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Moyen-Orient: le calvaire des chrétiens face à l’islamisme

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JOL Press : Le pape rencontre aujourd’hui, au Vatican, les patriarches et archevêques des Églises orientales. Que doit-on attendre de cette rencontre ?
 

Mgr Pascal Gollnisch : Cette rencontre prend place dans ce que l’on appelle la plenaria de la Congrégation pour les Églises orientales, c’est-à-dire une réunion de tous les conseils de cette Congrégation, qui est composée de cardinaux et d’évêques du monde entier.

C’est une réunion habituelle – la dernière a eu lieu en 2009 avec Benoît XVI – qui permet de discuter des orientations à prendre pour les trois années à venir. À cette occasion, le pape rencontre les patriarches des Églises historiques – Antioche, Alexandrie, Jérusalem, Damas, Bagdad – et les archevêques majeurs – sortes de patriarches dans des pays comme l’Ethiopie, l’Ukraine, la Roumanie, et l’Inde.

Ils vont pouvoir s’exprimer devant le pape et dire quelles sont leur préoccupations. Plusieurs points devraient être évoqués : la vie de ces Églises dans les pays qui sont actuellement en conflit – la Syrie, l’Égypte et l’Irak en particulier –, les négociations diplomatiques entre le Saint-Siège et l’État d’Israël pour fixer le statut administratif des communautés chrétiennes en Terre sainte, la manière dont fonctionnent ces Églises, la question du dialogue interreligieux et des relations avec l’Islam.

Une autre question qui sera sûrement abordée concerne la diaspora des chrétiens orientaux qui ont quitté leur pays d’origine. Cette diaspora est importante, notamment en Europe – par exemple en Suède – mais aussi au Canada, aux États-Unis, en Amérique latine et en Australie. Cette diaspora appauvrit d’un côté les territoires historiques, mais peut en même temps être une force car les chrétiens de la diaspora apportent un soutien à leur Église d’origine.

JOL Press : Le patriarche irakien, Mgr Sako, a récemment dénoncé sur Radio Vatican la délivrance de visas aux chrétiens d’Irak par les ambassades et consulats étrangers, déclarant qu’il y avait « toute une stratégie pour aider les chrétiens à quitter l’Irak », même dans les zones où ils ne sont pas menacés. Qu’en pensez-vous ?
 

Mgr Pascal Gollnisch : Notre position est très claire sur ce point. Un certain nombre de chrétiens souhaitent quitter leur pays, surtout si ce pays est dans une situation difficile. Nous ne portons pas de jugement moral sur leur départ, mais nous sommes là pour aider ceux qui veulent rester. Je pense que nous n’avons pas à encourager ce départ, qui est souvent enraciné dans une sorte de rêve d’un Occident fantasmé. Or nous savons bien que l’Occident a aussi des difficultés. Je pense qu’il faut éviter que les diplomaties occidentales poussent à l’arrivée de chrétiens.

Il y a des effets d’annonce dans lesquels nous ne nous retrouvons pas, par exemple lorsque la France dit qu’elle va accueillir 500 réfugiés syriens, ou que l’Allemagne va en recueillir 3000. Nous ne nous reconnaissons pas dans ce type d’annonces parce que je pense que ce dont ont d’abord besoin ces réfugiés, c’est d’être aidés globalement.

Si on en accueille 500 en France – les réfugiés syriens sont entre 1,7 et 2 millions – à quoi cela sert-il ? En revanche, les moyens mis en œuvre pour les accueillir ici pourraient être utilisés sur place, en Jordanie, au Liban, en Turquie etc. Ensuite, comment choisir ces réfugiés ? Sur quels critères ? Pourquoi ces 500 et pas d’autres ? S’il y a effectivement des familles spécialement visées, menacées ou blessées, alors oui, il faut que la France les accueille dans le cadre général d’un accueil de réfugiés politiques.

Si les chrétiens veulent en effet émigrer, il est important qu’ils s’intègrent, mais également qu’ils gardent les racines de leur pays d’origine et qu’ils fassent en quelque sorte une « diaspora de soutien » pour leur Église d’origine.

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JOL Press : Les minorités chrétiennes d’Orient sont-elles prêtes à rester dans leur pays au risque d’être menacées ?
 

