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Les rebelles poursuivent le siège de Damas

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Six mois après avoir été chassés du cœur de Damas, les combattants rebelles luttent pour reprendre le contrôle de la capitale. Ils ont lancé une campagne concertée contre les bases militaires et l’aéroport international, formant un arc de bastions de l’opposition, qui encercle maintenant la capitale.

Les compagnies aériennes annulent les vols vers la Syrie

Après les récentes attaques rebelles sur des postes de contrôle militaires et des bases le long de l’autoroute de 25 kilomètres entre le sud-ouest de Damas et l’aéroport international, qui ont entraîné la fermeture de l’aéroport pendant deux jours, les autorités ont insisté la semaine dernière pour que seule la plateforme aérienne commerciale internationale de Syrie puisse rouvrir.

Mais un reporter de GlobalPost qui essayait de conduire sur l’autoroute qui mène à l’aéroport a été arrêté par des soldats syriens qui lui ont dit que la route était fermée parce qu’ils ne pouvaient pas garantir la sécurité du passage.

Plusieurs compagnies aériennes qui effectuent des transits réguliers vers Damas, comme Emirates et Egypt Air, ont déclaré qu’elles avaient annulé leurs vols. British Airways-BMI a cessé de voler vers Damas en mai dernier. Et Royal Jordanian a arrêté en juillet.

L’aéroport de Damas en ligne de mire

« Nous appelons les civils à ne pas se rendre à l’aéroport ou sur l’autoroute qui y conduit. C’est maintenant un lieu d’opérations militaires », a expliqué à GlobalPost Abu Mohammed, un combattant rebelle qui surveille les allées et venues à quelques centaines de mètres de l’entrée sud de l’aéroport.

« L’aéroport est hors service depuis une semaine, et tous les employés sont coincés à l’intérieur. Ils ont peur de partir, parce qu’ils savent que l’on peut bombarder n’importe quelle voiture sur l’autoroute ».

Deux employés de l’aéroport ont été tués vendredi 7 décembre, après que leur voiture a été visée alors qu’elle roulait sur l’autoroute de l’aéroport. Un porte-parole du conseil militaire de Damas, qui commande la majorité des unités rebelles autour de la capitale, a déclaré que les attaques sur l’aéroport et les véhicules utilisant l’autoroute étaient désormais justifiées, puisque la zone est maintenant sous contrôle militaire.

L’aéroport est isolé parmi les petites villes satellites pauvres du sud de Damas, devenues des bastions de l’opposition. Abu Mohammed affirme que les rebelles contrôlent tous les quartiers adjacents à l’autoroute de l’aéroport, sauf Jaramana, une ville druze et chrétienne encore considérée comme pro-Assad.

Damas verrouillée

Presque toutes les routes à l’intérieur et à l’extérieur de la capitale étaient bloquées par des tanks et des bus militaires vendredi dernier, ainsi que des postes de contrôle empêchant quiconque, excepté les soldats et la police secrète, de circuler aux alentours. C’est la première fois depuis 21 mois de rébellion que la capitale est complètement verrouillée.

Les soldats ont aussi repoussé un reporter de GlobalPost qui essayait de se rendre vers le centre de Damas depuis l’intersection sud de Nahr Eisha. Un homme transportant sa mère âgée vers un hôpital du centre-ville a été autorisé à passer après que les soldats ont vérifié que le moteur de la voiture ne contenait pas d’engins explosifs.

« Tout semblant de normalité dans la ville s’est maintenant évaporé »

Sur la route sud désertée, à la sortie de la ville, les explosions retentissaient et la fumée noire emplissait le ciel d’hiver. Les forces du régime ont bombardé la zone sans interruption, alors qu’elles essayaient de reprendre le contrôle des positions tenues par les rebelles.

Tout semblant de normalité dans la capitale s’est maintenant évaporé, tandis que les coupures d’électricité causées par les centrales endommagées plongent des quartiers entiers de la ville dans le noir. Les routes principales, d’ordinaire encombrées, sont pratiquement vides de voitures. Les habitants respectent le couvre-feu qu’ils se sont eux-mêmes imposé, et seulement une poignée de personnes s’aventurent dans les rues, la nuit tombée.

Avec la prise de plusieurs bases militaires par les rebelles, le conflit entre dans une nouvelle phase

Un diplomate occidental, encore en service à Damas, a expliqué que le pouvoir de l’armée du président Bachar al-Assad dans la capitale, ainsi que leur entraînement intensif et leur puissance de feu, empêchaient les rebelles de planifier un renversement immédiat du régime.

Mais, avec la prise de trois bases militaires stratégiques dans le nord de la Syrie par les rebelles, le diplomate a déclaré que le conflit entrait maintenant dans « une nouvelle phase ».

