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Comment va faire l’ONU pour détruire les armes chimiques syriennes?

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A peine émise, la proposition russe de placer le stock d’armes chimiques syriennes sous protection internationale semble avoir séduit tous les acteurs du conflit syrien. Les Etats-Unis et la France, fervents défenseurs d’une intervention armée, semblent désormais reculer pour envisager une solution diplomatique, la Syrie se dit pleine de bonne volonté pour livrer ses armes à la communauté internationale, tandis que les Nations Unies envisagent déjà le calendrier de ce processus de destruction.

Le stock d’armes le plus important du Moyen-Orient

Pourtant, une question demeure : comment et surtout en combien de temps la communauté internationale pourra-t-elle venir à bout de ce stock d’armes ? Bien que peu de chiffres soient disponibles concernant l’arsenal chimique syrien, celui-ci est considéré comme l’un des plus importants du Moyen-Orient. Le régime de Damas n’a jamais signé la Convention sur l’interdiction des armes chimiques (CIAC). L’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), en charge de contrôler l’application de cette charte, n’a donc aucune maîtrise de la politique syrienne en matière de fabrication de ces armes.

En dehors du mélange des agents chimiques du gaz sarin, la Syrie possèderait du gaz moutarde. Ce dernier, comme le gaz sarin, fait partie de la famille des composés organophosphorés, un type de gaz particulièrement efficace et toxique.

La proposition russe est-elle réalisable

Depuis que le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a émis cette proposition, de nombreux experts se sont exprimés sur la question et tous s’accordent à penser qu’il est beaucoup plus facile et rapide de faire une telle offre que de l’appliquer.

Interrogé par Le Figaro, Olivier Lepick, chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique, explique ainsi toute la subtilité de l’offre russe:

« Elle [la proposition russe] a l’apparence du bon sens et de la bienveillance. La personne qui ne connaît pas le dossier peut penser que ce processus de destruction va être immédiat et qu’il est facile à mettre en œuvre », déclare ce spécialiste. « Rien n’est moins vrai: il est certes techniquement possible de contrôler et de détruire des agents chimiques, mais il faut au minimum une bonne dizaine d’années pour conduire un tel programme. »

Une affaire de plusieurs années

Même son de cloche chez Jean-Pascal Zanders, spécialiste des armes chimiques, interrogé par LCI. « Ce sera difficile à mettre en œuvre », explique-t-il, tout en ajoutant que « ce n’est pas impossible si la communauté internationale a vraiment envie de s’y mettre. »

Selon cet expert, la communauté internationale devra avant tout « faire un inventaire très détaillé de ce que la Syrie possède », avant de « sécuriser [les armes chimiques] dans le plus petit nombre de dépôts de stockage ».

À charge ensuite de la communauté internationale de mettre en place les moyens nécessaires au contrôle de ces stocks d’armes, explique encore Jean-Pascal Zanders.

Viendra alors le temps de la destruction et, selon ce spécialiste, « c’est au monde entier de livrer des technologies qui permettront de détruire ces armes. Cela va demander beaucoup de temps et beaucoup de préparation […] un ou deux ans. »

Environ 1 000 tonnes d’agents chimiques selon John Kerry

Si les délais diffèrent d’un expert à l’autre, la masse de travail à accomplir apparaît à tous très importante et c’est ce processus de destruction qui est désormais au centre de toutes les préoccupations.

Mardi 10 septembre, le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, estimait que la Syrie disposait d’environ « 1 000 tonnes » d’agents chimiques de diverses natures, stockées sur le territoire que le régime contrôle encore (40 % de la totalité du territoire syrien).

Selon John Kerry, une partie de ces armes seraient stockées « sous forme binaire ». En d’autres termes : les agents chimiques doivent être mélangés au préalable pour être efficaces. Cependant, selon les sources du secrétaire d’Etat, le régime syrien possèderait également des munitions de gaz sarin déjà formé et utilisables en l’état.

« On sait que la Syrie dispose de plusieurs centaines de tonnes d’agents chimiques, et notamment de la dernière génération d’armes chimiques que sont les neurotoxiques », explique Olivier Lepick pour Le Figaro. « On sait également que ce pays a progressivement constitué un robuste arsenal de dissémination de ces agents chimiques », ajoute l’expert.

Détruire des tonnes d’armes chimiques en pleine guerre civile

Comment donc venir à bout de cet arsenal dont O. Lepick estime qu’il est « sans doute le plus important du monde » ?

« Une fois l’arsenal chimique recensé, il faut construire dans le pays des usines pour détruire ces agents qui ne peuvent être transportés sans faire courir de grands risques pour la sécurité et l’environnement des populations », explique-t-il. « Les agents chimiques sont traités selon leurs spécificités, par incinération ou destruction chimique », et, rappelle-t-il encore, « l’ensemble du processus nécessite une bonne dizaine d’années. »

Pour mener à bien cette mission délicate, l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques pourrait être mise à contribution, selon Olivier Lepick pour Le Figaro. Cet organisme « dispose d’un corps d’inspecteurs internationaux habilités à faire respecter les termes de la convention de 1993. Il faut leur permettre de se déployer sur le sol syrien ».

Reste la délicate question des conditions de travail de ce personnel international qui serait chargé de venir à bout de plusieurs centaines de tonnes d’armes chimiques alors que la guerre civile fait toujours rage autour d’eux.

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