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Propagande: la guerre des médias fait rage en Syrie

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Une des images du conflit syrien qui a particulièrement été diffusée en Occident est celle de corps, notamment ceux d’enfants, victimes des attaques du gouvernement.

L’armée héroïque est célébrée dans les médias

Mais la diffusion d’autres photos, bien plus héroïques, des forces de sécurité du président syrien Bachar al-Assad est largement encouragée et diffusée par les médias officiels, dans un effort pour maintenir l’image du régime alors que la guerre fait rage à Alep tout comme dans d’autres villes.

Tous les soirs, sur la télévision d’Etat syrienne, des clips vidéos sont diffusés durant lesquels les téléspectateurs peuvent observer des enfants embrassant des soldats après leur avoir sauté dans les bras. Derrière ces images, une chanson patriotique, « c’est l’armée de la nation ».

Le 1er août dernier, Jour des forces armées, l’image d’un petit garçon dans un uniforme de scout, saluant et tendant une rose rouge à un soldat blessé sur son lit d’hôpital a largement été diffusée par les médias. Le même jour, de nombreux reportages, filmés dans toute la Syrie et montrant des citoyens, rendant hommage à leur armée, protégeant ainsi la nation de la conspiration internationale, ont également été diffusés.

Un citoyen, identifié comme Mohammed al-Samia a été cité dans al-Baath, le quotidien du parti politique de Bachar al-Assad, applaudissant l’armée pour « son action afin de sauver les citoyens des crimes des traîtres. L’armée montre que la Syrie est un roc qui ne peut pas être brisé par la conspiration. »

La conspiration anti-syrienne

De telles invocations sur une conspiration contre la Syrie sont persistantes sur les télévisions et les journaux syriens, notamment dans le média d’Etat Tishreen, et al-Watan, qui clame son indépendance mais est publié par le cousin de Bachar al-Assad, Rami Makhlouf.

Le gouvernement syrien explique à son peuple que le bain de sang n’est pas le résultat d’un soulèvement, ou même d’une guerre civile, mais davantage de l’intervention de conspirationnistes étrangers (qu’ils soient Américains, Turcs, Européens, Saoudiens, Qataris, Israéliens, membres d’Al-Qaïda ou autre) dont l’objectif est de mener la Syrie à sa perte. Pourquoi ? Parce que la Syrie est un inébranlable Etat nationaliste arabe.

Alors que le conflit s’éternise, certains arguments ont vu le jour pour soutenir une telle conspiration. L’Arabie Saoudite et le Qatar sont tous deux de grands financiers et armateurs des rebelles syriens. Des groupes liés à Al-Qaïda ont traversé les frontières depuis l’Irak et le Liban pour se joindre au conflit. Mais les gouvernements étrangers et d’autres groupes se joignent également au régime syrien, notamment l’Iran, le Hezbollah et la Russie.

Tout est dans le message

Les analystes estiment que la crédibilité du régime syrien n’est pas la clé pour gagner la guerre des médias, mais plutôt l’aptitude à faire passer un message fort et cohérent.

Nadim Shehadi, spécialiste de la Syrie et du Liban pour le Chatam House, think tank londonien de l’Institut royal des Affaires internationales, estime que la télévision syrienne, malgré un manque de crédibilité dans ses reportages, joue un rôle très important dans cette guerre.

« Mon impression est qu’ils font un travail plutôt bon et sont largement plus efficaces que les médias d’opposition. Leur but n’est pas d’être crédible mais de faire passer des messages, tel que celui qui explique que le régime est fort. Les gens n’ont pas à croire ce qui est diffusé, mais le message global est « nous sommes ici, et ici pour rester », ce qui est assez fort. »

Les puissances étrangères se mêlent à la guerre des médias

Le régime comme l’opposition voient la guerre des médias comme un point crucial pour déterminer l’aboutissement du conflit, notamment depuis que la Ligue arabe a demandé officiellement, en juin dernier, aux opérateurs satellites Arabsat et Nilesat de mettre un terme à la diffusion des télévisions syriennes. Le 6 août dernier, une bombe a explosé au bureau des autorités de diffusion à Damas, faisant plusieurs blessés.

