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Syrie: l’utilisation d’armes chimiques, un «suicide politique»

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Alors que la communauté internationale multiplie depuis lundi 3 décembre les menaces à l’encontre du régime de Bachar al-Assad contre l’utilisation d’armes chimiques sur la population syrienne, les doutes persistent quant à la validité même de cette option.

Menaces de la communauté internationale

L’administration américaine a récemment exprimé ses soupçons quant à l’assemblage de précurseurs chimiques nécessaires à la militarisation d’armes chimiques par la Syrie. Les indices révélés par les États-Unis indiqueraient que ces armes contiendraient du gaz sarin.

« Le recours à des armes chimiques est et serait totalement inacceptable. Si vous commettez l’erreur tragique d’utiliser ces armes, il y aura des conséquences et vous en répondrez », a affirmé Barack Obama au cours d’une allocution à Washington, lundi 3 décembre.

Depuis, les menaces envers le régime de Damas se succèdent. Pourtant, au travers de ce front diplomatique, certaines voix s’élèvent pour affirmer que Bachar al-Assad ne franchira jamais ce pas, cette « ligne rouge » comme l’a appelée Washington, qui condamnerait définitivement le régime syrien.

Un des arsenaux les plus puissants du Moyen-Orient

Bien que peu de chiffres soient disponibles concernant l’arsenal chimique syrien, celui-ci est considéré comme un des plus importants du Moyen-Orient. Le régime de Damas n’a jamais signé la Convention sur l’interdiction des armes chimiques.

L’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), en charge de contrôler l’application de cette charte, n’a donc pas de contrôle sur la politique syrienne en matière de fabrication de ces armes.

En dehors du mélange des agents chimiques du gaz sarin, la Syrie possèderait du gaz moutarde. Ce dernier, comme le gaz sarin, fait partie de la famille des organophosphorés, une nature de gaz particulièrement efficace et toxique.

La Syrie peut-elle franchir la « ligne rouge » ?

Malgré cette menace existante, la Syrie franchira-t-elle vraiment la « ligne rouge » de l’utilisation des armes chimiques ? C’est peu probable, selon de nombreux experts interrogés par les médias depuis le début de la semaine.

François Géré, spécialiste en géostratégie et fondateur de l’Institut français d’analyse stratégique (IFAS), a été interrogé par Atlantico. Selon lui, « l’usage de telles armes par Bachar el-Assad équivaudrait à un suicide politique. Il deviendrait un criminel de guerre. Par ailleurs, il verrait immédiatement tous ses soutiens (Russie, Chine et Iran – les Iraniens ont une aversion particulière à l’égard des armes chimiques dont l’Irak a fait usage à leur encontre dans la guerre de 1980-1988) se détourner de lui et le condamner. »

La Syrie dément vouloir utiliser ces armes

Le porte-parole des Affaires étrangères syriennes, Jihad Makdessi, avait lui-même affirmé en juillet dernier que le régime n’utiliserait jamais les armes chimiques qu’il a en sa possession contre le peuple syrien.

« Jamais, jamais, (ces armes ne seront) utilisées contre nos citoyens », avait-il déclaré.

À l’époque, la communauté internationale avait une première fois brandit la menace des armes chimiques en Syrie. Aujourd’hui, le régime de Damas affirme de nouveau qu’il ne compte pas utiliser ces armes.

« La Syrie réaffirme qu’elle ne fera pas usage de ce genre d’armes si elle en possède, contre son peuple, quelles que soient les circonstances, car elle est en train de défendre son peuple », a ainsi déclaré un membre du ministère des Affaires étrangères syriennes dont les propos ont été repris par l’agence officielle Sana.

Une « grave erreur stratégique »

Néanmoins, certains experts estiment aujourd’hui que la Syrie pourrait être amenée à franchir cette « ligne rouge ».

Pour Bertrand Badie, politologue spécialiste des relations internationales et professeur à Sciences Po, interrogé par l’Express : « Le régime de Bachar al-Assad, se montrant incapable, malgré sa supériorité militaire, de reprendre le dessus face à la rébellion qui marque des points, pourrait être tenté par une sorte de fuite en avant. L’armée syrienne pourrait alors faire un usage tactique limité de ces armes contre des zones aux mains des rebelles. »

Pour François Géré, l’utilisation de ces armes serait une grave erreur stratégique de la part du régime. Une erreur qui pourrait conduire à une intervention étrangère.

« Si Bachar al-Assad commettait l’erreur politique fatale pour lui d’user d’armes chimiques (il ne gagnerait rien d’important sur le terrain) alors toutes les options deviendraient possibles pour se débarrasser de lui. »

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