Site icon La Revue Internationale

Médecins Sans Frontières: 2 mois clandestinement en Syrie

[image:1,l]Depuis deux mois, Médecins sans frontières intervient directement en Syrie pour tenter de secourir les populations affectées par la guerre. Une mission exemplaire dont l’association avait caché jusque-là l’existence et dont elle a choisi de dévoiler l’existence, mardi 21 août. Aucune autre ONG n’était parvenue à intervenir dans ces conditions au coeur du conflit qui déchire ce pays.

Une réelle détermination à intervenir

La volonté d’intervenir n’est pas nouvelle. Interrogée par JOL Press à l’occasion des 40 ans de MSF fin 2011, Claire Rieu, responsable de Médecins Sans Frontières, nous avait fait part de son espoir de pouvoir intervenir en Syrie pour répondre à l’urgence humanitaire créée, déjà à l’époque par des mois de combat. A l’époque, elle estime que les conditions ne sont pas remplies. Depuis, interrogés de nouveau à plusieurs reprises, d’autres responsables de MSF affirment que toute intervention est impossible. Et pourtant… 

Fin mars, une équipe Médecins Sans Frontières avait franchi la frontière turque pour tenter d’apporter une aide médicale en Syrie, dans la région d’Idlib. Ils sont deux, un chirurgien et un anesthésiste. Pour évaluer les besoins, ils essayent aussi de voir comment sont pris en charge les blessés. C’est la première étape de l’intervention dont MSF révèle aujourd’hui l’existence… une intervention clandestine.

Comment une villa inachevée est devenue un hôpital de fortune

Grâce à l’aide d’une association de médecins syriens, une équipe a réussi en six jours à transformer une maison inhabitée en
hôpital d’urgence
permettant d’opérer et d’hospitaliser les blessés.

Anna Nowak, spécialiste de chirurgie médicale, témoigne : « Par l’intermédiaire d’une association médicale syrienne, nous avons pu identifier un lieu où il nous est apparu possible d’opérer des blessés : après une première visite éclair, nous avons décidé d’investir une villa qui n’avait pas encore été habitée. Il restait quelques finitions à réaliser dans cette maison de huit pièces réparties sur deux niveaux, mais nous n’avions pas d’autre choix que celui-là.

Pendant 6 jours, nous avons donc travaillé d’arrache-pied pour transformer ce lieu d’habitation en hôpital chirurgical doté d’une douzaine de lits d’hospitalisation, d’une salle de stérilisation, d’un bloc opératoire, d’une salle de déchocage pour les urgences et d’une salle de réveil.

Au-delà des difficultés à recruter localement du  personnel soignant, nous avons également dû solutionner les problèmes l’approvisionnement, sachant qu’il est aujourd’hui risqué d’importer ou d’acheter du matériel médical en Syrie. »

300 patients et 150 interventions chirurgicales

Les premiers patients sont arrivés le 22 juin. A la mi-août 2012, MSF a accueilli plus de 300 patients et pratiqué 150 interventions chirurgicales. Principalement liées à la guerre, les blessures sont notamment dues à des explosions causées par des obus de chars et des bombardements. Nombreux sont aussi les blessés victimes de plaies par balle.

La majorité des patients sont des hommes, mais on compte près de 20 % d’enfants ou d’adolescents de moins de 20 ans, ainsi qu’entre 5 et 10 % de femmes. D’après l’équipe médicale, deux tiers des interventions chirurgicales correspondent à des interventions d’urgence.

Une opération clandestine

La survie de ce projet est fragile. Dans un contexte de guerre où MSF intervient sans l’autorisation des autorités officielles syriennes, l’évolution des combats, les difficultés d’approvisionnement et les entraves subies par les blessés pour rejoindre notre hôpital mettent constamment nos activités en péril.

Une guerre et des blessures qui témoignent de la violence des combats

A l’échelle de la violence qui sévit aujourd’hui en Syrie, les soins prodigués par les équipes nationales et internationales de MSF sont limités. Ils sont néanmoins essentiels à la survie des blessés pris en charge. Pour les médecins présents sur place, les patients comme le type de blessures soignées par nos équipes chirurgicales témoignent aussi de l’utilisation d’armes lourdes et de la violence d’une guerre qui n’épargne pas les civils.

Brian Moller est infirmier anesthésiste : « Nous travaillons dans une enclave rebelle et ne disposons que d’une vision parcellaire du contexte. Toutefois, on peut véritablement parler d’une guerre, une guerre dans laquelle les civils ne sont pas épargnés.

Certains sont directement ciblés par des snipers, d’autres sont victimes de « dommages collatéraux » comme on dit. Mais si les troupes de l’armée régulière ont pu affronter des manifestants dans le passé, elle se battent désormais contre des unités d’opposants armés, surtout en zone urbaine. »

JOL Press a assisté à la conférence de presse organisée, mardi 21 août, au siège de MSF à Paris. Nous vous proposerons les témoignages de cette opération historique.

> Retour au dossier : Dans le secret de l’hôpital de Médecins sans frontières en Syrie

Quitter la version mobile