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Droits humains bafoués: Amnesty International se mobilise

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Entraves à la liberté d’expression, torture, discriminations, menaces de mort, violences sexuelles… À l’occasion de la Journée internationale des droits de l’homme, les citoyens du monde entier sont invités à s’unir contre l’oubli et à soutenir les personnes menacées.

L’ONG de défense des droits humains Amnesty International lance ainsi une mobilisation mondiale, à travers des pétitions adressées aux autorités des pays concernés. Retour sur les douze situations mises en lumière par Amnesty International à cette occasion.

BIÉLORUSSIE – Ihar Tsikhanyuk, militant homosexuel harcelé et battu par la police

Ihar Tsikhanyuk, un drag-queen qui revendique ouvertement son homosexualité, est arrêté en  janvier 2013 avec d’autres militants après avoir tenté de faire enregistrer officiellement le Centre Lambda pour les droits humains – une association de défense des droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, trans et intersexuées (LGBTI).

Le 6 février 2013, alors qu’il est soigné à l’hôpital pour un ulcère, des policiers l’emmènent au poste de police où il est interrogé sur sa participation à une rencontre de défenseurs des droits des personnes LGBTI. Frappé, menacé, insulté, il fait l’objet de moqueries sur son homosexualité. Il est finalement libéré sans qu’aucune charge ne soit retenue.  

Ihar a porté plainte mais son dossier a été classé sans suite par le procureur, faute d’éléments suffisants. Ihar a fait appel de cette décision, sans succès. Il a entamé un nouveau recours. Déjà en  décembre 2012, le ministère de l’Intérieur avait convoqué une soixantaine de personnes, toutes membres du centre Lambda pour les droits humains, sous prétexte d’enquêter sur des trafics de drogue, mais les questions ont en fait porté sur leurs pratiques sexuelles.

TUNISIE – Jabeur Mejri, emprisonné pour ses messages sur les réseaux sociaux

Jabeur Mejri est condamné pour avoir usé de son droit à la libre expression. Suite à la plainte de deux avocats, il est arrêté et interrogé le 5 mars 2012 pour des messages sur sa page Facebook, notamment un texte de son ami Gazi Beji, défendant son athéisme, ainsi que des caricatures du prophète.

Un tribunal de Mahdia, dans l’est de la Tunisie, a jugé que certains de ces messages insultaient l’islam et les musulmans, d’après le code pénal et le code des télécommunications tunisien. Il est condamné le 28 mars à sept ans et demi de prison – une peine maximale – et à une amende de 550 euros. Gazi Beji est lui-même condamné par contumace à la même peine, alors qu’il a demandé l’asile en France. Ses avocats ont épuisé les procédures de recours et d’appels qui n’ont pas abouti devant les tribunaux.

Son seul espoir réside dans une grâce présidentielle. Jabeur effectue sa peine dans une prison de Mahdia. Sa famille confirme qu’il est désespéré.

VIETNAM – Trung Tien Nguyen, blogueur engagé, emprisonné pour ses idées

Trung Tien Nguyen, blogueur engagé, a été condamné à sept ans de prison et trois ans de résidence surveillée en janvier 2010 pour avoir appelé pacifiquement au changement au Vietnam. Pendant ses études à Rennes entre 2002 et 2007, il milite pour la démocratie et les droits humains dans son pays. En février 2006, il adresse aux autorités plusieurs lettres ouvertes dans lesquelles il se dit préoccupé par les violations des droits humains, l’absence de démocratie, les abus de pouvoir du parti unique au pouvoir, la corruption et la mauvaise gouvernance. 

En 2007, de retour à Ho-Chi-Minh-Ville, il continue à dénoncer les violations de droits humains en tant que leader de l’Assemblée des Jeunes Vietnamiens pour la Démocratie. Accusé avec trois autres militants de « tentative de renversement du gouvernement du peuple », il est détenu au secret en juillet 2009, puis condamné et emprisonné en 2010.

Mexique – Miriam López, torturée par des militaires, elle réclame justice

Miriam López, 30 ans, a été arbitrairement arrêtée le 2 février 2011 après avoir déposé ses enfants à l’école. Elle a été détenue dans le camp militaire de Tijuana où elle  a été violée et torturée par des soldats mexicains. Pour lui faire signer une fausse confession sur sa participation à un trafic de drogue, des soldats l’ont asphyxiée, lui ont infligé des chocs électriques et ont menacé de s’en prendre à sa famille.

Après sept jours d’abus et  de mauvais traitements, elle est transférée à Mexico où elle est placée 80 jours en détention préventive. Elle peut alors voir son mari qui alerte aussitôt un avocat défenseur des droits humains. En septembre 2011, Miriam est finalement relâchée sans qu’aucune charge ne soit retenue. Malgré les menaces et le traumatisme, cette mère de famille de quatre enfants est l’une des rares au Mexique à avoir eu le courage de porter plainte et de raconter son calvaire. Aucun responsable n’a pour le moment été amené à s’expliquer devant la justice.

