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En Syrie, l’Occident paye le prix de deux ans d’inaction

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Les Occidentaux se réunissent et semblent préparer une intervention en Syrie. Alors que les experts des Nations Unies sont toujours en Syrie pour enquêter sur l’attaque supposée à l’arme chimique, les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France placent leurs pions.

Depuis, des voix s’élèvent pour appeler à la raison, quand d’autres estiment que cette intervention arrive beaucoup trop tard. Guillaume Fourmont, rédacteur en chef de la revue Moyen Orient et enseignant à l’Institut d’études politiques de Grenoble répond à nos questions.

La communauté internationale se dirige-t-elle désormais vers une intervention militaire en Syrie ?

 

Guillaume Fourmont : C’est ce que semblent dire les Etats-Unis et la France. A présent, reste la question du type d’intervention qui pourrait être décidé. Il semble pour l’instant qu’il s’agisse d’une intervention ciblée, visant à limiter l’armement chimique du régime syrien.

Il ne s’agirait alors pas d’une mission pour éliminer le régime de Bachar al-Assad.

Qu’impliquerait une telle décision prise sans l’accord du Conseil de sécurité de l’ONU et sans les rapports des experts qui sont actuellement toujours en Syrie pour déterminer s’il y a bien eu usage d’armes chimiques ces derniers jours ?
 

Guillaume Fourmont : Ils vont sans doute attendre que les experts aient quitté la Syrie et éventuellement attendre leur rapport. En dépit des récents propos de Washington, la communauté internationale s’est toujours montrée très réticente et très frileuse sur la question syrienne depuis ces deux années de conflit.

Soudainement, il y a usage d’une arme chimique et l’Occident semble se réveiller. Pourtant, la prudence restera de mise car les Etats-Unis n’ont pas l’intention de s’embourber dans une guerre à l’image de l’Afghanistan ou de l’Irak.

Les Français sortent également d’une intervention au Mali et useront de la même prudence.

En cas d’intervention, comment pourraient réagir les partenaires de la Syrie ?
 

Guillaume Fourmont : La Russie ne laissera jamais passer un texte portant sur une intervention au Conseil de sécurité des Nations Unies.

Nous ne pouvons pas savoir comment pourraient agir les Russes mais ils ne s’engageront pas dans un conflit terrestre. D’ailleurs, si elle a lieu, cette intervention ne se déroulera certainement pas au sol, il s’agira sans doute de bombardements contre les installations chimiques syriennes.

Pour sa part, l’Iran pratique l’art de la rhétorique. Les Iraniens interviennent déjà en nombre en Syrie bien que nous n’ayons pas d’idée précise du nombre d’hommes armés iraniens ayant traversé la frontière syrienne. L’aide militaire qu’offre l’Iran à la Syrie est très importante car pour ce pays, l’enjeu diplomatique est de taille. La Syrie est, avec l’Irak, la seule fenêtre alliée au Moyen Orient et en face, l’Iran n’a que des ennemis historiques.

Bien sûr, des pays font exception comme Oman ou les Emirats arabes unis avec qui les Iraniens ont de bonnes relations commerciales, mais diplomatiquement l’Iran est totalement écarté par la communauté internationale.

Doit-on désormais s’attendre à une escalade de conflits au Moyen Orient ? Qu’en est-il du Liban ?
 

Guillaume Fourmont : Au Liban, les bouleversements sont perpétuels depuis 1975 et la guerre civile. Mais qu’il y ait intervention militaire ou pas, le Liban est un pays soumis à l’utilisation du conflit syrien pour réveiller des tensions internes. Le Liban fait également face à un défi de taille qui est le nombre de réfugiés syriens sur son territoire.

Aujourd’hui, les réfugiés syriens au Liban sont officiellement 500 000 selon les chiffres des Nations Unies. Pour un petit pays de cette taille, la gestion d’une telle population est un véritable défi. Selon les chiffres officieux, les réfugiés syriens au Liban seront bientôt un million et cela fera un habitant sur quatre, comme gérer cette population ?

Au Moyen Orient, il ne faut pas croire qu’une intervention déclencherait une troisième guerre mondiale. Le Moyen Orient est dans le chaos le plus total depuis longtemps et la Syrie n’est que la faiblesse de la communauté internationale.

De nombreux observateurs de la Syrie estiment que cette opération militaire, si elle devait avoir lieu, serait une véritable folie. Qu’en pensez-vous ?
 

Guillaume Fourmont : Je suis très partagé sur cette question. Bien entendu, il y a le droit de non-ingérence, mais il faut également savoir que les Etats-Unis et la France sont signataires de textes majeurs de droit international sur l’utilisation des gaz. Si le gazage des populations de la banlieue de Damas se confirme, c’est véritablement une horreur.

Et si il n’y a pas de mesures prises contre le régime syrien, nous montrerions alors à la communauté internationale que n’importe quel dictateur peut utiliser des armes chimiques lorsqu’il le souhaite. Malheureusement, en Syrie, la diplomatie a échoué et il faut désormais se poser une question : comment intervenir ?

L’Occident a laissé la situation se détériorer en Syrie. Si nous avions décidé de soutenir la rébellion dès 2011, nous n’aurions peut-être pas vu des mouvements armés venus des pays voisins revendiquer le djihad en Syrie.

Certes, le droit de non-ingérence existe et personne ne veut d’un nouvel Afghanistan ou d’un nouvel Irak, mais il faut néanmoins agir.

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