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Syrie: les tabloïds british sonnent le glas de la «relation spéciale» entre Londres et Washington

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A première vue, politiquement, le coup est dur. Sur les treize voix qui lui ont manqué, cinq sont celles de membres éminents de son cabinet, absents du vote à Westminster par désorganisation ou par conviction – ou les deux.

Plus grave encore, David Cameron a montré, une fois de plus, qu’il peinait à comprendre le « mood », l’état d’esprit d’une partie de ses troupes parlementaires et, plus encore, du pays. Une difficulté qu’un remaniement ministériel ne parviendra pas à surmonter.

Le fantôme de l’Irak

Le vote des Communes – et la victoire de la « coalition anti-guerre » dominée par les Travaillistes – rappelle, une fois de plus, combien la vie politique britannique reste hantée par l’épisode de la guerre d’Irak, il y a désormais plus de dix ans.

Les Britanniques – et leurs responsables politiques en premier lieu – entretiennent un traumatisme fondé sur un sentiment profond, celui d’avoir été « embringué » – contre leur volonté et sur la base de fausses preuves – dans le conflit irakien par le Premier ministre Tony Blair. Et depuis des mois, Bachar al-Assad rime avec Saddam Hussein.

Le Labour et son leader, Ed Miliband, se sont, dès le début, efforcés de se démarquer du Labour de 2003 et de Tony Blair. Comme pour expier leurs crimes – et tenter de séduire l’électorat anti-guerre le plus à gauche et (même s’il est politiquement incorrect de l’écrire) les nombreuses communautés musulmanes, désormais majoritaires dans un certain nombre de circonscriptions cruciales du nord de l’Angleterre et de la banlieue londonienne. Pour Ed Miliband, David Cameron devait être présenté comme un « va-t-en-guerre », soumis aux diktats américains, l’héritier fidèle du Blairisme – au moins en politique étrangère.

Si la défaite à la Chambre pose un problème politique à David Cameron, elle lui aura valu samedi 31 août, un hommage inattendu – et inédit – de la part d’un éditorialiste du très à gauche The Independent, Geoffrey Wheatcroft, qui le qualifie de « meilleur homme » – et donc sans doute « meilleur Premier ministre » – que Tony Blair. Piètre réconfort pour le conservateur qui ne saurait imaginer traduire en votes un tel coup de chapeau…

Crise d’identité

Le problème n’est pas de savoir ici si les députés britanniques ont eu raison – ou pas – de refuser un blanc-seing à David Cameron. Ce que réveille aussi ce vote aux Communes – et ce qui constitue, sans doute, le principal problème politique pour le Premier ministre -, c’est la crise latente d’identité que traverse le Royaume-Uni, comme tant d’autres pays en Europe en particulier.

[image:2,m]La presse populaire se déchaîne. En cause, le devenir de la « special relationship », la relation spéciale, si particulière, entre le Royaume-Uni et les Etats-Unis et la perte éventuelle pour Londres de son titre de « meilleur allié de Washington ».  

Le très droitier Daily Mail d’abord… En Une, le rappel du sentiment qui prévaudrait depuis ces derniers jours à la Maison-Blanche, en substance, « nous (les Américains) savons que nous ne pouvons plus compter sur la Grande-Bretagne ».

Mais, plus encore que les dommages causés à la « special relationship », c’est le retour en cour de la France qui fait le plus mal, frappant directement au cœur les faiseurs d’opinion britanniques. « Les US snobe la Grande-Bretagne – et prend ses aises avec la France », titre le Mail. Quant à la rédaction du Sun, elle fait encore plus fort, en Une, entre deux bimbos en petites tenues et une publicité pour une quelconque loterie, un « Death Notice », un avis de décès, celui de la dite « special relationship », et une invitation à des funérailles devant se tenir… devant l’Ambassade de France à Londres sur Knightsbridge.

[image:3,m]Que les frappes commencent, que François Hollande suive Barack Obama et on imagine déjà les Unes des jours à venir et leurs « jolies » métaphores filées sur le retour de Napoléon et de l’expansionnisme français.

Plus sérieusement. Crise syrienne, débat sur le maintien ou non dans l’Union européenne, perspective d’un référendum sur l’indépendance de l’Ecosse, communautarisme latent, populisme croissant, le Royaume-Uni pourrait bien être, plus qu’il ne peut y paraître, le « nid à problèmes » de l’Europe et de l’Occident en général. 

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