GUATEMALA – Yolanda Oquelí, en danger de mort pour son opposition à un projet minier

Yolanda Oquelí est leader de la résistance pacifique à un projet d’extraction minière. Elle est constamment menacée en raison de son engagement pour la préservation des ressources des populations de la région de San José  del Golfo. Le 13 juin 2012, elle est attaquée et blessée par balle alors qu’elle rentre d’une manifestation. Elle souffre toujours de séquelles dues à la balle logée près de son foie.

A cause des menaces pesant également sur son mari et ses deux enfants, Yolanda a dû quitter son domicile plusieurs mois.  Elle a déposé plusieurs plaintes pour les menaces et actes de harcèlement dirigés contre elle et d’autres militants. A ce jour, aucun responsable n’a été traduit devant la justice pour ces attaques répétées.

TURQUIE – Hakan Yaman, tabassé, brûlé vif et laissé pour mort par la police

Le 3 juin 2013, Hakan Yaman, 37 ans, est laissé pour mort par six policiers devant son domicile alors qu’il rentre de son travail, pendant les mouvements de protestation de masse qui ont suivi l’occupation pacifique du Parc Gezi. Ces agents, qui dispersaient une manifestation à proximité, ont dirigé vers lui un canon à eau avant de lui envoyer une grenade lacrymogène dans le ventre et lui enfoncer un objet dans l’œil, une fois à terre. Il a été ensuite jeté dans un feu et laissé pour mort avant que des manifestants lui portent secours et le transportent vers un hôpital. La scène a été filmée par un témoin. 

Les médecins constatent de multiples fractures au visage et des brûlures au 2ème degré. Il a également perdu un œil et 80% de la vision du second. Il est aujourd’hui au chômage, handicapé et sans ressources. Hakan a porté plainte pour tentative d’homicide. Les policiers interrogés ont nié les violences commises et aucune arrestation n’avait encore eu lieu en septembre 2013.

CAMBODGE – Yorm Bopha, emprisonnée pour avoir défendu sa communauté menacée d’expulsion 

Yorm Bopha, 30 ans, engagée contre les expulsions forcées des habitants de son quartier à Phnom Penh, a été condamnée à 3 ans d’emprisonnement en septembre 2012. Yorm a dénoncé ouvertement la détention de treize autres militantes de son quartier, aux abords du lac Boeung Kak, condamnées, en mai 2012, à des peines allant jusqu’à deux ans et demi d’emprisonnement. Elle a reçu des menaces avant d’être déclarée coupable de charges sans fondement et a été emprisonnée.

Elle semble avoir été prise pour cible en raison du rôle essentiel qu’elle a joué en prônant pacifiquement le respect du droit à un logement convenable pour les habitants de son quartier. Les 26 et 27 décembre 2012, malgré les témoignages incohérents présentés par l’accusation, Yorm, son époux, Luos Sakhorn, et ses deux frères ont été déclarés coupables de « violences volontaires  avec circonstances aggravantes » et condamnés à purger une peine de trois ans de prison et à indemniser les victimes présumées. Son mari a pu rentrer chez  lui car sa peine a été suspendue. Yorm, mère d’un petit garçon, a été immédiatement renvoyée à la prison de Prey Sar, à Phnom Penh. Ses deux frères, jugés par contumace, font l’objet de mandats d’arrêt.

MYANMAR – Docteur Tun Aung, condamné à 17 ans de prison pour sa défense pacifique de la minorité Rohingya

Issu de  la minorité musulmane rohingya et président du Conseil musulman des affaires  religieuses, le  docteur Tun Aung est arrêté le 11 juin 2012 suite aux émeutes dans l’Etat de Rakhine. A la demande des autorités du Myanmar, il était intervenu pour tenter de calmer des émeutiers. Alors qu’il n’a à cette occasion jamais fait usage ou incité à la violence, il a pourtant été accusé de violences et détenu plusieurs mois au secret, avant d’être condamné à 17 ans d’emprisonnement.

Père de quatre enfants, il est actuellement emprisonné à 170  km de sa famille, privé de visites et de téléphone. Principalement détenu à l’isolement depuis son incarcération, Tun Ang souffre d’une tumeur et il est à craindre qu’il ne reçoive pas les soins médicaux requis pendant sa détention. Il n’a pas pu choisir son avocat et n’a pu rencontrer en privé l’avocat affecté par l’Etat.

