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L’islam rigoriste règne en maître dans les universités afghanes

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Sur le campus de l’université islamique de Nangarhar, les bâtiments sont en train de s’écrouler. Les sentiers ne sont plus pavés. Il y a une pénurie de professeurs, des coupures d’électricité par intermittence, et les dortoirs sont bondés.

À travers l’Afghanistan, ce type de situation s’est généralisé, au point de devenir une épine dans le pied du gouvernement et de ses alliés de l’Otan. Les jeunes hommes qui étudient ici organisent régulièrement des manifestations durant lesquelles ils bloquent l’un des principaux axes routiers du pays et brûlent des drapeaux américains.

L’islam rigoriste comme réponse à l’occupation

Beaucoup d’entre eux ont été arrêtés pour des liens présumés avec les rebelles. Ils sont même accusés de soutenir Al-Qaïda. Pourtant, les étudiants eux-mêmes sont fiers de leur réputation, et insistent sur le fait qu’ils prennent la parole simplement pour défendre leur religion et leur pays.

Pour eux, l’université est comme un micro-État, un endroit qu’ils dirigent, où règne une interprétation stricte de l’islam.

« Nos ennemis ne sont pas seulement l’Amérique et l’Occident, déclare Niamatullah, un étudiant en ingénierie. Nos ennemis sont les oppresseurs, où qu’ils puissent être. Si, quand les Américains seront partis, notre peuple est toujours oppressé, nous protesterons et ferons tout notre possible pour que cela cesse. »

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Une université publique devenue « islamique »

Fondée au début des années 1960 en périphérie de la ville de Jalalabad, à l’est de l’Afghanistan, l’université de Nangarhar était autrefois semblable à toutes les autres universités publiques. La situation n’a réellement changé que lorsque le terme « islamique » a été officiellement ajouté sous l’ère talibane. Un adjectif qui a ensuite perduré sous l’occupation américaine.

Cette étape, au premier abord insignifiante, a eu un impact profond : une arrivée massive d’étudiants fondamentalistes souhaitant poursuivre leurs études supérieures. Près de 10 000 étudiants y sont désormais inscrits. Parmi eux, des femmes, portant la burqa ou le hijab (foulard).

Les étudiants soutenus par les Talibans

Selon Niamatullah, lui et ses collègues sont assimilés aux rebelles parce qu’ils « sont des musulmans sensibles » qui n’empruntent pas « les chemins de la corruption ». Afin d’illustrer son propos, il donne l’exemple d’une chanteuse invitée à donner un concert à l’université.

« Nous nous sommes opposés à ce concert et nous l’avons empêché, explique-t-il. Regardez : toute la nation est derrière nous, elle nous soutient et a besoin de nous. Seuls les médias et quelques Occidentaux nous appellent des « insurgés ». »

Leur réputation a été alimentée par leur volonté de s’opposer aux États-Unis et à leurs alliés de façon plus virulente et militante que les autres institutions publiques.

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Dans un article publié sur le site internet des Talibans au début de l’année, l’université de Nangarhar était décrite comme « un fort imprenable dans la guerre des idées. » L’article affirmait en outre que les mobilisations régulières des étudiants contre l’occupation était « aussi dignes que l’utilisation d’une arme à feu. »

La plus récente de ses manifestations les avait poussés à bloquer la route principale qui relie Jalalabad à Kaboul. L’opération avait pour but de témoigner de leur solidarité envers un soldat afghan qu’ils croyaient en passe d’être exécuté. Ce soldat est dans une prison pour avoir tué des militaires français au mois de janvier.

« Ici, nous sommes tous frères. »

Khodai Nazar Hamad est imam de la mosquée universitaire, et étudiant en droit de la charia. Interviewé dans sa chambre, il accuse les services de renseignements nationaux d’avoir arrêté certains de ses collègues sans preuve suffisante. Il dénonce aussi le fait que les divisions ethniques et les agitations sociales aient contaminé d’autres universités.

« Ici, nous sommes tous frères, affirme-t-il. Nous ne nous soucions pas des choses stupides. La seule chose qui nous importe est de combattre l’injustice dans notre pays, celle qui touche notre peuple. Dans ce cas qui pose problème, nous ou eux ? »

Fermer les yeux sur le fondamentalisme

L’université regroupe en tout douze facultés, la plupart d’entre elles sont situées sur le campus principal. Certains étudiants, qui ont accepté de parler sous couvert d’anonymat, ont avoué que les étudiants des facultés d’ingénieurs et de droit de la charia étaient ceux qui avaient le plus d’influence, parfois au point d’intimider des professeurs ayant un point de vue plus libéral.

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Mohammed Sabar, le président de l’université, est constamment accompagné de deux policiers. Pour lui, « tout est normal » et « tout le monde s’aime ». Malgré tout, il admet que son prédécesseur avait échappé de justesse à une tentative d’assassinat trois ans auparavant.

« Il y a bien quelques problèmes, tant pour nous que pour les étudiants, avoue-t-il. Mais ils ne sont pas aussi importants que ce que certains voudraient laisser croire. »

Mohammed Sabar ajoute que les manifestations seraient tolérées tant qu’elles resteraient non-violentes et n’entraveraient pas la circulation sur l’autoroute pour une période trop longue.

« Les Américains échoueront comme les Russes ! »

L’agitation politique qui règne dans les universités est une question particulièrement sensible pour le gouvernement afghan.

Beaucoup des principales figures des conflits qui ont marqué ce pays depuis plus de trente ans étaient étudiants et activistes à Kaboul pendant les années 1960-1970, lorsque l’islam était concurrencé par le communisme.

Aujourd’hui, les fondamentalistes de Nangarhar portent un regard de dédain similaire sur l’Occident et la démocratie. Ils sont déterminés à continuer de s’opposer aux États-Unis jusqu’à ce qu’ils connaissent le même sort que l’Union soviétique.

« Nous avons décidé de toujours rester du côté de la vérité, assure Massoud Ahmadzai, un autre étudiant en droit de la charia. Et nous n’aurons jamais peur de ces tueurs qui boivent le sang de notre peuple et mangent sa chair chaque nuit. »

« Nous arrêter reviendrait à arrêter une nation, poursuit-il. Et je ne pense que cela soit possible d’empêcher une nation de pratiquer sa religion. Lorsqu’ils seront confrontés à nous, ils échoueront, tout comme les Russes ont échoué ! »

GlobalPost / Adaptation : Antonin Marot pour JOL Press

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