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Une intervention en Syrie pourrait embraser le Liban

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Comme les événements se sont précipités au Liban, lorsque la crise syrienne a pris un dangereux tournant en s’approchant des frontières libanaises, il ne faudra pas beaucoup de temps pour que le Liban s’enflamme de nouveau, si une intervention étrangère venait à être décidée.

Pour Antoine Assaf, écrivan et philosophe franco-libanais, le risque est d’autant plus grand que les Etats-Unis pourraient tout à fait choisir de frapper durablement le Hezbollah, en ciblant les zones dirigées par le parti dans le sud du Liban. Une manière détournée de frapper la Syrie, tout en évitant les foudres de la Russie.

Depuis le début de la crise syrienne, le Liban a toujours été confronté à une très grande instabilité. Cette instabilité s’intensifie-t-elle depuis que les Occidentaux songent à une intervention armée ?
 

Antoine Assaf : Cette instabilité libanaise est née en 2005, lorsque l’armée syrienne s’est retirée du sol libanais. Depuis, deux courant durables se sont installés, les « anti-syriens » représentés par le sunnite Saad Hariri et le mouvement du 14 mars, puis les « pro-syriens », incarnés notamment par le Hezbollah ou encore le mouvement du 8 mars.

Avec le temps et les premiers événements en Syrie, le Liban s’est engagé dans une première phase d’un long processus. Les Libanais se sont divisés entre ceux qui voulaient soutenir le régime de Bachar al-Assad et ceux qui étaient favorables à la chute du régime. Cette division profonde de la société libanaise avait l’avantage de ne s’arrêter qu’aux mots, l’équilibre était bien préservé et les responsables des deux camps se satisfaisaient de cette division sans les armes.

Puis, en écho au conflit syrien, le Liban est entré dans une deuxième phase. Au nord, à mesure que la crise s’est rapprochée des frontières du Liban, les sunnites libanais se sont affrontés avec les alaouites et la violence est revenue dans la région de Tripoli.

Ces violences ont ensuite poussé le Hezbollah à agir tant en terre syrienne qu’en terre libanaise. Au Liban, son objectif a été de venir en aide et de protéger les Libanais tandis qu’il se fixait pour mission de venir en aide à l’armée syrienne pour arrêter la progression des islamistes venus de l’étranger.

Aujourd’hui, le Liban est dans la dernière phase de ce processus. Alors que se prépare une intervention internationale, les Libanais imaginent que si les Etats-Unis voulaient s’attaquer au régime syrien, ils pourraient tout à fait diriger leurs missiles vers les bases du Hezbollah situées au sud du Liban, à la frontière avec Israël. Le Liban servirait alors de première cible.

Les Libanais craignent donc cette éventuelle action occidentale ?
 

Antoine Assaf : Le président Michel Sleiman a maintes fois proposé une solution diplomatique au conflit mais sa politique consensuelle n’a pas eu d’impact sur le terrain.

Les Libanais ne veulent pas de cette guerre et jusqu’ici, les conséquences de la crise syrienne ne se sont réduites qu’à des affrontements entre sunnites et alaouites. Ces combats ne sont survenus que dans certaines villes frontalières où lors de quelques attentats mais à aucun moment les Libanais n’ont imaginé revivre le scénario de la guerre de 75. Ils connaissent la guerre et ne la désirent absolument pas. Les Libanais veulent simplement vivre chez eux et développer leur pays.

Si les pays arabes luttent aujourd’hui contre l’islamisme, le Liban lutte pour sa part contre la guerre.

Quelles pourraient être les conséquences, au Liban, d’un conflit armé en Syrie ?
 

Antoine Assaf : Si les Etats-Unis attaquaient le Hezbollah dans le sud du Liban, les alliés de la Syrie ne seraient pas aussi prompts à réagir que si la Syrie était attaquée. Le terrain libanais n’intéresse pas Vladimir Poutine et c’est pour cela que les Etats-Unis pourraient être tentés par une attaque du Hezbollah au Liban, d’autant que l’organisation armée d’Hassan Nasrallah a récemment été qualifiée de milice terroriste par les Américains et l’Union européenne.

Ailleurs au Liban, les anti-syriens et le mouvement du 14 mars seraient en attente de la victoire, car la victoire syrienne serait un peu la leur.

Le Hezbollah libanais a menacé d’intervenir si un conflit éclatait. Comment pourrait se manifester cette action ?
 

Antoine Assaf : Sa première action pourrait se dérouler en Galilée, au nord d’Israël qu’ils ont largement les moyens d’atteindre avec l’armement dont ils disposent. Leur objectif pourrait être alors de perturber les intérêts américains.

Le Hezbollah n’est aujourd’hui plus une milice simplement capable de mener à bien quelques attentats, c’est une réelle armée qui a prouvé sa puissance en 2007.

En Syrie ensuite, ils pourront agir afin d’empêcher les rebelles d’atteindre Damas, encore aujourd’hui le fief du régime de Bachar al-Assad.

Aujourd’hui, environ un millier de miliciens du Hezbollah sont déjà en Syrie, ils sont 12 000 en tout. La marge de manœuvre est grande.

Cependant, si le front du Liban s’embrase comme en 2006, Israël s’engouffrera dans cette guerre avec dix fois plus de moyens que lors de la dernière guerre, ce qui pourrait ébranler le Liban.

Quelles seraient les conséquences de la chute du régime de Bachar al-Assad sur le Liban ?
 

Antoine Assaf : Au Liban, le parti de Saad Hariri serait durablement renforcé et plus généralement tout le clan sunnite sortirait vainqueur. On peut alors tout à fait imaginer que ce dernier revienne au gouvernement.

En ce qui concerne le Hezbollah, il est difficile d’imaginer les conséquences de la chute du régime d’Assad. Mais on peut penser que la posture de l’organisation serait durablement affaiblie. Le Hezbollah pourrait ne devenir alors qu’un parti politique qui chercherait à étendre son action. Les derniers discours d’Hassan Nasrallah tendent d’ailleurs à confirmer les nouvelles ambitions politiques du Hezbollah.

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