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La Russie cherche un président pour la Syrie

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La situation semble se débloquer en Syrie. En un temps record, les experts mandatés par les Nations Unies sont arrivés sur le sol syrien et semblent désormais collaborer sereinement avec les Syriens pour la destruction de l’arsenal chimique qui suscite une immense polémique depuis l’attaque chimique survenue le 21 août dernier en banlieue de Damas.

Vers une négociation politique en Syrie

Depuis, Russes et Américains semblent même avoir renoué le dialogue et, alors qu’on ne l’attendait plus, la conférence de Genève 2 qui a été retardée quasiment chaque jour depuis le mois de juin, pourrait finalement se dérouler au mois de novembre.

C’est en tout cas ce qu’ont annoncé les ministres des Affaires étrangères russes et américains, qui se sont rencontrés à Bali en début de semaine.

« Nous nous sommes mis d’accord sur des mesures à prendre pour que le gouvernement et l’opposition participent à cette conférence », a ainsi déclaré Sergueï Lavrov, ministre russe des Affaires étrangères, à la suite d’une rencontre avec son homologue américain John Kerry à Bali.

Cette réunion aura-t-elle bien lieu ? Rien n’est encore moins sûr tant les deux parties restent retranchées sur leurs positions. Le régime Assad n’accepte de discuter qu’avec la branche modérée de l’opposition et à la condition expresse que celle-ci dépose les armes au préalable. L’opposition exige pour sa part que le président Bachar al-Assad quitte le pouvoir avant que des discussions avec le régime puissent être envisagées.

Et si Bachar al-Assad partait ?

Les conditions sont exigeantes et pourraient bien bloquer à jamais un éventuel processus de paix. Il existe pourtant une solution, celle du départ de Bachar al-Assad.

« Il faut donc trouver une solution, mais sans Assad. Peut-être que ses patrons iraniens et russes pourraient le prendre quelque part en Sibérie ou dans le désert de Qom, ce qui permettrait de préserver les institutions, et donc l’armée qui reste le noyau essentiel », estimait il y a quelques jours Walid Joumblatt, chef du Parti socialiste progressiste libanais au JDD.

Les Russes songent-ils à cette solution ? Sans aucun doute. Si les Russes soutiennent le régime syrien depuis plus de deux ans, ils n’ont jamais tenu déclaré que leur volonté de ne pas lâcher la Syrie était liée à la personne de Bachar al-Assad.

Et s’il fallait faire un choix : la stabilité de la Syrie contre la tête de Bachar al-Assad, cette dernière tomberait dans la seconde. Mais c’est parce que, jusqu’à présent, aucune personnalité, issue du régime syrien et tolérée par l’opposition, n’a émergé, que la Russie s’est engagée en faveur de son allié syrien.

Qui sera le plus fort au Moyen Orient ?

A l’heure d’une éventuelle sortie de crise offerte par la réorganisation de Genève 2, les Russes seraient peut-être tentés de demander à Bachar al-Assad de laisser place nette pour un successeur potable pour cette exigeante opposition.

L’important étant que le conflit syrien se résolve dans le calme de la négociation politique qui préserve bien entendu les intérêts russes tant en Syrie que dans la région.

En l’occurrence, dans le Moyen Orient en crise, car dans le conflit syrien, la Russie cherche à devenir maîtresse du jeu et c’est plus qu’un partenariat économique avec la Syrie ou qu’un principe de droit international que Moscou défend.

La Syrie est le théâtre où se joue un véritable concours de puissance dans la région. Et dans ce jeu à quatre mains, les Russes ont des adversaires de choix, qu’il s’agisse de la Turquie, de l’Arabie Saoudite ou du Qatar.

Celui de ces quatre qui sera dans le camp gagnant sera fort d’une légitimité nouvelle au Moyen Orient. C’est ainsi que la Turquie tente depuis deux ans d’engager la communauté internationale à intervenir sur le terrain, et que l’Arabie Saoudite et le Qatar agissent, dans deux camps opposés et dans le silence le plus total, pour soutenir les rébellions armées et parfois islamistes qui sévissent en Syrie.

Une chose est sûre, si la Russie a son mot à dire dans la désignation d’un successeur en Syrie, celui-ci ne sera certainement pas acquis à la cause de ces géants du Moyen-Orient.

L’enjeu iranien

Car pour la Russie un autre enjeu de taille est à préserver, celui des bases arrière de la Syrie, celui de l’Iran.

Cet axe triangulaire – Syrie, Iran, Hezbollah libanais – qui a si souvent été analysés depuis deux ans serait gravement touché par la chute du régime de Bachar al-Assad, si la transition n’est pas assurée avec délicatesse.

Et si le régime syrien est condamné, c’est alors l’Iran qu’il faudra désormais défendre. « La chute du régime syrien affaiblirait fortement l’Iran et renforcerait les États-Unis », expliquait récemment André Filler, maître de conférence à l’université Paris 8, au Nouvel Observateur.

Enfin, la Russie s’inquiète également de cette éventuelle transition politique et de la manière avec laquelle il faudra contenir tous ces djihadistes qui, de la Syrie, pourront à tout moment se déplacer vers les frontières issues de l’ancien empire de l’Union soviétique. Une inquiétude qui peut être partagée par les Occidentaux car les djihadistes qui combattent aujourd’hui en Syrie, sous différents noms et différentes organisations sont, dans une certaine mesure, des citoyens européens.

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