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Ola Abbas :«Après Bachar al-Assad, une nouvelle révolution en Syrie»

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En juillet 2012, Ola Abbas, présentatrice vedette des télévisions syriennes, quittait la Syrie pour rejoindre la France. Ce jour-là, elle fut une des premières grande « déserteuse » à se faire connaître.

Quelques mois plus tard, elle raconte son parcours, son combat, « sa Syrie » dans un livre, « Exilée » . Presqu’un an après sa fuite de la guerre, Ola Abbas revient sur l’actualité syrienne, les forces en présence et les solutions qui pourraient mettre un terme à plus de deux ans de conflit.

Cela fera un an au mois de juillet que vous avez fui la Syrie en guerre et durant cette année, de nombreux évènements sont venus ponctuer le conflit. Que constatez-vous aujourd’hui et depuis un an ? Comment, à vos yeux, la situation a-t-elle évolué ? On entend par exemple que Bachar al-Assad a repris du terrain depuis plusieurs semaines.
 

Ola AbbasJe ne pense pas que Bachar al-Assad ait vraiment repris la main. On peut dire néanmoins qu’il y a aujourd’hui un équilibre des faiblesses entre le régime et ses opposants.

Bachar al-Assad reste faible et c’est pour cela qu’il a demandé l’aide du Hezbollah libanais afin de renforcer ses troupes sur le terrain.

Les révolutionnaires et notamment l’Armée syrienne libre n’ont quant à elles pas l’armement nécessaire pour combattre les forces du régime. Il y a eu de nombreuses promesses de la communauté internationale mais aucune aide réelle n’a jamais été fournie aux rebelles.

Mais après deux ans d’affrontement entre un peuple qui n’a que de simples armes pour se battre face à un régime qui possède des armes très développées, des armes chimiques ainsi que l’aide de la Russie, de l’Iran et du Hezbollah, la révolution est toujours vivante.

Certes, la révolution n’a pas réussi à renverser le régime de Bachar al-Assad mais le régime, lui non plus, n’a toujours pas réussi à venir à bout du soulèvement populaire.

Et pour moi, aujourd’hui, c’est la révolution qui est victorieuse. Car tout le monde s’attendait à un écrasement de la révolution, mais malgré les bombes et les armes chimiques, elle est toujours-là.

Au côté des combattants syriens, se battent désormais des djihadistes qui ont un tout autre objectif que la seule chute de Bachar al-Assad. Comment observez-vous cette situation ?
 

Ola AbbasAujourd’hui, la Syrie a un problème, ses frontières sont ouvertes et elle accueille sur son territoire des étrangers qui veulent semer le désordre dans le pays.

On parle par exemple des djihadistes. Lorsque j’ai quitté la Syrie, il y a neuf mois, il n’y avait pas ce problème-là. Il n’y avait pas de djihadistes, car les musulmans de Syrie sont modernes et s’ils disent « Allahou akbar » ce n’est qu’un symbole, comme un chrétien qui ferait son signe de croix.

Durant ces neuf mois, et alors que des étrangers rentraient sur le territoire syrien, Bachar al-Assad libérait en masse des prisonniers, des criminels et les payait pour qu’ils se fassent passer pour des extrémistes. Il y a donc aujourd’hui en Syrie une forme de mélange entre les gens que Bachar al-Assad a fait sortir des prisons et ces extrémistes venus de l’extérieur du pays.

Nous n’avons pas beaucoup d’informations concernant ces groupes étrangers mais ils ne représenteraient que 10% de la rébellion syrienne.

On dit pourtant que les djihadistes du Front Al-Nosra représentent la deuxième force combattante sur le terrain, après l’Armée syrienne libre.
 

Ola AbbasEn fait, il n’y a pas un Front al-Nosra, il y en a trois. Il y a le réel Al-Nosra, composé de 5 000 membres, et ce ne sont pas des criminels. Ce sont des religieux et des traditionalistes mais ils ne sont pas à l’origine des massacres qu’on leur impute.

Puis il y a le Al-Nosra inventé par le régime. Ce Front Al-Nosra, qui a fait allégeance à Al-Qaïda, est dirigé par Ali Mamlouk, un homme de confiance du président Bachar al-Assad.

