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Le Liban, caisse de résonance du conflit syrien

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À moins de deux kilomètres de la frontière libano-syrienne, le bruit constant de l’explosion des obus peut être entendu jour et nuit.

À quelques kilomètres de la bataille de Damas

Alors que la bataille de Damas s’intensifie, le contrôle de la poreuse frontière libanaise est une priorité pour le régime comme pour les rebelles qui cherchent son renversement. La capitale syrienne n’est qu’à 25 kilomètres de la frontière et à 80 kilomètres de Beyrouth.

Des tactiques de combat très réfléchies dominent le conflit ici. La zone de la frontière est « l’arrière-cour de la capitale syrienne », explique Elias Hanna, un militaire libanais à la retraite. Et une route d’approvisionnement essentielle pour les rebelles. Éviter que Damas ne soit encerclée par les rebelles est, selon Elias Hanna, essentiel à la survie du régime.

Ces affrontements sont un risque dangereux d’escalade du conflit en raison d’un enjeu géopolitique de taille à la frontière : le Hezbollah – mouvement chiite libanais fidèle à Bachar al-Assad – a arrêté le mouvement de la plupart des combattants syriens sunnites dans certaines zones de la frontière. Le groupe a récemment renforcé sa présence armée dans les villages chiites des deux côtés de la frontière.

Côté syrien, le président Bachar al-Assad a intensifié la présence de troupes le long de la frontière depuis quelques semaines afin de court-circuiter l’acheminement d’armes et de combattants vers la capitale. Cependant, selon certains experts, l’armée syrienne aura des difficultés à maintenir une telle opération.

Dans la plaine de la Bekaa, le conflit déborde

Les zones frontalières de la Plaine de la Bekaa ont la réputation d’être un de lieu de non-droit pour les trafiquants d’armes et de drogue. 

À part les points de contrôle sur la principale route nord-sud à travers la plaine, l’armée libanaise, un allié officieux du régime syrien, est largement absent de la zone.

Les affrontements sont devenus très courants et débordent souvent côté libanais. L’armée syrienne a tué des dizaines de civils libanais lors des nombreuses incursions à la frontière. Les tensions sectaires déclenchent régulièrement des affrontements meurtriers entre les parties pro et anti-régime dans les villes et villages libanais. Des centaines de personnes ont été tuées et blessées depuis cette année.

Au Liban, la guerre en Syrie, qui partage la société libanaise, a suivi les mêmes divisions sectaires qu’en Syrie. Le soulèvement syrien, principalement sunnite, a encouragé une part de la population sunnite, largement marginalisée. Pendant ce temps, de nombreux chiites, et parmi eux le Hezbollah, ont soutenu Bachar al-Assad, dont la minorité alaouite trouve ses racines dans le chiisme.

Les combattants libanais ont rejoint les deux camps de la guerre en Syrie. Ces divisions se reflètent également au sein du gouvernement, dont le pouvoir est constitutionnellement partagé entre les différentes confessions religieuses.

Syrie et Liban arment leur frontière

Les trafiquants libanais et syriens, qui fournissent tout depuis l’huile de cuisson jusqu’aux munitions pour les combattants rebelles, affirment qu’il y a de plus en plus de snipers, de patrouilles et de mines anti-personnelles le long de la frontière. Les hélicoptères de combat syriens sont devenus fréquents dans la région de la plaine de la Bekaa.

Les experts et les trafiquants locaux redoutent que le conflit le long de la frontière ne devienne de plus en plus violent dans les mois qui viennent, à mesure que l’opposition s’approchera de la capitale syrienne.

Pour le moment, l’armée syrienne semble avoir l’avantage ici. Les 360 kilomètres qui font la démarcation officielle entre les deux pays est assez imprécise et ce flou donne au régime Assad la possibilité de poursuivre les rebelles et les trafiquants dans les zones du conflit.

Business à la frontière libano-syrienne

Un contrebandier de 18 ans nommé Abdullah explique qu’il traverse la frontière plusieurs fois par semaines et vit dans le village libanais de Majdal Anjar.

« Le voyage prend plus de temps que d’habitude », explique-t-il. Il raconte que son voyage vers le village de montagne de Zabadani, situé à seulement 10 kilomètres, qui prenait habituellement plusieurs heures, prend désormais plusieurs jours.

Une fois en Syrie, les trafiquants achètent le silence des agents syriens des checkpoints pour une journée ou deux, permettant ainsi le flux d’armes jusqu’à la capitale.

« C’est du business et tout a un prix », explique un Libanais d’âge moyen originaire de la Bekaa, qui ne souhaite pas être cité. « Les officiers syriens que nous payons savent aussi qu’ils sont en train de perdre. »

À peine deux kilomètres après la frontière, sur le territoire libanais, dans la Bekaa, Majdal Anjar a longtemps été une base de soutien pour les militants sunnites et les hors la loi. Aujourd’hui, le village est une zone rebelle et une base de réapprovisionnement en soldats. Les forces de sécurité libanaises n’ont pas d’emprise ici.

Tensions communautaires dans les villages libanais

Le Hezbollah, cependant, ne veut pas voir les rebelles sunnites s’établir au Liban. Le groupe terroriste a récemment combattu ces mêmes sunnites dans le nord de la Plaine de la Bekaa.

Les experts se demandent combien de temps l’armée syrienne pourra être capable de se battre le long de la frontière libanaise. Pour Damas, une ville d’environ 2 millions de personnes, « vous devriez avoir besoin de plus de 100 000 personnes pour la sécuriser », explique Elias Hanna. Le régime « trouvera cela très difficile de sécuriser la frontière tout en assurant la sécurité de Damas. »

Si Damas tombe entre les mains des rebelles, les tensions communautaires pourraient s’aggraver et déborder côté libanais. Pour un pays qui a déjà subi une guerre civile  entre 1975 et 1990, le spectre de nouvelles effusions de sang plane sur la région.

À une soixantaine de kilomètres au nord de Majdal Anjar, le village libanais d’Aarsal est également un soutien pour les rebelles syriens sunnites. Il est devenu un point de transit pour les rebelles destinés à aller combattre à Damas.

« Tous les habitants d’Aarsal sont avec la révolution », explique Ali al-Hujeiri le maire du village libanais. Illustrant son propos, le drapeau et les slogans de l’Armée syrienne libre sont tagués sur de nombreux murs de ce village de montagne.

Des camions de ramassage transformés en 4×4 font le trajet périlleux le long de la frontière toutes les nuits. Ils sont souvent remplis de réfugiés lors de leurs retours vers le Liban. Aujourd’hui, plus de 100 000 Syriens qui ont fui le conflit vivent dans la ville et les collines environnantes.

Plusieurs villages à majorité chiite entourent Aarsal, et les hostilités se sont intensifiées à mesure de l’augmentation du nombre de réfugiés et de rebelles dans la région.

« Ils attaquent nos voitures avec des pierres si nous traversons leurs villages aujourd’hui », explique Ali al-Hujeiri. « Nous ne nous aimons pas. »

Global Post / Adaptation Sybille de Larocque – JOL Press

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