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Les Saoudiens sont au sommet et comptent bien le rester

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En Egypte comme en Syrie, les Saoudiens agissent, parfois dans l’ombre, parfois en pleine lumière. Lorsqu’en Egypte, les Saoudiens tentent tout pour empêcher les Frères musulmans de revenir au pouvoir, ils agissent pour qu’en Syrie, le régime de Bachar al-Assad tombe, mais pas dans nimporte quelles mains.

Quels sont les objectifs de ce royaume richissime qui règnait en maître sur la péninsule arabique jusqu’à l’apparition du dangereux Qatar ? Guillaume Froumont, rédacteur en chef de la revue Moyen Orient et enseignant à l’Institut d’études politiques de Grenoble répond à nos questions.

En Egypte, quand les Etats-Unis faiblissent et hésitent à donner suite à leur collaboration financière avec l’armée égyptienne, l’Arabie Saoudite propose de prendre le relai et de devenir la marraine du nouveau régime. Est-ce un coup de force pour concurrencer les Etats-Unis dans la région ?
 

Guillaume FourmontIl faut savoir que depuis la chute de Ben Ali en Tunisie, en 2011, le royaume saoudien est pétrifié par la succession de crises au Moyen Orient. C’est avec une très grande discrétion que l’Arabie Saoudite a toujours commenté les différentes transitions politiques car elle a très peur de l’islam au pouvoir, lorsqu’il est orienté par les Frères musulmans.

En fait, l’Arabie Saoudite n’a jamais apprécié les Frères musulmans, contrairement à son voisin qatari car cette confrérie islamiste est d’abord un mode de pensée politique, or en Arabie Saoudite, l’islam ne doit pas faire de politique.

Le pouvoir saoudien s’est donc toujours méfié des groupes de pressions politiques dont font partie les Frères musulmans.

Aujourd’hui, c’est un peu comme une vengeance diplomatique pour les Saoudiens car ils remettent des pions en Egypte alors que la crise tourne à l’implosion.

Cependant, il ne faut pour autant pas voir de relation de concurrence entre les Etats-Unis et l’Arabie Saoudite. Le royaume est un des piliers de la diplomatie américaine au Moyen-Orient bien qu’il y ait un certain froid depuis les événements du 11 septembre. L’Arabie Saoudite reste un territoire très important pour les Américains et leur alliance est fondamentale.

Comme en Egypte, l’Arabie Saoudite prend ses marques en Syrie où elle chapeaute désormais l’opposition à la place du Qatar. Est-ce une manière, pour les Saoudiens, de prendre l’avantage sur leur ennemi qatari ?
 

Guillaume FourmontEncore une fois, l’Arabie Saoudite place ses pions au Moyen Orient et en profite pour établir une petite vengeance diplomatique contre le Qatar. Bien que ce dernier soit très intelligent et ne tarde sans doute pas à retomber sur ses pieds.

Lorsqu’il s’agit de la Syrie, il faut prendre beaucoup de précautions sur les divers financements des organisations rebelles. Je pense notamment au financement par le Golfe des groupes djihadistes Jahbat al-Nusra et Ahrar ash-Sham. Il est très difficile de connaître les flux financiers et militaires en Syrie.

L’Arabie Saoudite suit de très près ce qui se passe en Syrie. Et elle a retenu la leçon de l’Irak. Les Saoudiens étaient les premiers à vouloir la chute de Saddam Hussein mais ils se retrouvent aujourd’hui avec un nouveau chaos et une nouvelle dictature.

Bien entendu, l’Arabie Saoudite n’aime pas Bachar al-Assad et ne verrait rien contre sa chute mais pas s’il faut ensuite endurer un régime pire que l’actuel.

Quelles sont aujourd’hui les armes de l’Arabie Saoudite ? Comme le gaz pour le Qatar, le pétrole fait-il toute la richesse du royaume ?
 

Guillaume Fourmont : Le Qatar est très intelligent et a une vision politique qui va beaucoup plus loin que ses simples ressources gazières. Ils investissent pour travailler leur image de marque dans le monde, notamment avec Al-Jazeera ou avec l’achat du Paris-Saint-Germain, mais aussi pour créer de la croissance, par l’organisation de la Coupe du monde de football par exemple. Ces événements favorisent le prestige de l’émirat et alimentent le secteur économique des services qui est en plein boum.

Le Qatar ne veut pas se reposer sur ses lauriers et, en outre, cette activité économique permet de compenser les gros problèmes de sécurité alimentaire et agricole que subit le pays.

Jusqu’à ces dernières années, l’Arabie Saoudite ne faisait pas encore partie de l’Organisation mondiale du commerce. Pour l’Occident, le royaume n’était important que pour le pétrole – qui représente 25% des réserves de pétrole au monde – et l’armement. Chaque année, le rapport de l’Institut international sur la paix de Stockholm  en témoigne, l’Arabie Saoudite est un excellent client des Etats-Unis et de l’Europe en termes d’armement.

Les Saoudiens se veulent aussi les gardiens de l’islam, – le roi est le commandeur des croyants – une image qu’ils cultivent auprès de tout le monde musulman.

L’Arabie Saoudite s’accroche également à un atout de taille : son régime dur et stable qu’ils veulent faire jouer auprès des Occidentaux.

Quelles sont désormais les ambitions de l’Arabie Saoudite ? Tenir son rôle au niveau régional ou s’engager plus loin, au niveau mondial ?
 

Guillaume Fourmont : Auparavant, il y avait trois grandes capitales au Moyen Orient : Le Caire, Damas et Ryad. Aujourd’hui, Le Caire est en crise, Damas est sous les bombes et Doha est apparu sur la carte du monde.

Ryad reste aujourd’hui sur ses acquis. C’est un régime fort, une puissance pétrolière forte qui gère chaque année plusieurs millions de pèlerins, qui a étouffé une révolte interne alors que les pays voisins s’enfonçaient dans les pays arabes.

L’Arabie Saoudite se croit en haut du podium et veut vraiment garder sa place, particulièrement auprès des autres pays du Golfe.

Aujourd’hui, le royaume exerce une diplomatie discrète mais aux intérêts régionaux importants. En effet, l’Arabie Saoudite a toujours considéré qu’elle était forte et compte bien le rester, mais pourtant, ce pays est à bout de souffle.

Les Saoudiens veulent beaucoup montrer au monde mais ont beaucoup de problèmes de santé intérieure. Le roi est très vieux – n’oublions pas qu’il est né en 1923 -, deux princes héritiers sont décédés en deux ans. Le défi économique est grand. Si le chômage est officiellement à 10%, il frôle plutôt les 25%. Il y a eu quelques nominations de jeunes à de hautes responsabilité, mais cela sera-t-il suffisant ?

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