« Le régime devrait bientôt abandonner le nord et l’est aux rebelles, de nombreuses bases militaires importantes ayant déjà été prises », dit-il. « Il est probable que ce que nous avons vu à Alep se produise à Damas, mais avec des combats plus intenses, un plus grand nombre de victimes et certainement un niveau plus haut de destruction ».

Le soutien de l’Iran et de la Russie à Bachar al-Assad pourrait bien ralentir la progression des rebelles dans Damas

Les rebelles ont déclaré que la stratégie de l’attaque de l’aéroport de Damas – qui a causé la mort de nombreuses personnes, dont deux casques bleus australiens – visait à priver le régime d’une « bouée de sauvetage » indispensable de ses alliés, l’Iran et la Russie.

Téhéran a maintenant ouvertement déclaré son assistance militaire au régime d’Assad. Et les enregistrements de vols récemment publiés par ProPublica ont montré que la Russie – en plus de fournir le gros des armes du régime syrien – a transporté 240 tonnes de billets de banques (que l’on suppose être des livres syriennes) imprimés en Russie, à destination de l’aéroport de Damas, de juillet à mi-septembre.

À Daraya, les combats continuent

Les rebelles ont également cherché à encercler l’aéroport militaire de Mezze, la voie d’approvisionnement militaire la plus critique du régime à l’intérieur même de la capitale, à partir des positions de Daraya et Madameya. Ces deux voisins sont systématiquement rasés par des frappes aériennes incessantes, selon des militants locaux interrogés par GobalPost.

Des activistes de Daraya ont raconté que plusieurs personnes étaient mortes après avoir inhalé ce qu’ils décrivaient être de la « fumée empoisonnée » qui « brûle sur le tarmac de la route ». Une vidéo publiée sur YouTube plus tôt ce mois-ci montrait des nuages de fumée blanche au-dessus de Daraya, provenant des bombes au phosphore blanc.

 

Les rebelles utilisent des armes lourdes et passent à l’offensive

Fermée au nord par le Mont Kassioun, la ville de Damas est désormais encerclée dans un arc d’environ 240 degrés du nord-est au sud-ouest par les quartiers anti-Assad abritant les combattants rebelles qui, ces dernières semaines, ont utilisé des armes lourdes, dont des missiles sol-air (MSA) et des mortiers.

Les communautés qui autrefois étaient des foyers de protestation civile pacifique – brandissant des banderoles peintes, chantant des chansons et marchant dans les rues – sont maintenant des champs de bataille de béton en ruines, sur lesquelles les rebelles disent qu’ils préparent non la paix mais la mort du Président.

Beaucoup de combattants rebelles s’opposent à une intervention des casques bleus

Vendredi dernier, un manifestant portait une banderole qui exprimait son rejet de l’appel du médiateur des Nations unies, Lakhdar Brahimi, qui pressait les casques bleus à intervenir en Syrie.

« La raison ? Les casques bleus ont pour but de séparer les combattants, empêchant ainsi la possibilité de parvenir à une résolution militaire de l’actuel conflit par un triomphe d’un côté sur l’autre », écrit l’analyste syrien et membre de la Fondation pour la défense des démocraties, Ammar Abdulhamid.

L’étau se resserre autour de la capitale syrienne

Les chefs rebelles disent qu’ils ont désormais un plan coordonné pour resserrer l’étau autour des bastions-clés du régime – dont le palais présidentiel.

« Nous avons commencé la seconde phase de contrôle de Damas en quittant les zones rurales pour les banlieues, avant de rejoindre ensuite les quartiers de la ville », a déclaré Abu Omar à GlobalPost, chef d’une unité rebelle combattant à Mleha, à 8 kilomètres au sud-est de la ville.

En faisant la liste des quartiers que ses homologues rebelles contrôlent désormais dans le nord-est de Damas, Abu Omar a promis que ses forces se joindraient à ce mouvement de « tenailles », alors que les combattants convergent vers Muhajreen, l’endroit où se trouve le palais, le bureau et la maison de Bachar al-Assad. Le mois dernier, les rebelles ont tenté de bombarder le palais pour la première fois, mais ont tiré trop loin.

« Nous avons des plans pour toutes les opérations », affirme Abu Omar. « Nous ne combattons pas en réaction à une attaque, mais de manière proactive. Nous voulons contrôler Damas de tous les côtés, et l’assiéger avant de lancer la troisième phase de la bataille ».

Reportage de Hugh Macleod depuis Beyrouth, et d’un journaliste de GlobalPost, dont l’identité a été gardée secrète pour des raisons de sécurité.

GlobalPost /Adaptation : Anaïs Lefébure pour JOL Press

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