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Les projets de Mahmoud Abbas pour la Palestine

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Six décennies de conflit, trois ans de gel des négociations. L’Autorité palestinienne et Israël se retrouvent depuis plusieurs semaines sous la houlette des Etats-Unis et du nouveau secrétaire d’Etat John Kerry qui semble avoir fait du conflit israélo-palestinien la priorité de ses quatre années à la Maison Blanche.

Priorité : la paix

Désormais, les neuf prochains mois devraient être consacrés à ces négociations qui ont été entamées il y a à peine quelques semaines. Des négociations envers et contre tout, et ce malgré la mauvaise volonté affichée par l’Etat hébreu qui, dans le courant du mois d’août, a donné son feu vert pour la construction de 942 logements à Jérusalem-Est annexée.

La fureur des Palestiniens s’en est bien entendue suivie mais qu’importe, ce plan de construction n’a pas semblé altérer la volonté de Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne.

« Il est engagé à venir participer à la négociation parce qu’il croit que la négociation est ce qui permettra de résoudre ce problème », avait déclaré John Kerry à son propos, lors d’une conférence de presse en août.

Colonisation, frontières d’un futur Etat palestinien, statut de Jérusalem, sort des réfugiés. Les questions demeurent nombreuses et pourtant, Mahmoud Abbas reste inflexible, il ne s’arrêtera pas aux premières embuches mais poursuivra ce processus, quitte à faire des concessions trop grandes, pourvu qu’il y ait la paix.

Profiter du contexte et empêcher la Palestine de trop parler

Un an après l’adhésion de la Palestine aux Nations Unies, en tant que simple membre observateur, la situation semble donc avoir bien évoluée, au moins en termes de dialogue. En effet, les trois acteurs de cette réconciliation semblent déployer toute leur énergie pour agir, ou du moins montrer leur bonne foi, en faveur d’une éventuelle paix.

Du côté américain en premier lieu, « John Kerry déploie une énergie considérable car il joue personnellement sa dernière carte pour entrer dans l’histoire », explique ainsi Dominique Moïsi, conseiller spécial à l’Institut français des relations internationales au quotidien libanais L’Orient Le Jour.

« De son côté, le gouvernement israélien prend conscience de son isolement croissant sur la scène internationale », ajoute-t-il encore.

Enfin, l’Autorité palestinienne. Forte de son nouveau statut, statut de façade mais néanmoins reconnaissance informelle, la Palestine pourrait se montrer gourmande et demander plus aux Nations Unies, à l’heure où s’ouvre l’Assemblée générale ordinaire de l’ONU à New York.

« Il s’agit pour les États-Unis, d’éviter que les Palestiniens ne réclament l’adhésion pleine et entière de l’État de Palestine aux Nations Unies », explique Khader Bichara, spécialiste du Moyen-Orient au Centre d’études et de recherche sur le monde arabe contemporain de l’UCL.

L’Autorité palestinienne cherche du crédit

L’Autorité palestinienne, elle aussi, joue un jeu de stratégie dans ce processus, un jeu dans lequel Mahmoud Abbas ne doit pas se tromper.

En effet, le président de l’Autorité palestinienne est en perte de crédibilité croissance auprès des Palestiniens. Sa patience et sa mesure en toutes circonstances ne sont pas du goût des plus virulents Palestiniens et c’est justement devant les Américains que l’Autorité palestinienne, meilleur interlocuteur à ce jour pour les Etats-Unis, pourrait reprendre l’offensive sur le peuple palestinien.

« L’Autorité palestinienne rentre dans les négociations essentiellement afin de donner de nouveaux gages aux États-Unis, alors que la déclaration d’indépendance de l’État palestinien en mars 2013 s’était vu opposer un veto américain. En se remettant à la table des négociations, Mahmoud Abbas souhaite s’assurer le soutien sécuritaire et économique des Américains. Et les promesses d’aide financière de John Kerry ont sans doute également joué un poids important dans la décision de rejoindre les négociations », explique Nicolas Dot Pouillard, chercheur à l’Institut français du Proche-Orient, au quotidien libanais.

Les dés sont-ils déjà jetés ?

Des négociations, mais pourquoi ? John Kerry l’a dit lui-même devant la commission des Affaires étrangères de la Chambre des représentants, en avril dernier, « la fenêtre pour la création de deux Etats se referme ».

« Je crois que la fenêtre pour la création de deux États se referme. Je crois que nous avons un peu de temps, un an et demi ou deux, et ensuite c’est terminé », a-t-il estimé.

Or si une chose est certaine, c’est que la paix ne sera pas revenue entre Israël et la Palestine durant ces prochains mois, et que deux Etats indépendants ne cohabiteront pas, malgré les rêves les plus fous du secrétaire d’Etat américain.

Les Israéliens refuseront toujours un retour aux frontières de 1967 réclamées par les Palestiniens. Jérusalem restera toujours une ville sainte et une capitale pour deux religions et deux peuples qui ne veulent pas cohabiter. Israël refusera toujours d’octroyer un quelconque statut aux quelques cinq millions de réfugiés Palestiniens qui ont fui ou ont été chassés d’Israël en 1948.

Alors que chercher vraiment Mahmoud Abbas ? Pourquoi cette patience et cette volonté pacifique si les dés sont déjà jetés ?

Politique du pire pour Mahmoud Abbas

Pour Nicolas Dot Pouillard, interrogé par L’Orient Le Jour, ces négociations ne seraient en fait qu’une simple manœuvre visant à maintenir la situation telle qu’elle est aujourd’hui, et ce pour le plus grand bien d’un Mahmoud Abbas désorienté dans son propre pays.

« Elles (les négociations) tendent plutôt, pour Israël, les États-Unis et l’Autorité palestinienne à gagner du temps pour sauver l’Autorité dans un contexte régional extrêmement volatil. L’instabilité régionale, avec la situation en Égypte et en Syrie, pousse les uns et les autres à préserver le calme sur le front cisjordanien », explique ce chercheur.

Il semblerait alors que Mahmoud Abbas, raisonnable, joue la politique du pire. Dans un monde parfait, la Palestine aurait un territoire indépendant et souverain. Mais au Proche Orient, les Palestiniens devront se contenter de ce que la communauté internationale voudra bien leur offrir.

« Maintes fois reportée depuis 1999, date à laquelle elle devait être proclamée, la création d’un véritable État n’est plus à l’ordre du jour autrement que dans les vœux pieux des résolutions internationales », explique Bernard Botiveau, chercheur au CNRS et spécialiste du monde arabe.

« Tout au plus, les Palestiniens peuvent-ils espérer un État à souveraineté diminuée, avec des bases israéliennes sur leur territoire, une présence militaire tout le long du Jourdain, et des colonies parsemées sur le territoire palestinien bénéficiant d’un statut particulier », ajoute-t-il encore.

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