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En vidéo: au cœur d’un hôpital syrien

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Un homme pénètre dans l’hôpital, un garçon ensanglanté dans les bras, suivi de près par un autre blessé lors du dernier raid aérien  mené par le régime syrien sur Alep. Dans le hall, une petite fille gémit pendant que des médecins recousent son pied blessé. Les infirmières courent dans tous les sens, à la rescousse des nouveaux patients. Une d’entre elles fend la foule, son uniforme blanc et son foulard tâchés de sang. « Les cris, toujours ces hurlements », soupire-t-elle, « Quand est-ce que tout cela prendra fin ? ».

Personnel médical et hôpitaux : les cibles des attaques du régime syrien.

C’est une journée banale pour cet hôpital situé dans le centre d’Alep. Son nom ne peut être dévoilé.  De nombreux hôpitaux, cliniques et ambulances sont les cibles de frappes aériennes du régime, depuis les premiers jours du soulèvement en Syrie, en mars 2011. Le directeur de l’hôpital craint que l’attention des médias augmente les attaques du gouvernement syrien sur cet établissement déjà touché à deux reprises.

Le personnel médical est également visé. Ici, les médecins affirment avoir tous été arrêtés au moins une fois. La plupart d’entre eux ont même été torturés. « J’ai été arrêté deux fois : la première fois durant quatre mois, et la seconde durant deux mois. Deux de mes amis, étudiants en médecine, ont été exécutés et leurs corps, brûlés », confie le Docteur Osman, médecin urgentiste dans un hôpital d’Alep. « Nous ne savons pas pourquoi Bachar al-Assad nous considère comme la cible parfaite. Nous ne faisons que sauver des vies », ajoute-t-il.

La pénurie des médecins en Syrie

Pour le Docteur Osman, qui travaille 24 heures par jour, le problème majeur est le manque cruel de personnel. « Nous n’avons aucun spécialistes. Seulement dix infirmières travaillent dans cet hôpital. Le reste du personnel est bénévole ». Avocats, designers, professeurs, ou encore étudiants en médecine : les bénévoles viennent de différents horizons.  Pour la majorité, ils ont dû arrêter leur activité professionnelle lorsque le conflit a éclaté.  

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Des centaines de médecins ont fui la Syrie

Abdulrakman Haleq, 24 ans, médecin volontaire, était étudiant en médecine vétérinaire avant que le conflit n’éclate. Lorsque les combats ont commencé dans les rues d’Alep, des centaines de médecins ont fui, laissant juste une poignée de professionnels formés pour faire face à la crise médicale. Ils étaient environ six mille avant le soulèvement, mais la majorité s’est réfugiée au Liban, en Turquie ou en Égypte. « Ces médecins ont fait leur fortune avec ces gens, mais lorsqu’on a eu le plus besoin d’eux, ils ont fui. Où est donc passée leur humanité ? », se demande le jeune homme. Pour le Docteur Osman, ces médecins ont trahi les civils syriens : « Ils nous ont trahis. Oui, il n’y a pas d’autres mots : trahis », répète-t-il.

Comme beaucoup d’autres bénévoles, Abdulrakman Haleq joue désormais un rôle de premier plan. Pendant son expérience en tant que médecin à Alep, le jeune homme a vécu de nombreuses attaques. Les étages supérieurs dans lesquels il travaillait ont été la cible de tirs de roquette depuis un hélicoptère. Il se rappelle alors que le Dr Mohammed dormait dans son lit, « ici », explique-t-il en pointant du doigt une chambre complètement détruite. « Je discutais avec les infirmières dans le couloir lorsque le docteur s’est levé pour nous demander de nous taire. À ce moment précis, le tir de roquette a explosé sur son lit ».

Il est difficile de le croire mais, à ce jour, aucun membre du personnel de l’hôpital n’a été blessé lors de ces nombreuses frappes aériennes.

Une seule ambulance pour sauver des centaines de vies

Chaque jour, environ 70 à 100 patients franchissent les portes de l’établissement hospitalier d’Alep. Les médecins estiment que 80% d’entre eux sont des civils. La plupart atteint l’hôpital à bord d’un pick-up, un moyen de transport dangereux lorsqu’on est blessé. Pour cause : sur les cinq ambulances que comptait l’hôpital, il n’en reste plus qu’une.

Sham Sadeen est le conducteur de l’unique ambulance de l’hôpital. Il n’a pas toujours fait ce métier. Ce créateur de robes de mariée avant le conflit, explique n’avoir aucun regret : « Avant, je créais uniquement pour les femmes. Maintenant, je travaille pour toute l’humanité », déclare-t-il.  Son ambulance est l’une des cent offertes par le gouvernement japonais au début de l’année. À sa connaissance, 46 ont déjà été détruites.

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Des espions s’inflitrent dans les hôpitaux

La menace ne vient pas seulement de l’air pour les médecins. Récemment, l’équipe a découvert un espion parmi eux. L’homme serait arrivé à l’hôpital en se présentant comme un sauveur avec des certificats médicaux du gouvernement. Il  prétendait être un chirurgien. Mais le personnel hospitalier a commencé à douter de sa véritable identité en voyant qu’il ne possédait aucune base en médecine.

Sept patients sont décédés entre ses mains, avant que sa véritable identité n’ait été découverte. Conscientes que cet espion donnera tous les noms du personnel aux autorités, les infirmières discutent des possiblités qui leur restent, dans une salle exiguë réservée habituellement aux siestes.

« Il avait l’air si doux. Il m’a conduite à la maison deux fois. Maintenant, ma famille doit fuir la ville. Mais je ne peux pas quitter mon poste », déclare l’une d’entre elles, qui ne veut pas révéler son identité. Comme la plupart des médecins bénévoles dans cet hôpital, aucune de ces femmes n’avaient d’expérience antérieure dans la médecine. Désormais, ils sont pratiquement des experts dans le traitement des patients traumatisés

« Je suis venu ici parce qu’il y a un grand besoin », explique Amiha, 22 ans, ancien étudiant en psychologie. « C’est un métier magnifique de sauver des vies ».

« Avec le temps, la mort devient normale »

Assis sur le trottoir à l’extérieur, Abdulrakman Haleq, le jeune médecin, s’est échappé du chaos et de la folie de l’hôpital quelques instants. À sa droite, le corps d’un homme et d’un garçon sont recouverts d’une bâche bleue, en attendant d’être identifiés. « Avec le temps, la mort devient normale », lâche-t-il. « Peut-être que nous ne pouvons plus rien ressentir … peut-être ».

Global Post/ Adaptation Louise Michel D. pour JOL Press

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