À quelques jours de la demande officielle de reconnaissance du statut d’État palestinien devant les Nations unies, et après la position centrale que s’est octroyée le Hamas durant l’opération israélienne « Pilier de défense », la validité de l’Autorité palestinienne est remise en cause. Leïla Shahid, diplomate éminente et représentante de l’Autorité palestinienne devant l’Union européenne, a elle-même reconnu « l’échec » de son mouvement. La stratégie de paix adoptée par Ramallah depuis vingt ans montre aujourd’hui ses limites.
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Quelques jours après le cessez-le-feu qui a mis un terme à huit jours de violents combats entre Israël et la bande de Gaza, les regards se tournent vers cette région où un calme relatif semble revenu.
Une « victoire » pour le Hamas ?
Grâce à une médiation égyptienne et une forte pression internationale, Israël a retiré ses troupes stationnées à la frontière avec la bande de Gaza et les roquettes du Hamas ne tombent plus sur le territoire israélien.
Aujourd’hui, de nombreux experts s’accordent pour dire que ce cessez-le-feu signe une forme de « victoire » du Hamas palestinien au Proche-Orient. Une victoire qui se traduit par un rééquilibrage des forces en présence. Si, au niveau régional, peu de changements sont à prévoir, l’équilibre des forces palestiniennes pourrait s’en trouver troublé.
L’opération israélienne Pilier de défense était toujours en cours lorsque Leïla Shahid, déléguée générale de l’Autorité palestinienne auprès de l’Union européenne, accordait une interview au média belge RTBF.
« Nous n’avons même pas réussi à faire retirer l’armée israélienne de Gaza, de Cisjordanie et de Jérusalem-Est »
Lors de cet entretien, cette diplomate chevronnée de l’Autorité palestinienne a livré ses impressions quant à l’état de son mouvement.
Quelques jours avant la demande de reconnaissance de la Palestine comme État, devant les Nations unies, Leïla Shahid constate l’échec de la stratégie de l’Autorité palestinienne, une stratégie vieille de plus de vingt ans.
« Malheureusement, la stratégie de ma direction, la mienne, celle que je défends maintenant depuis 45 ans, elle a échoué. Dites-moi à quoi ont servi les négociations pendant vingt ans ? Nous avons commencé à négocier à Madrid en 1990. On a continué en 1993, on a arrêté la lutte armée, on a voulu montrer qu’on était respectueux du droit international, et Israël nous a donné une claque », confie Leïla Shahid, quelques jours après le début de l’offensive israélienne.
La diplomate va encore plus loin et remet en cause, directement, la stratégie empruntée par l’Autorité palestinienne.
« Nous avons décidé, il y a 19 ans, d’arrêter la lutte armée pour négocier la solution de deux États. Mais, soyons honnêtes, nous avons échoué. La solution préconisée par le président Mahmoud Abbas, par le Premier ministre, par Yasser Arafat avant son décè : ça fait vingt ans que nous négocions soi-disant une solution de l’occupation militaire de nos territoires depuis 45 ans. Et qu’est-ce que nous avons fait ? Nous n’avons même pas réussi à faire retirer l’armée israélienne ni de Gaza ni de Cisjordanie ni de Jérusalem-Est », ajoute-t-elle.
Leïla Shahid annonce l’échec de son mouvement
Sur la scène internationale, si le Hamas islamiste sort « victorieux » par les armes, l’Autorité palestinienne, pour avoir voulu jouer le jeu de la communauté internationale, devient le grand absent de la scène du Proche-Orient.
Pour Yves Gonzalez, chercheur spécialiste du monde arabe, la déclaration de Leïla Shadid a été très « étonnante ».
« La déclaration de Leïla Shadid, dans ce contexte, est étonnante. Lorsqu’une diplomate comme elle prononce ces mots, il faut vraiment s’interroger », explique Yves Gonzalez.
Pour lui, si les propos de Leïla Shadid n’ont pas été prononcés sur le coup de l’émotion, il faut lire, à travers cette déclaration, une lassitude de l’Autorité palestinienne et, éventuellement, les traits d’une nouvelle politique engagée en Cisjordanie.
Vers un changement de stratégie à Ramallah ?
Selon Yves Gonzalez, Leïla Shahid a pu « préparer le terrain pour annoncer que l’Autorité palestinienne est en train de changer de politique. Peut-être brandit-elle la menace de ce changement de politique au sein de l’Organisation, quelques jours avant que la Palestine ne se présente devant les Nations unies pour demander sa reconnaissance en tant qu’État. »
« Une autre explication pourrait être que, pour Leïla Shahid, le vent a déjà tourné. L’Autorité palestinienne a compris que le Hamas était sorti gagnant de cette opération et cette déclaration pourrait être à interpréter comme l’annonce d’une nouvelle position commune israélienne », ajoute encore Yves Gonzalez.
« Le choix de la résistance pacifique n’a mené à rien »
Pour Sébastien Boussois, chercheur en science politique à l’Université libre de Bruxelles, c’est la première fois qu’une responsable attitrée de l’Autorité palestinienne, de cette importance, prend une position si incisive sur l’évolution de la politique palestinienne et avoue par là même son impuissance face à la situation actuelle même si c’est un long processus.
« Le jeu du droit international ne fonctionne pas avec les Palestiniens »
Alors que des scientifiques français, russes et suisses sont actuellement en Cisjordanie afin d’exhumer et analyser la dépouille de Yasser Arafat, chef historique d’une organisation qui l’est tout autant, l’avenir des négociations de paix au Proche-Orient semble aujourd’hui bien compromis.