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Les Égyptiens de France espèrent un nouvel élan révolutionnaire

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Bichoï Bastha a 23 ans. Ses parents sont égyptiens et ont émigré en France dans les années 80. Régulièrement de retour sur sa terre d’origine, cet Egyptien constate aujourd’hui avec tristesse les lendemains de la révolution qui a, selon ses termes, « fait tomber l’Egypte d’une dictature à l’autre ».

Ce dimanche 30 juin pourrait être historique en Egypte. Depuis plusieurs semaines déjà, les Egyptiens sont appelés par les divers mouvements d’opposition à descendre une nouvelle fois dans la rue, en masse, pour manifester contre le président Mohamed Morsi et la confrérie des Frères musulmans, accusée des divers maux économiques du pays mais également de ne travailler que pour son propre privilège.

Depuis plusieurs semaines, un collectif portant le nom de Tamarrod fait circuler une pétition dans toutes les villes du pays. Cette dernière demande purement et simplement la démission du président et, déjà, les signatures récoltées dépassent le nombre de voix qu’avait réuni le président Morsi lors du premier tour de la présidentielle.

Aujourd’hui, las de voir son pays souffrir, Bichoï Bastha aimerait voir la révolution prendre un nouvel élan. Peut-être cet élan viendra-t-il le 30 juin ? 

Un an après l’arrivée de Mohamed Morsi au pouvoir, quel bilan tirez-vous de la présidence des Frères musulmans en Egypte ?
 

Bichoï Bastha : Je résumerais cette année en un seul mot : le chaos. C’est durant ces douze derniers mois que l’Egypte a recensé son plus grand nombre de manifestations, à savoir environ 10 000. La révolution a fait tomber une dictature pour placer l’Egypte dans les mains d’une autre dictature encore plus dangereuse.

Dangereuse car elle se dit religieuse, et prend Dieu comme garant de toutes les lois qu’elle tente d’imposer. Les Frères musulmans sont très efficaces dans leur stratégie de conquête du pouvoir. Ils ont fait passer tous leurs intérêts avant ceux de la patrie, cachés derrière une vitrine « propre » et en recevant les diverses aides des Etats Unis et de l’Europe. Cette aide financière, ils l’utilisent bien entendu pour servir leur propre confrérie et non pas pour allouer ces fonds à leurs objectifs initiaux.

Vous estimez donc, comme de nombreux manifestants égyptiens, que les Frères musulmans ne gouvernent que pour leur propre intérêt ? Comment cela se manifeste-t-il ?
 

Bichoï Bastha : Bien sûr ! Il suffit de regarder les derniers remaniements ministériels. Il est injustifiable de constater qu’au sein du gouvernement, de plus en plus de ministres sont issus de la confrérie.

Pour chaque remaniement, l’histoire s’est répétée. De nouvelles têtes, inconnues du grand public et n’ayant aucune expérience de la vie politique, ont pris place aux ministères des Finances, de l’Education, ou encore de la Culture. La confrérie s’est alloué tous les portefeuilles ministériels les plus importants à coup de remaniements politiques. En l’espace d’un an, ils sont parvenus à mettre leurs mains dans toutes les sphères de l’Etat.

C’était leur plan initial. La seconde étape de ce plan a consisté à assurer la gérance des principales villes d’Egypte jusqu’à nommer un ancien terroriste comme gouverneur de Louxor. Celui-là même qui avait été le cerveau des attentats de Louxor en 1997. Une insulte pour les habitants de la ville, et pour tous les touristes qui viennent visiter la ville.

Enfin, il suffit d’observer l’état général du pays. L’Egypte s’est appauvrie, il n’y a plus d’eau, plus d’essence, les habitants subissent des coupures d’électricité de deux heures en moyenne chaque jour, les rues ne sont absolument plus sûres. Si les Frères musulmans avaient gouverné pour l’Egypte, nous n’en serions jamais arrivés là. Mais ils pensent avoir ont réponse à tout et persistent à affirmer que ce sont les mains de l’ancien régime qui font tout pour les empêcher la reconstruction du pays.

Comme le demandent les membres du collectif Tamarrod, souhaiteriez-vous la démission du président Mohamed Morsi ?
 

Bichoï Bastha : Je souhaite que les dirigeants actuels de l’Egypte retournent où ils étaient, à savoir en prison. Ce sont des voyous qui ne connaissent ni l’islam ni le respect des autres, mais seulement le respect de leur confrérie. Il est impossible, pour une confrérie qui a été opprimée pendant plus de trente ans, de gouverner dans la paix.

Ils n’ont qu’une chose en tête : se venger sur ceux qui contesteront leur présence. Safwat Hegazi, un des leaders de la confrérie a affirmé lors d’une interview télévisée : « Celui qui jettera de l’eau sur le président Morsi, nous répondrons par le sang ». Un parti politique qui s’exprime ainsi ne peut pas être appelé démocratique. Ces personnes sont dangereuses et feront tout pour arriver à leurs fins. Et puisqu’ils n’ont aucune limite, ils iront encore plus loin qu’Hosni Moubarak durant les jours qui ont précédé sa chute. Je pense qu’il y aura plus de sang car la confrérie est bien organisée et armée. 

Pensez-vous que la manifestation du 30 juin pourrait relancer la révolution égyptienne ?
 

Bichoï Bastha : Il est difficile de se prononcer sur ce sujet mais je l’espère. Ce que j’ai vu et ce que mes proches et amis me disent, c’est qu’ils n’hésiteront pas à descendre dans la rue pour aller manifester le 30 juin. Ils n’ont plus rien à perdre. L’un de mes amis commentaient la phrase de Safwat Hegazi en me disant : « On ne trouve même pas d’eau pour vous en jeter dessus, et je pense que vous, vous n’avez même pas de sang pour nous répondre » (En Egypte, dire de quelqu’un qu’il n’a pas de sang signifie qu’il n’a pas de pitié, de cœur).

Nombre de ceux qui ne sont pas descendus durant les premiers jours de la révolution de 2011 descendront cette fois-ci. Je suis moi-même surpris d’entendre mes oncles et des personnes assez âgées de ma famille me dire qu’ils iront cette fois manifester.

Cette réaction est tout à fait compréhensible car il n’est plus supportable aujourd’hui de vivre en Egypte. Certaines personnes qualifient le 30 juin comme « la révolution de la faim ». Les gens n’ont plus rien à perdre et ils descendront pour obtenir leur morceau de pain. J’espère que cette manifestation sera la révolution qui fera comprendre à la confrérie que le peuple égyptien a compris la supercherie et que nous ne voulons plus d’eux.

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