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Syrie: des enseignants se mobilisent pour maintenir une école ouverte

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La mobilisation de la population

Province d’Idleb, Syrie. Fatima Harmadi n’a pas l’air différente des autres enfants. Cette petite fille de 8 ans s’amuse avec ses amis alors qu’ils entament le chemin pour l’école, heureux d’être de retour après deux semaines d’absence.

« J’aime mon école », dit-elle, en sautant à travers les rues de son village. « Mais quand les avions arrivent, ça fait peur et nous devons tous rester à la maison ». Fatima vit à Idleb, une ville contrôlée par les forces gouvernementales. Les bombes ravagent son village depuis quinze jours, l’obligeant à rester à la maison.

Mais contrairement au reste des écoles de la région, l’établissement de Fatima est l’un des rares encore en activité et ouvert à tous.

Depuis le début de la révolution syrienne, en mars 2011, le conflit syrien s’est transformé en une guerre civile. Dans de nombreuses zones tombées sous le contrôle des rebelles, les habitants luttent pour rétablir les services les plus élémentaires

De nombreuses écoles ont été endommagées par les bombardements et les raids aériens. D’autres ont fermé par manque de sécurité ou par pénurie d’enseignants. La plupart des bâtiments scolaires encore debout ont été transformés en bases militaires rebelles, des hôpitaux ou des logements pour les familles déplacées fuyant les combats dans d’autres régions.

Pour garder l’école de Fatima ouverte, c’est une lutte constante. Les enseignants doivent à continuer à travailler, explique le directeur de l’école. « Beaucoup de familles veulent rester », explique-t-il sous couvert de l’anonymat par crainte des représailles du gouvernement au cas où il apprenait qu’il est toujours en activité.

« Nous allons fermer certaines classes pendant quelques jours afin d’accueillir des réfugiés jusqu’à ce que nous trouvions des familles locales chez qui ils pourront rester », explique-t-il. « Mais nous devons garder cette école ouverte. C’est important pour les enfants ».

L’opposition des habitants

Mais le conflit n’est pas le seul obstacle pour maintenir les écoles ouvertes. Les enseignants sont confrontés à l’opposition des habitants qui pensent que l’école diffuse la propagande du gouvernement. Selon eux, aucune école ne devrait fonctionner jusqu’à la mise en place d’un nouveau programme d’études. Pour les calmer, les enseignants ont dû arracher les pages mentionnant le gouvernement des manuels scolaires.

Des conditions précaires

Dans l’école, les salles de classe sont bondées. Les enfants se partageant un nombre limité de manuels scolaires et se bousculent pour regarder par-dessus les épaules les uns des autres. Avec l’arrivée régulière des réfugiés, de nouveaux élèves intègrent les classes chaque jour.

« Nous avons tellement de problèmes », explique une enseignante réfugiée du quartier de Jabal al-Zawiya, au nord, où de violents affrontements ont éclaté. « Il n’y a pas de téléphone, pas d’électricité, pas de carburant pour le chauffage », dit-elle. « Les classes sont très sombres et froides pour les enfants ». L’enseignante explique que les élèves ont beaucoup de mal à se concentrer : « ils sont dans un autre monde, surtout quand il y a bombardements ». Malgré ses conditions précaires, l’école permet de donner un certain cadre aux enfants, leur permettant de s’évader des horreurs de la guerre qui fait rage autour d’eux.

Les combats progressent

Cependant, les combats progressent dans d’autres régions, et de plus en plus d’écoles sont contraintes de fermer. Dans la ville de Jish al-Shugur, située près de la frontière turque, les conflits de ces derniers mois ont contraint de nombreuses familles à fuir vers les villages voisins. « Les études, c’était ma vie », confie Nejwa, 17 ans. « Maintenant, c’est le vide. Il n’y a rien d’autre pour nous les filles. Dans les villages, c’est le seul endroit où vous pouvez aller. Étudier, c’est la liberté ».

Plus loin, dans le village d’Atmeh, l’une des trois écoles qui a été fermée à la fin de l’année 2011 vient de rouvrir. L’établissement avait été transformé en une base rebelle, l’autre en hôpital et le troisième accueille des réfugiés depuis trois semaines.

Abou Abdo, un ancien professeur de français de 50 ans, se charge des travaux de l’école. L’aide de la communauté a été prépondérante selon lui.

« Les parents sont tellement excités, beaucoup se sont portés volontaires pour travailler à l’école sans salaire », explique-t-il. « Nous n’avons pas d’électricité ni d’eau, alors de nombreuses familles ont fait don de carburant pour faire fonctionner les pompes et pour que les travaux de l’école puissent se poursuivre ». L’école accepte non seulement les enfants des écoles fermées, mais aussi des centaines de réfugiés qui vivent dans le village.

« Nous n’abandonnerons pas la lutte »

De retour à l’école de Fatima, le directeur sonne la fin de la récréation. Sur le chemin du retour, la petite fille croise son père sur ​​une moto, armé d’un pistolet et un fusil AK-47. Il s’arrête brièvement pour lui donner une accolade avant de continuer sa route vers la base voisine de l’Armée syrienne libre.

« La situation pour eux est très difficile, la peur est constante », explique son professeur qui marche à côté de Fatima. « Ils ont besoin d’un cadre, d’une certaine routine. C’est difficile, mais nous n’abandonnerons pas la lutte pour que l’école reste ouverte »

Adaptation Global Post/ Louise Michel D pour JOL Press

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