Site icon La Revue Internationale

En Syrie, le jugement précède toujours la vérité

dossier-special-syrie-drapeau-bachar-al-assad-crise-attentat-chiite-sunnite-alaouite-religion-guerre-civile-onu.jpgdossier-special-syrie-drapeau-bachar-al-assad-crise-attentat-chiite-sunnite-alaouite-religion-guerre-civile-onu.jpg

[image:1,l]

Face à des preuves jugées irréfutables, la France envisage désormais de réagir en Syrie. Comment ? La question n’a pas encore été tranchée. Mais une autre question demeure : l’origine des échantillons prouvant l’utilisation d’armes chimiques en Syrie doit-elle vraiment être considérée comme « infaillible » ? Analyse de Barah Mikaïl.

Que pensez-vous de la fiabilité des preuves quant à l’utilisation d’armes chimiques en Syrie rapportées par les journalistes du Monde ?
 

Barah Mikaïl : Peu personnes ont relevé, l’éditorial du Monde du même jour (lundi 3 juin, ndlr) rappelant bien que le journal n’a aucune preuve du recours à des armes chimiques par le régime ou ses adversaires. Selon moi, Le Monde a surtout voulu provoquer un coup d’éclat afin de faire parler de lui.

Ce qui pose évidemment quelques questions d’ordre déontologique. On ne voit en effet pas pourquoi Le Monde consacrerait sa Une et une longue enquête – basée sur des témoignages récoltés sur le terrain – à une question grave et déterminante qu’il estime pourtant non avérée.  

Que pensez-vous alors de la déclaration de Laurent Fabius ? Peut-on être sûr de l’origine de ces preuves ?
 

Barah MikaïlNous sommes à mon sens dans un domaine d’ordre juridique, que seules les instances internationales spécialisées pourront trancher.

Si l’on comprend bien, les échantillons ont été apportés par les journalistes du Monde. Je n’ai aucune raison de douter de leur bonne foi. Celà étant dit, dans quelle mesure l’origine de ces échantillons est-elle garantie ? Le fait qu’ils n’aient subi aucune adjonction depuis leur origine jusqu’à leur arrivée aux laboratoires ? Quel début de preuve ces conditions garantissent-elles pour l’accusation ?

Ces questions sont d’ailleurs désormais posées par l’ONU elle-même. Le régime syrien est évidemment capable d’une telle utilisation, mais n’oublions pas pour autant que c’est la présomption de culpabilité de ce régime qui a précédé depuis longtemps le jugement français sur des faits avérés.

Je crois que Monsieur Fabius devrait être prudent, l’exemple de Colin Powell et de ses accusations similaires vis-à-vis du régime irakien, qui reste dans les mémoires, devrait l’encourager à plus de prudence. Et ce d’autant plus que nous pouvons nous demander si le timing de sa déclaration ne serait pas lié en bonne partie à la défaite stratégique subie par les rebelles syriens dans la ville de Qusayr. Par cette déclaration, Laurent Fabius pourrait tenter de maintenir la pression sur un régime qui reprend la main sur le terrain.

La France pourrait-elle vraiment mettre ses menaces à exécution et lancer une opération militaire ?
 

Barah MikaïlJe ne suis pas convaincu que la France veuille réèllement une intervention militaire franche. Si cela venait à être le cas, je ne la vois pas s’y engager sans une contribution des Etats-Unis et/ou de l’OTAN. Ce serait trop risqué.

Je pense que toutes les gesticulations françaises en la matière sont plutôt à mettre au compte du désarroi provoqué par l’inconsistance de l’opposition syrienne extérieure, soutenue par la France. Cette faiblesse alimente le renforcement du régime syrien et place ainsi la diplomatie française devant ses contradictions. Elle sollicite dès lors une fuite en avant – principalement verbale. Gardons en tête que la France semble bien plus engagée en faveur des rebelles armés sur le terrain qu’elle ne le reconnaît officiellement.

Quitter la version mobile