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Quel futur pour les médias libres en Syrie?

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JOL Press : Quelle est l’évolution des médias libres en Syrie ?

Ola Aljari : Avant 2012, il n’y avait pas de « médias » à proprement parler en Syrie. Depuis le début de révolution, les gens ont commencé à penser qu’ils avaient le droit de dire leurs opinions, de s’exprimer. Les Syriens ont commencé à instaurer des projets de nouveaux médias. Des stations radios ont été lancées et des journaux ont vu le jour. Il y a aujourd’hui 80 publications à travers la Syrie, c’est beaucoup plus qu’auparavant.

JOL Press : Quel est le rôle de ces nouveaux médias ?
 

Ola Aljari : Informer les gens. Dans de nombreuses régions du pays, les gens n’ont plus d’électricité, et n’ont donc pas à accès à Internet. Les gens sont isolés et n’ont aucun moyen de savoir ce qu’il se passe à Damas ou à Homs. Ces nouveaux médias permettent d’informer la population sur ce qu’il se passe dans leur pays. 

JOL Press : Comment contournez-vous la censure ?
 

 Ola Aljari : Premièrement, nous imprimons les exemplaires du journal de manière la plus sécurisée possible. C’est dangereux, nous sommes donc obligés de cacher l’imprimante quelque part. Nous achetons de l’encre dans différents endroits, pour ne pas éveiller les soupçons. Par précaution, nous nous rendons à Damas, à Sweida… En ce qui concerne la distribution des journaux, nous les glissons sous la porte des habitants, pour qu’ils puissent le trouver à leur réveil. Parfois des choses amusantes se produisent. Des amis nous appellent pour nous montrer le journal, sans se douter que c’est nous qui l’avons glissé sous leur porte la veille…

JOL Press : A combien d’exemplaires le journal Dawdaa est-il diffusé ?
 

Ola Aljari : Nous essayons de diffuser le journal toutes les deux semaines, mais nous sommes confrontés à de nombreux obstacles. Nous faisons notre possible. Pour l’instant, nous imprimons 1000 exemplaires de chaque numéro : 800 exemplaires à Sweida, et le reste dans différentes villes, à Istanbul ou encore au Caire.

JOL Press : Avez-vous déjà été la cible du régime ?
 

Ola Aljari : Pas personnellement. Nous essayons de nous protéger au maximum. Je travaille sous un autre nom. Mais un des journalistes de Dawdaa, a été pourchassé par le régime.  Ils ont tambouriné à sa porte à quatre heures du matin. Il avait des dizaines de papiers et de journaux, et a commencé a jeté les papiers par la fenêtre, puis dans les toilettes. Il a également fermé en vitesse ses comptes Facebook et Twitter. Sa femme a été attaquée par les forces militaires. Il s’est enfui à  Beyrouth la semaine qui a suivi, car il était activement recherché. D’autres n’ont pas eu cette chance et ont été arrêtés.

JOL Press : Selon vous, quelle sera l’évolution des médias libres en Syrie ?
 

Ola Aljari : La prochaine étape sera l’impression quotidienne de certains journaux indépendants. Nous essayons de mettre en place au moins un journal libre syrien. Les autres médias essaient simplement de survivre. Les gens sont encore en phase d’apprentissage: nous essayons, nous échouons, et nous recommençons.

JOL Press : Qu’est-ce qui vous a poussée à quitter la Syrie ?
 

Ola Aljari: Nous n’avions plus d’autres choix pour lancer notre journal. Ce que je fais aujourd’hui à Istanbul, je ne pouvais pas le faire à Sweida. Il arrive que l’Internet soit interrompu pendant plusieurs jours voire plusieurs semaines en Syrie. Au moment où je vous parle, il n’y a plus Internet depuis cinq jours à Sweida. Dans ces conditions, c’est très difficile de travailler. J’ai quitté la Syrie il y a trois mois pour la Turquie, en passant par le Liban. Aujourd’hui je vis à Istanbul. Je ne peux pas revenir, malheureusement. 

JOL Press : Pensez-vous que la situation puisse s’améliorer en Syrie ?
 

Ola Aljari: C’est très compliqué. Je pense que cela va prendre beaucoup de temps pour la situation s’arrange. Beaucoup de forces s’affrontent aujourd’hui en Syrie. Maintenant le conflit concerne la Russie, l’Iran…

Nous n’avons plus d’Etat en Syrie, et nous faisons désormais notre possible pour en construire en un. Nous sommes optimistes et pleins d’espoir.

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