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Genève 2: bilan de la première journée d’un dialogue de sourd international

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C’est comme si plusieurs conférences internationales s’étaient déroulées dans la même salle et au même moment. Genève 2 a fait le constat de ses divergences lors de cette première journée durant laquelle toutes les parties ont exposé leurs positions.

Objectifs divergents

Les Occidentaux, Etats-Unis et France en tête, ont confirmé leur volonté de voir s’établir un régime de transition en Syrie, un régime dans lequel le président Bachar al-Assad n’aurait bien entendu pas sa place.

Dans un discours prononcé en milieu d’après-midi, le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius a largement accusé le régime syrien d’être à l’origine des blocages qui empêchent toute négociation depuis des mois. Pas de « dialogue de sourds », pour le ministre français. « Non, tout le monde entend sauf une délégation qui est sourde et aveugle », a-t-il ajouté après avoir accusé le régime syrien « d’alliance objective avec les terroristes », contredisant ainsi le discours syrien.

La Syrie fait planer le spectre du terrorisme international

A cette volonté occidentale d’exproprier le régime syrien, la délégation envoyée par Bachar al-Assad a opposé un refus intransigeant de voir un gouvernement de transition formé sans y être invité.

La Syrie n’est pas venue en Suisse pour se faire voler le pouvoir mais bien pour alerter le monde sur les dangers du terrorisme international. Un terrorisme qui, selon les mots employés par la délégation syrienne, est sponsorisé par des puissances présentes autour de la table de Genève 2.

Le discours prononcé par Wallid Mouallem, chef de la délégation syrienne et ministre des Affaires étrangères a été très clair et a visé explicitement l’Arabie Saoudite, le Qatar et la France.

Le régime syrien expose sa position

Dans un discours de 35 minutes, le ministre syrien des Affaires étrangères a déploré la présence de pays qu’il considère comme partiellement coupables de ce qu’il se passe actuellement en Syrie.

« Il est regrettable pour moi et le peuple syrien que les représentants des Etats dans cette pièce soient assis ici alors qu’ils ont du sang syrien sur les mains, des pays qui ont exporté le terrorisme », a-t-il déclaré, en référence sans doute aux nombreux combattants étrangers agissant sur le sol syrien comme mercenaires à la solde des puissances opposées au régime syrien.

Déterminés à ne pas céder face à la pression internationale pour ce qui concerne la création d’un régime de transition, le ministre syrien a tenté d’alerter la communauté internationale du risque d’explosion de toute une région.

« La maison du voisin ne peut brûler sans que votre maison ne soit brûlée », a ainsi prédit Wallid Mouallem avant de rappeler que la Syrie ne cèdera rien. « La Syrie, Etat indépendant, fera tout ce qui est en son pouvoir pour continuer de se défendre comme elle l’entend, quelles que soient les déclarations et positions de certains pays. C’est une décision syrienne », a encore déclaré le chef de la délégation syrienne.

C’est sur un léger accrochage avec le secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-moon que ce discours s’est achevé. Alors que ce dernier a tenté à plusieurs reprises d’interrompre le ministre, qui avait largement dépassé son temps de parole, Ban Ki-moon n’a pas apprécié que Wallid Mouallem lui rétorque : « Vous vivez à New York et moi je vis en Syrie, j’ai le droit de donner la version syrienne ici devant ce forum ». Le secrétaire général lui a alors reproché de ne pas contribuer à « l’atmosphère constructive » nécessaire au bon déroulement de Genève 2.

Au tour de l’opposition

A la suite de ce discours, c’est le chef de la Coalition nationale syrienne qui a pris la parole pour défendre les vues de l’opposition.

Ahmad Jabra a introduit son propos en rappelant le drame syrien qui dure depuis bientôt trois ans. « Les Syriens ont résisté pendant une année avant d’être obligés de réagir. […] Se défendre avec des armes nous a été imposé par le régime », a déclaré le chef de la délégation de l’opposition.

Après cela, Ahmad Jabra a condamné la stratégie syrienne d’alliance avec des groupes qu’il a qualifiés de « terroristes ». « Nous sommes engagés dans notre lutte contre le terrorisme », a ainsi déclaré Ahmad Jabra, évoquant les combattants iraniens et du Hezbollah qui ont été envoyés en Syrie. « La situation est claire, la révolution fait face au terrorisme d’Assad et au terrorisme qu’Assad a laissé entrer en Syrie. Assad fait entrer les mercenaires tout en prétendant lutter contre le terrorisme », a ajouté Ahmad Jabra.

Genève 1 sera-t-il respecté ?

Si tout se déroule comme prévu, l’opposition et le régime devraient se rencontrer plus directement lors d’une réunion à Genève, vendredi 24 janvier. Pour superviser ces négociations, seuls le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon et l’émissaire international des Nations Unies pour la Syrie, Lakhdar Brahimi seront présents.

D’ici là, les forces en présence continueront sans nul doute à s’accrocher sur les réels objectifs de Genève 2. Pour les uns, déterminés à faire tomber le régime syrien, il s’agira tout simplement d’appliquer les dispositions conclues en 2012 lors de Genève 1. Pour les autres, partisans de Bachar al-Assad, l’objectif sera de repartir de Genève 2 à la même place, une place qui confortera alors la légitimité de Bachar al-Assad à la présidence. 

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