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Syrie: le patrimoine culturel, l’autre victime de la guerre

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Jabel al Zawia, Syrie. Un petit groupe de rebelles se fraie un chemin à travers des blocs de calcaire. Des ruines attirent leur attention. Mais seulement un court instant. Ils ne peuvent en effet laisser la splendeur du cadre les détourner de leur périlleuse mission : faire exploser une bombe près d’un char du gouvernement.

Depuis le début du conflit en Syrie, en mars 2011, l’ONU estime que 60 000 personnes ont perdu la vie. Au-delà des pertes humaines, c’est l’héritage architectural et culturel de la Syrie qui est menacé par le conflit.

Palmyre, les ruines gréco-romaines d’Apamée, les souks d’Alep… 

Cinq des six sites du pays classés au patrimoine mondial de l’Unesco ont été endommagés par les affrontements. Parmi eux, le site de Palmyre, joyau du patrimoine syrien, les ruines gréco-romaines d’Apamée, le majestueux château Krak des Chevaliers mais aussi les souks de l’ancienne ville d’Alep et plusieurs quartiers du vieux Damas.

Les monuments syriens témoignent de l’histoire de cinq siècles de religion et de prouesses architecturales. Mais aujourd’hui, ces monuments,en partie détruits, raconte une histoire plus sombre. Selon les archéologues, la plupart des sites du patrimoine syrien ont été endommagés dans le conflit syrien. Les sites et les monuments du pays font l’objet de pillage et de sabotage.<!–jolstore–>

Une grande valeur historique

Selon l’archéologue espagnol Rodrigo Martin, porte-parole d’une équipe d’archéologues syriens et étrangers qui a formé le groupe « Patrimoine syrien en danger », la Syrie offre un témoignage précieux du développement de l‘Age du Fer. Les ruines syriennes montrent l’influence grecque, romaine et ottomane. « Dans chaque chapitre de l’histoire de l’humanité, une page a été écrite en Syrie », explique-t-il.

Dans le Jabel al-Zawia, quelque 600 installations baptisées « villes mortes » à cause du mystère qui entoure encore les raisons de leur abandon, vers le VIIIème siècle, ont été la cible de bombardements. D’autres sites ont également été pris pour cibles, comme la vieille ville d’Alep, inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco. Le souk, une mosquée et une citadelle – gigantesque forteresse médiévale – ont été bombardés. 

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100 actes de destruction et de fouilles clandestines depuis le début du conflit

Depuis le début du conflit syrien, la direction archéologique de Daraa a enregistré plus de 100 actes de destruction et de fouilles clandestines. Dans la ville de Maarat al-Numan – située sur la route d’Alep, au nord de la Syrie – le musée qui abritait autrefois la plus grande collection de mosaïques au Moyen-Orient, a été pillé et la plupart de ses pièces ont été volées. Selon Rodrigo Martin, à cause de la situation chaotique du pays « les fouilles clandestines, les pillages et la dégradation des sites et des monuments sont de plus en plus importants »

Interrogée en avril dernier, la directrice des musées en SyrieHiba al-Sakhel, expliquait quant à elle que les pillages s’étaient multipliés depuis trois ou quatre mois. « Nous avons reçu une vidéo qui montre des gens arrachant des mosaïques au marteau-piqueur à Apamée. Et à Palmyre, il y a de nombreuses fouilles clandestines », affirmait-elle.

Interpol à la recherche d’une statue volée

Des pièces du musée de Hama ont également été volées, notamment des armes antiques et une statue en or datant de l’ère araméenne. La statue est si précieuse qu’Interpol, la plus grande force de police internationale, participe à la recherche et l’a inscrite parmi les œuvres d’art les plus recherchées… Sur le site d’Apamée, c’est une statue romaine en marbre qui a été dérobée. Les pièces volées transiteraient par les pays voisins comme le Liban et la Turquie pour être ensuite vendues au marché noir

Trafic de biens culturels

À la frontière turque, les objets arrivent peu à peu. Un contrebandier qui demande à garder l’anonymat explique comment fonctionne ce trafic de biens culturels. Il est payé pour transporter des objets volés jusqu’à la frontière. Une fois arrivé dans la ville, une autre personne se charge des biens. Il est uniquement payé pour le transport de la marchandise. Lorsqu’on lui demande l’origine de ces pièces, il répond que ce n’est pas l’Armée syrienne libre, le principal groupe d’opposition armé en Syrie, mais privilégie la piste des petits gangs. C’est également l’avis de Rodrigo Martin, qui pense que le pillage et la contrebande sont davantage l’affaire de petits groupes armés, plutôt que d’un vaste réseau affilié au gouvernement ou à l’opposition.

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La responsabilité du régime syrien

« Dans les deux camps, des intellectuels sont conscients de l’importance de ces sites. Je suis sûr que les membres du ministère de la Culture font leur possible pour les protéger », explique Rodrigo Martin. « Le problème, c’est qu’ils dépendent d’un régime qui bombarde et détruit son propre patrimoine ». Des crimes sont commis des deux côtés, selon lui, mais la responsabilité de ces pillages et de ces destructions revient avant tout au gouvernement syrien.

« Le régime a signé un accord international pour la préservation de ce patrimoine historique, mais il envoie l’armée bombarder la population et piller ces sites », lance-t-il.

Adaptation Global post/ Louise Michel D. pour JOL Press

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