Mgr Pascal Gollnisch : Oui, elles restent sur leurs terres au risque d’être persécutées. Il y a 500 000 catholiques en Irak, ils savent bien qu’ils encourent des risques…

Le véritable enjeu, c’est bien sûr d’éviter qu’ils soient persécutés, en aidant les pays concernés à avancer vers plus de modernité et vers une certaine pacification des tensions. Cela passe notamment par le fait qu’il ne faut pas qu’une majorité, sous prétexte qu’elle a été élue, s’arroge tous les droits au point de ne pas respecter ceux de ses citoyens qui appartiennent à des minorités. La maturité démocratique, c’est aussi une manière de considérer les droits des autres, et en particulier de ceux qui n’ont pas voté pour vous. 

Il y a aussi certaines mouvances qui ont des volontés djihadistes et veulent sortir les chrétiens du Moyen-Orient. Il faut bien rappeler que ces courants djihadistes n’hésitent pas à multiplier aussi les crimes contre les musulmans : les musulmans modérés – par rapport aux musulmans radicaux – sont les premières victimes des djihadistes.

Il y a de nombreuses populations musulmanes qui refusent cette vision radicale, et avec lesquels les chrétiens peuvent travailler pour aider leur pays à entrer dans plus de modernité, de respect des droits de l’Homme, des libertés religieuses et qui permettront donc un avenir des chrétiens d’Orient, en Orient.

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JOL Press : Concernant le conflit syrien, comment les minorités chrétiennes perçoivent-elles Bachar al-Assad ? Ne craignent-elles pas que la chute de Bachar al-Assad ne marque l’arrivée des islamistes au pouvoir ?
 

Mgr Pascal Gollnisch : Il convient ici de dire que les communautés chrétiennes n’ont pas un point de vue unitaire. Les chrétiens peuvent faire des choix politiques différents.

Il est vrai que dans ce conflit syrien, nous voyons bien deux réalités qui ne sont pas de même nature. Sans porter de jugement sur l’un ou sur l’autre, on doit constater que d’un côté il y a un régime avec un président, un gouvernement, un État-major, une chaîne de commandement, et de l’autre côté, il y a une nébuleuse, dans laquelle ceux qu’on croit être les « grands chefs » ne font pas grand-chose, et les « petits chefs » n’en font qu’à leur tête.

Or, cette nébuleuse, que peu de gens arrivent à maîtriser, voit ses rangs djihadistes grossir, et des djihadistes violents. Par conséquent, si vous êtes chrétien, et quel que soit votre avis sur la situation et l’avenir politique de la Syrie, vous vous dites : « d’un côté il y a un régime structuré, et de l’autre, il y a l’incertitude. Que je le considère comme bien ou mal, le régime reste un moindre mal ».

Certains chrétiens préfèrent donc que le régime d’Assad reste, quitte à ce qu’il évolue (car il a évidemment des pratiques que l’on peut condamner), plutôt que de voir au pouvoir une nébuleuse inquiétante où l’on ne sait pas qui veut quoi, et dont on dit que certains veulent mettre les chrétiens en jeu…

JOL Press : Quelle est la position des Églises orientales sur l’intervention étrangère dans la guerre en Syrie ?
 

Mgr Pascal Gollnisch : Elles ne sont pas unanimes sur cette position, mais globalement, le positionnement est un peu paradoxal. Je pense qu’elles auraient souhaité qu’aucune influence étrangère n’intervienne en Syrie.

Mais ce pays est en train de s’autodétruire, nous assistons à des drames tous les jours, et il semble que ceux qui veulent l’arrêt de cette guerre considèrent la présence de l’ONU comme indispensable à cela.

JOL Press : Aujourd’hui, certaines minorités chrétiennes d’Orient sont-elles plus menacées que d’autres ?
 

Mgr Pascal Gollnisch : Oui sans doute, il semblerait que les communautés arméniennes soient particulièrement visées. Mais dans l’ensemble, elles sont quand même unies dans la situation assez effroyable dans laquelle elles se trouvent.

Propos recueillis par Anaïs Lefébure pour JOL Press

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Mgr Pascal Gollnisch est un prêtre catholique français, directeur général de l’Œuvre d’Orient, association française présente dans une vingtaine de pays et consacrée à l’aide aux chrétiens d’Orient.

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