Syrie pour échapper à la persécution de leur propre pays.

« Dans les quinze mois écoulés, nous avons perdu un nombre incalculable de personnes, nombreux sont ceux qui ont émigrés et ont quitté leur patrie, réfugiés dans d’autres pays. Nos chrétiens ont perdu leurs villages, leurs villes, leurs propriétés, leurs saintes églises et leurs familles sous les décombres des luttes, » écrivait récemment le patriarche d’Antioche, Ignace IV, dans un appel à l’aide.

« Depuis 30 heures un fil interminable de voitures qui se dirigent vers le Liban : un exode massif sans précédent. Etant donné la fermeture de toutes les autres routes qui mènent en Jordanie, en Irak et Vers Homs-Alep. Nous sommes à court de vivres et aides financières… Les banques sont fermées. Il faut aller au Liban pour chercher des provisions, » indique Mgr Samir Nassarn dans sa lettre à l’Œuvre d’Orient.

L’avenir est sombre pour les chrétiens de Syrie. Qu’ils soient adversaires ou favorables au régime Assad, la diaspora est désormais en route.

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