La dénonciation de conspiration du régime a atteint son paroxysme dans une analyse publiée par l’éditorialiste Maysoun Youssef, citant des sources turques, dans le quotidien al-Watan. Dans son article, Maysoun Youssef raconte comment l’armée américaine, depuis la Turquie, équipe les combattants d’Al-Qaïda contre la Syrie.

« La coopération réelle entre l’organisation terroriste et l’Intelligence américaine témoigne de l’incohérence de la lutte des Américains contre les terroristes et Al-Qaïda, » explique-t-elle.

Le 15 août, al-Baath, citant également le média turc, affirme que le président turc, Abdullah Gul coopérait avec le leader d’Al-Qaïda Ayman Zawahiri avec l’objectif de « partitionner la Syrie et ébranler sa stabilité. »

Les Américains derrière le soulèvement des rebelles

Le même jour, Tishreen a proclamé que le bombardement du quartier de la sécurité nationale à Damas, le mois dernier, durant lequel plusieurs hautes personnalités du régime ont été tuées, « a été mis en place grâce à l’aide logistique des Américains. »

L’écrivain Nahla al-Muaz n’apporte pas de preuves pour cette implication mais explique qu’il y a néanmoins une volonté américaine de voir tomber la Syrie « pour pousser le gouvernement syrien à abandonner. »

« Barack Obama ne mentionne jamais la raison de ses intérêts de voir le régime syrien renversé. Mais caché derrière des objectifs humanistes, les motivations sont claires pour n’importe quel analyste politique, » écrit-elle. « Ils veulent tout d’abord se débarrasser de la base navale russe en Syrie et priver la Russie de son unique base en Méditerranée. Ensuite, l’objectif est d’isoler la Syrie afin d’empêcher le trafic d’armes jusqu’au Hezbollah et ce afin d’aider Israël dans ses efforts pour occuper le sud du Liban et contrôler ses ressources d’eau»

Les alliés de la Syrie témoignent

Dans leurs comptes des combats, les journaux syriens soulignent invariablement la présence « de terroristes arabes, de nationalité africaine ou étrangère. »

Pendant ce temps, le journal Al-Watan du cousin de Bachar al-Assad, estime que l’Occident conspire pour détruire le pays parce que la Syrie « refuse l’impérialisme et refuse de signer un traité de paix avec l’entité sioniste, » selon l’analyste Mohammed Ashraf al-Bayoumi. « Refuser les exigences étrangères est la vraie raison pour laquelle le régime est ciblé. »

Pour contrer l’isolement international de la Syrie, les médias mettent tout en œuvre pour publier les déclarations de soutiens à la Syrie qui proviennent des leaders russes et iraniens. « La Corée démocratique (Corée du Nord) supporte entièrement la Syrie contre le terrorisme des Etats-Unis et de ses alliés », a annoncé un spot publicitaire sur la télévision d’Etat la semaine dernière.

Jeudi 16 août, un jour après que la Syrie ait été suspendue de l’Organisation pour la coopération islamique, soutenue par l’Arabie Saoudite, la couverture médiatique n’a pas été axée sur la décision en elle-même mais sur la condamnation du mouvement par l’Iran et par un groupe de cléricaux libanais pro-syriens.

Les médias de la victoire

Par-dessus tout, les médias syriens essaient de donner l’impression que l’armée est en train de gagner la guerre, infligeant des pertes « impressionnantes » à ses adversaires, constamment à la recherche des « restes dispersés » de cellules terroristes et que l’armée reste forte.

« Chaque jour, les victoires sont plus importantes, » déclare un présentateur le 15 août dernier. Maintes et maintes fois, les spots de recrutement militaire sont diffusés, invitant les jeunes à se joindre à la défense de la patrie. Les annonces montrent des avions de combat filant dans le ciel, des navires tirant des missiles, et une femme-soldat ouvrant une arme automatique.

Un autre message surprenant, mais néanmoins très important, est que la vie suit son cours, comme d’habitude, malgré le soulèvement. Les journaux télévisés de cette semaine ont diffusé un reportage sur les marchés de Damas et un autre dans lequel de nombreux enfants ont été interrogés sur les jouets qu’ils ont demandé à leurs parents pour fêter la fin du mois de Ramadan.

Global Post / Adaptation Sybille de Larocque – JOL Press

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