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La stratégie de paix de l’Autorité palestinienne a échoué

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Quelques jours après le cessez-le-feu qui a mis un terme à huit jours de violents combats entre Israël et la bande de Gaza, les regards se tournent vers cette région où un calme relatif semble revenu.

Une « victoire » pour le Hamas ?

Grâce à une médiation égyptienne et une forte pression internationale, Israël a retiré ses troupes stationnées à la frontière avec la bande de Gaza et les roquettes du Hamas ne tombent plus sur le territoire israélien.

Aujourd’hui, de nombreux experts s’accordent pour dire que ce cessez-le-feu signe une forme de « victoire » du Hamas palestinien au Proche-Orient. Une victoire qui se traduit par un rééquilibrage des forces en présence. Si, au niveau régional, peu de changements sont à prévoir, l’équilibre des forces palestiniennes pourrait s’en trouver troublé.

L’opération israélienne Pilier de défense était toujours en cours lorsque Leïla Shahid, déléguée générale de l’Autorité palestinienne auprès de l’Union européenne, accordait une interview au média belge RTBF.

« Nous n’avons même pas réussi à faire retirer l’armée israélienne de Gaza, de Cisjordanie et de Jérusalem-Est »

Lors de cet entretien, cette diplomate chevronnée de l’Autorité palestinienne a livré ses impressions quant à l’état de son mouvement.

Quelques jours avant la demande de reconnaissance de la Palestine comme État, devant les Nations unies, Leïla Shahid constate l’échec de la stratégie de l’Autorité palestinienne, une stratégie vieille de plus de vingt ans.

« Malheureusement, la stratégie de ma direction, la mienne, celle que je défends maintenant depuis 45 ans, elle a échoué. Dites-moi à quoi ont servi les négociations pendant vingt ans ? Nous avons commencé à négocier à Madrid en 1990. On a continué en 1993, on a arrêté la lutte armée, on a voulu montrer qu’on était respectueux du droit international, et Israël nous a donné une claque », confie Leïla Shahid, quelques jours après le début de l’offensive israélienne.

La diplomate va encore plus loin et remet en cause, directement, la stratégie empruntée par l’Autorité palestinienne.

« Nous avons décidé, il y a 19 ans, d’arrêter la lutte armée pour négocier la solution de deux États. Mais, soyons honnêtes, nous avons échoué. La solution préconisée par le président Mahmoud Abbas, par le Premier ministre, par Yasser Arafat avant son décè : ça fait vingt ans que nous négocions soi-disant une solution de l’occupation militaire de nos territoires depuis 45 ans. Et qu’est-ce que nous avons fait ? Nous n’avons même pas réussi à faire retirer l’armée israélienne ni de Gaza ni de Cisjordanie ni de Jérusalem-Est », ajoute-t-elle.

Leïla Shahid annonce l’échec de son mouvement

Sur la scène internationale, si le Hamas islamiste sort « victorieux » par les armes, l’Autorité palestinienne, pour avoir voulu jouer le jeu de la communauté internationale, devient le grand absent de la scène du Proche-Orient.

Pour Yves Gonzalez, chercheur spécialiste du monde arabe, la déclaration de Leïla Shadid a été très « étonnante ».

« La déclaration de Leïla Shadid, dans ce contexte, est étonnante. Lorsqu’une diplomate comme elle prononce ces mots, il faut vraiment s’interroger », explique Yves Gonzalez.

Pour lui, si les propos de Leïla Shadid n’ont pas été prononcés sur le coup de l’émotion, il faut lire, à travers cette déclaration, une lassitude de l’Autorité palestinienne et, éventuellement, les traits d’une nouvelle politique engagée en Cisjordanie.

Vers un changement de stratégie à Ramallah ?

