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«Dernière carte syrienne: enflammer le Liban, décapiter les têtes»

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Au Liban, où les manifestants continuent de réclamer la démission du Premier ministre Najib Mikati, la tension créée par l’attentat contre le général Wissam al-Hassan est toujours vive.

La Syrie de Bachar al-Assad, abandonnée de tous et accusée d’être à l’origine de cet attentat, n’a plus d’autres issues désormais que de s’attaquer à ceux qui mettent sa survie en danger. C’est ainsi qu’est mort le général Wissam al-Hassan. Non pas seulement parce qu’il avait déjoué des complots mettant en cause la Syrie mais parce qu’il était un des soutiens les plus fervents de l’ancien Premier ministre Saad Hariri, évincé du pouvoir il y a plusieurs mois et ennemi juré de la Syrie.

Pour Antoine Assaf, écrivain et philosophe franco-libanais, si le Liban était otage du conflit syrien, il commence à se libérer. Si le Premier ministre Najib Mikati pose sa démission, une nouvelle ère pourrait s’ouvrir, sans la Syrie.

Qui était vraiment le général al-Hassan dans la vie publique libanaise ?

Le général Wissam al-Hassan était le chef de la sécurité intérieure. Il était également sunnite et, bien que n’étant pas affilié à un parti politique, il était proche de Saad Hariri, ancien Premier ministre écarté du pouvoir, et fils de Rafiq Hariri, tué en 2005 à Beyrouth.

Récemment, Wissam al-Hassan s’était fait connaître en déjouant plusieurs complots syriens qui visaient le Liban et qui auraient affaibli l’opposition syrienne au Liban. Une de ses enquêtes avait notamment permis l’arrestation de l’ancien député et ministre Michel Samaha, proche de Bachar al-Assad.

En dehors de ces attentats déjoués, quelles sont véritablement les raisons de son assassinat ?

Le général Wissam al-Hassan représentait la mouvance de Saad Hariri au Liban, ce dernier, exilé, voudrait revenir au pouvoir après avoir été éjecté à la suite du vote de Walid Joumblatt, chef de la communauté druze, en faveur de Najib Mikati.

Les sunnites sont divisés entre pro et anti-syriens et le courant que représente Saad Hariri est clairement anti-syrien. Le général Wissam al-Hassan était celui qui pouvait permettre le retour de Saad Hariri au pouvoir. Lors de cet attentat, la Syrie a visé le général qui pouvait assurer la sécurité et le retour de Saad Hariri au pouvoir.

L’opposition au Liban tend à accuser le régime de Bachar al-Assad mais ce n’est actuellement pas formellement prouvé ?

Il y a réellement 95% de chances que la Syrie soit derrière cet attentat. Nous pouvons éventuellement laisser 5% de chances au doute.

La Syrie est aujourd’hui condamnée et il ne lui reste plus qu’une carte à jouer, celle de l’embrasement du Liban. Elle cherche ainsi à activer ses alliés. Bachar al-Assad cherche à éliminer les personnalités importantes qui se positionnent contre son régime, il joue actuellement ses dernières cartes : embraser le Liban, décapiter les têtes. C’est la nouvelle logique syrienne.

L’opposition au gouvernement de Najib Mikati appelle à sa démission. Pensez-vous que de nouveaux bouleversements politiques sont à attendre au Liban dans les jours et les semaines qui viennent ?

Le mouvement d’opposition se concentre désormais devant le Sérail (Palais ministériel), où de nombreux manifestants ont organisés un sit-in afin de demander la démission du Premier ministre.

Najib Mikati n’a pas la majorité au Parlement et l’opposition au pouvoir réclame également sa démission. Pour l’instant, Najib Mikati n’aurait pas présenté la démission de son gouvernement mais cela pourrait arriver. Dans ce cas, le président Michel Sleiman pourrait être amené à nommer de nouveau Saad Hariri au gouvernement. Mais la tendance actuelle de l’Europe et des Etats-Unis est d’assurer le calme et la sécurité du Liban. Des agents du FBI et des Etats-Unis enquêtent actuellement sur l’assassinat du général et agissent pour calmer la rue sunnite à Beyrouth avec l’armée libanaise.

Quelle serait alors la configuration du gouvernement libanais ?

Ce gouvernement pourrait ouvrir une nouvelle ère au Liban. Désormais, la Syrie est condamnée de toute part et Bachar al-Assad est définitivement persona non grata pour la communauté internationale. Le Liban est de plus en plus libre vis-à-vis de la Syrie grâce à cette condamnation quasiment unanime des autres pays.

Auparavant, une partie des Libanais condamnait le régime syrien mais la paix civile n’était pas menacée. Désormais, le risque d’embrasement au Liban est omniprésent.

Dans ce nouveau gouvernement, le Hezbollah pourrait également trouver sa place en négociant son non-désarmement, au prétexte que parmi les attentats déjoués par le général Wissam al-Hassan, certains étaient fomentés par des Israéliens.

Justement, le Hezbollah paraît bien discret dans ces évènements alors qu’il reste un des alliés très fidèles du régime de Bachar al-Assad. Comment expliquer ce silence ?

Comme beaucoup, le Hezbollah a compris que la Syrie de Bachar al-Assad n’avait plus d’avenir. Dans un de ses derniers discours, Hassan Nasrallah ne s’est pas positionné en faveur de l’envoi d’hommes en Syrie. Il a même affirmé que cet envoi ne serait pas dans l’intérêt du Liban. De la même manière, l’Iran commence à mesurer ses propos face à la Syrie. Mahmoud Ahmadinejad s’est notamment opposé publiquement à l’utilisation d’armes chimiques par Bachar al-Assad.

Ils ne sont pas les seuls, la Russie a également affirmé qu’elle soutenait la Syrie, avec ou sans Bachar al-Assad. La Russie se montre alliée fidèle du régime, mais elle le serait tout autant si un gouvernement de transition était mis en place.

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