Enfin, le troisième Al-Nosra est composé de voleurs, de criminels et de profiteurs qui se revendiquent d’Al-Nosra, uniquement pour l’argent.

Le seul Al-Nosra réel, que je ne défends pas, ne commet pas de crimes, mais aide les combattants syriens en leur apportant des armes. Les combattants, qui sont des musulmans modérés, n’ont malheureusement pas trouvé d’autres soutiens et ont été obligés de se rapprocher d’Al-Nosra.

Mais je le répète, Al-Nosra n’est pas à l’origine des massacres qu’on lui impute. Et si vous regardez bien l’enchaînement des évènements, ces crimes sont systématiquement perpétrés à la veille d’une grande réunion internationale supposée permettre de débloquer une aide en faveur de l’opposition syrienne. Il n’y a rien de logique dans la stratégie des opposants et j’y vois alors la marque du régime pour décrédibiliser les rebelles.

Aujourd’hui, à l’heure où la communauté internationale prépare justement une réunion qui devrait établir un plan de sortie de crise en Syrie, comment souhaiteriez-vous voir agir la communauté internationale ? Souhaitez-vous une intervention militaire étrangère ? Une livraison d’armes pour les rebelles ?
 

Ola AbbasJe n’ai jamais souhaité une intervention internationale, en revanche, il faut livrer des armes aux rebelles en qui la communauté internationale peut avoir confiance.

Cette confiance, elle peut la placer dans la Coalition nationale des forces d’opposition syrienne, qui est l’organe officiel de l’opposition.

La communauté internationale doit vraiment utiliser les canaux officiels afin de fournir des armes à l’armée nationale, qui abrite tous les révolutionnaires. Par ce moyen, la communauté internationale pourra être sûre des mains qui emploieront ces armes.

Ces armes pourront alors servir à débarrasser la Syrie de Bachar al-Assad et des extrémistes qui sont présents depuis plusieurs mois. Je suis une femme laïque et je connais les Syriens. Les Syriens n’acceptent pas les extrémistes car ils sont des musulmans modernes et cette volonté de ne pas voir l’islamisation de la Syrie se lit tous les jours sur les réseaux sociaux.

Dans quelques semaines se tiendra la conférence Genève 2, dont l’objectif principal sera de trouver une porte de sortie pour la crise en  Syrie. Qu’attendez-vous de ce rendez-vous ?
 

Ola AbbasLe résultat de cette réunion dépendra de l’aide et du soutien qui sera décidé en faveur de l’opposition syrienne. Bachar al-Assad est soutenu par tout le monde. Il ne veut pas partir et l’opposition insiste pour son départ. Ce n’est pas seulement la demande de l’opposition, tout le peuple syrien veut ce départ.

Si Genève 2 respecte cette demande du peuple syrien, cela pourrait aider, sinon, cela servira à rien.

Il faut également aider les rebelles, bâtir une armée syrienne qui intègre tous les Syriens dont le seul but soit de sauver la Syrie.

Qu’en sera t-il de l’après-Bachar al-Assad ? Comment l’envisagez-vous ?
 

Ola AbbasUne nouvelle révolution commencerait. Il faudrait alors débarrasser la Syrie de ses étrangers. Il faudrait rebâtir tout ce que Bachar al-Assad a détruit. Tour reconstruire pour bâtir une nouvelle Syrie.

On recommencera en dessous de zéro, mais ce n’est pas grave.

Lorsque cette reconstruction est évoquée, le problème de la cohabitation des minorités apparaît souvent comme un problème à envisager. Qu’en pensez-vous ?
 

Ola Abbas : Les problèmes des minorités est un grand mensonge inventé par Bachar al-Assad et que l’Occident a naïvement cru. L’Armée syrienne libre peut facilement attaquer, si elle le souhaite, des villages chrétiens, mais elle ne le fait pas.

Même chose pour le Front Al-Nosra, il pourrait tout à fait attaquer des quartiers d’alaouites, mais non.

Il faut alors se poser les bonnes questions, s’ils ne le font pas, ils ne le feront pas plus tard.

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