Selon Yves Gonzalez, Leïla Shahid a pu « préparer le terrain pour annoncer que l’Autorité palestinienne est en train de changer de politique. Peut-être brandit-elle la menace de ce changement de politique au sein de l’Organisation, quelques jours avant que la Palestine ne se présente devant les Nations unies pour demander sa reconnaissance en tant qu’État. »

« Une autre explication pourrait être que, pour Leïla Shahid, le vent a déjà tourné. L’Autorité palestinienne a compris que le Hamas était sorti gagnant de cette opération et cette déclaration pourrait être à interpréter comme l’annonce d’une nouvelle position commune israélienne », ajoute encore Yves Gonzalez.

« Le choix de la résistance pacifique n’a mené à rien »

Pour Sébastien Boussois, chercheur en science politique à l’Université libre de Bruxelles, c’est la première fois qu’une responsable attitrée de l’Autorité palestinienne, de cette importance, prend une position si incisive sur l’évolution de la politique palestinienne et avoue par là même son impuissance face à la situation actuelle même si c’est un long processus.

La déclaration de Leïla Shahid indique, selon lui, que « les changements de stratégie de l’Autorité palestinienne n’ont mené à rien. Le choix de la résistance pacifique après la répression violente de la Seconde Intifada n’a mené à rien, ni paix, ni avancée dans les négociations. »
 
« Cette déclaration indique que la succession de Yasser Arafat a été un échec total et que Mahmoud Abbas n’est pas parvenu à mieux, » ajoute encore Sébastien Boussois« Le Fatah est dans une situation très grave et Mahmoud Abbas, le plus malléable et le plus modéré que les Israéliens peuvent avoir en face, n’a mené à rien. La lente décrédibilisation de l’Autorité palestinienne depuis 2000 n’a fait comme prévu que renforcer les extrêmes ».
Le constat de ces premiers jours de paix après l’opération Pilier de Défense indique une « victoire dans la tête des dirigeants du Hamas ». Bien que la trêve n’ait sans doute pas une durée de vie illimitée, le Hamas, pour Sébastien Boussois, est victorieux par sa résistance et le perçoit comme tel.
« Dans ce cessez-le-feu, les deux camps se disent victorieux. Mais le Hamas, par sa résistance effective à l’opération, et malgré les dommages collatéraux comme les appellent les Israéliens – environ 160 morts côté palestinien – a montré avec les roquettes que le retour de la violence pouvait redevenir un instrument de pression politique pour les Palestiniens. Israël se considère aussi vainqueur en ayant testé grandeur nature la capacité de résistance de la bande de Gaza et en ayant montré une fois encore sa force (en prévision d’une attaque contre l’Iran ?   , » indique le chercheur.

« Le jeu du droit international ne fonctionne pas avec les Palestiniens »

« Il faut aussi savoir que c’est la première fois que des roquettes palestiniennes sont tombées à Tel Aviv. C’est également la première fois de l’histoire que ces mêmes roquettes sont tombées en périphérie de Jérusalem. Le dôme d’acier n’a pu les arrêter » ajoute Sébastien Boussois.
Recentré à Gaza, le pouvoir palestinien des accords d’Oslo serait-il alors mort avec Yasser Arafat ? « L’Autorité palestinienne a voulu enterrer la hache de guerre et faire le choix du droit international depuis les accords d’Oslo jusqu’à la demande de reconnaissance de la Palestine par l’ONU en 2011 renouvellée cette année. Si cette stratégie est louable sur le plan intellectuel et politique, elle est inefficace pour les Palestiniens puisqu’après la reconnaissance par l’UNESCO, puisque malgré le soutien de près de 130 pays aux Nations unies, le simple véto américain avait tout bloqué et Israël promet d’asphyxier l’Autorité palestinienne si elle va jusqu’au bout. Information du soir, la France soutiendra après avoir tergiversé bien la demande d’Abbas, » estime encore Sébastien Boussois.

Alors que des scientifiques français, russes et suisses sont actuellement en Cisjordanie afin d’exhumer et analyser la dépouille de Yasser Arafat, chef historique d’une organisation qui l’est tout autant, l’avenir des négociations de paix au Proche-Orient semble aujourd’hui bien compromis.

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