BAHREÏN – 13 opposants politiques, jetés en prison pour avoir exprimé leurs opinions

13  militants de l’opposition sont  emprisonnés suite à leur participation aux manifestations antigouvernementales de masse à Bahreïn en février et  mars 2011. Accusés de «  mise en place de groupes terroristes en vue de renverser la monarchie et de modifier la Constitution » et sans aucune preuve qu’ils aient fait usage de la force lors des rassemblements, ils sont arrêtés pour avoir exercé leur droit légitime à la liberté d’expression, d’association et de réunion. 

Interpellés en pleine nuit pour la plupart, détenus au secret plusieurs semaines, sans recours possible à un avocat, nombre de ces militants ont dénoncé des mauvais traitements, actes de torture  et  agressions  sexuelles  lors  de  leur  détention.  Ils  n’ont  pu  revoir  leurs  familles  qu’au  cours  de  leur audience devant un tribunal militaire.

Le procès a débouché sur des condamnations à des peines allant de cinq ans d’emprisonnement à la réclusion à perpétuité. La comparution devant un tribunal civil en appel n’a pas modifié leurs peines.

RUSSIE – Les Trois de Bolotnaïa, poursuivis pour avoir osé manifester

Vladimir Akimenkov, Artiom Saviolov et Mikhail Kossenko font partie des 400 à 500 manifestants arrêtés lors de la manifestation autorisée du 6 mai 2012, la veille de l’investiture de Vladimir Poutine, sur la place Bolotnaïa à Moscou. 

Les trois hommes,  âgés  de 26 à 38  ans, sont actuellement en détention préventive et risquent de  lourdes  peines  de  prison. Pour  Amnesty  International, qui a eu accès à l’ensemble  des  pièces  du  dossier, il n’existe aucun élément indiquant  qu’ils aient usé de violence. Ils sont donc des prisonniers d’opinion. Plusieurs autres manifestants de la place Bolotnaïa, aussi poursuivis, pourraient aussi être des prisonniers d’opinion. 

L’état de santé de deux d’entre eux se dégrade sans qu’ils ne reçoivent de soins appropriés. Aucune enquête n’a été menée à ce jour sur les arrestations arbitraires de Vladimir, Artiom et Mikhail, ni sur le recours excessif à la violence par les forces de police.

NIGÉRIA – Les familles de Badia-Est, expulsées de force de leur logement, elles ont tout perdu

Près de 9000 personnes ont été expulsés de force le 23 février 2013 à Badia-Est  dans la  province de  Lagos au  Nigeria.  Plus de 100 000  personnes vivent dans cette zone informelle où bulldozers et policiers ont  détruit maisons et commerces, soient au moins 266 bâtiments. 

Des arrestations ont eu lieu au cours des démolitions, les habitants ayant essayé d’avoir accès à  leur  maison pour récupérer leur affaires et empêcher la destruction de tous leurs biens. Malgré la brutalité de l’opération et les intimidations  répétées  de  la  police, des centaines de résidents aujourd’hui sans abri se mobilisent pour se faire entendre des autorités.

Sourd à leurs préoccupations, l’Etat de Lagos a identifié la zone de Badia-Est comme partie intégrante d’un projet de rénovation urbaine qui comprend une phase d’évacuation du terrain, sans proposer de solutions de relogement aux habitants qui y ont ancré leur vie. Les personnes expulsées  ne  disposent  d’aucun  recours  ni  d’aucune  indemnisation. Nombre de ces personnes ont aussi perdu leurs sources de revenus. 

ISRAËL – TERRITOIRES OCCUPÉS PALESTINIENS – Les villageois de Nabi Saleh, dépossédés de leurs droits, ils manifestent malgré la répression 

Les 550 habitants du  village de Nabi  Saleh en Cisjordanie manifestent chaque semaine  pour  protester contre l’occupation et les pratiques discriminatoires, ils subissent la répression des soldats israéliens : recours excessif et inutile à la  force  –  deux manifestants  ont été tués et des centaines blessés au cours des quatre dernières années –,  arrestations et perquisitions régulièrement tard dans la nuit.

Soutenues par  des activistes israéliens, palestiniens et  internationaux, les manifestations hebdomadaires sont marquées par un recours excessif et inutile à la force de la part des soldats israéliens qui utilisent : des balles réelles, des balles métalliques recouvertes de  caoutchouc, des  grenades assourdissantes, des  aérosols de gaz poivre, des matraques et du gaz lacrymogène.

 Parmi  les  habitants,  Sarmam  et  Bassem  Tamimi  ont  fait  l’objet,  ainsi  que leurs enfants, de multiples arrestations, violences et inculpations. Les enquêtes militaires menées sur les deux morts de manifestants, toujours en cours, ne respectent pas les normes internationales d’indépendance et d’impartialité, de transparence et de rapidité.

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